Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Mouvement républicain populaire [M. R. P.]

Parti politique, fondé en novembre 1944 et qui a groupé les adeptes français de la démocratie* chrétienne.


Seule formation politique nouvelle à la Libération, le Mouvement républicain populaire appartient en fait à un courant traditionnel de la pensée française, le même qui inspirait, un siècle auparavant, l’action de La Mennais* et d’Ozanam. Est-ce là une des raisons de son démarrage foudroyant ?

Fondé dans la clandestinité à Lyon en 1944, le M. R. P. est issu de la Résistance. Gilbert Dru, fondateur des « Jeunes Chrétiens combattants », éprouva le premier la nécessité de prolonger la fraternité du combat commun en donnant à l’engagement dans la Résistance une portée politique. Il prit l’initiative de regrouper les diverses tendances de la démocratie chrétienne apparues avant la guerre : la Jeune République de Marc Sangnier, le parti démocrate populaire — créé en 1924 —, les tenants du journal l’Aube, fondé en 1932 par Francisque Gay (1885-1963) et Gaston Tessier (1887-1960), et auquel collaborait Georges Bidault.

Le jeune mouvement bénéficie d’entrée de jeu de circonstances favorables : il possède l’accord tacite du général de Gaulle et participe ainsi à son prestige. « Vous avez été le père spirituel du M. R. P., j’en ai été le père nourricier », disait un jour de Gaulle à Sangnier. Tous les réseaux de la Résistance lui apportent adhérents et soutien, surtout le groupe « Libération Nord ». S’il s’efforce de ne pas garder de caractère confessionnel, le M. R. P. n’en reçoit pas moins le soutien du clergé, des curés de paroisse surtout, ainsi que des organisations sociales inspirées des principes de l’Église ou placées sous son égide, telles la C. F. T. C., l’A. C. J. F. et la J. O. C.


L’engagement M. R. P.

Les républicains populaires définissent leur engagement politique comme un humanisme démocratique. « Le régime que nous voulons bâtir est un régime fondé sur le respect total et inconditionnel de la personne humaine [...] (Maurice Schumann, Congrès national, déc. 1945). Le déterminisme historique des marxistes, de même que celui des lois naturelles des libéraux et de la physique sociale des positivistes, est écarté d’emblée. D’inspiration chrétienne, le M. R. P. n’est pas pour autant déductible de façon contraignante de la foi religieuse. Marc Sangnier décrit le démocrate-chrétien comme « un type d’homme engagé dans le temporel jusqu’au cou, qui fait ses choix politiques sous sa responsabilité propre, mais qui s’engage avec une exigence spirituelle totale ».

Le programme du M. R. P. est proche de celui du Conseil national de la Résistance (C. N. R.). Son premier manifeste, œuvre d’André Colin et de Maurice René Simonnet, affirme que le gouvernement doit assurer à chaque homme les conditions économiques de la liberté politique, par la nationalisation du crédit et des sources d’énergie, par l’instauration de la sécurité sociale pour tous, par la participation progressive des travailleurs à la vie de l’entreprise, par la valorisation du rôle des organisations professionnelles et de la famille.

Le M. R. P. est un parti très structuré, dans la ligne d’un certain corporatisme catholique. L’esprit d’équipe y est très développé. En 1946, le M. R. P. est en tête des partis parmi les employés et arrive après les communistes et la S. F. I. O. dans les milieux ouvriers. Il possède des équipes ouvrières et paysannes très actives. C’est grâce à son implantation rurale qu’il survivra au rétablissement du scrutin uninominal, dont il avait toujours redouté les effets. La proportion de députés M. R. P. élus par les agriculteurs ne cessera de croître de 1951 à 1958, tandis qu’à cette date il n’y aura plus aucun élu par les grandes villes.

La base est fort peu représentée au comité national du mouvement et à la commission exécutive, de telle sorte que les militants critiqueront souvent la politique pratiquée par les dirigeants.


Le M. R. P. et le gouvernement provisoire

La montée du M. R. P. est rapide. Le mouvement compte trois ministres dans le gouvernement formé en novembre 1944 — G. Bidault, président du C. N. R., François de Menthon et Pierre Henri Teitgen — et possède un brillant orateur, le porte-parole de la France combattante : Maurice Schumann. Sur le plan, alors primordial, des institutions, il mène une campagne acharnée pour que la future Constitution soit dominée par une Assemblée constituante unique, élue au suffrage universel direct et selon le système de la représentation proportionnelle intégrale. Mais il n’obtient pas totale satisfaction sur ce point.

Il admet les alliances avec les socialistes, mais cette tactique électorale est entravée par les communistes, qui, pour éviter cette collusion, brandissent la question de la laïcité. Le succès des républicains populaires en octobre 1945 est néanmoins éclatant. Alors qu’ils paraissent pour la première fois dans des élections législatives, ils obtiennent les suffrages de plus de 4,5 millions d’électeurs, soit 150 sièges dans la nouvelle Assemblée. Ils recueillent les voix des Français conservateurs, désemparés par l’effacement de la droite classique et pour lesquels les audaces sociales du M. R. P. sont tempérées par ses préoccupations spirituelles. Ils gagnent aussi aux dépens des modérés, dont certains sont discrédités par la Collaboration, et des radicaux socialistes. L’Aurore écrit le 22 octobre 1945 : « Le M. R. P. relaie le parti radical pour la représentation des classes moyennes. » Le succès M. R. P. est particulièrement marqué dans la Seine, où il devient, avec 28 p. 100 des voix, le deuxième parti, en Alsace et en Lorraine, en Savoie, dans le Nord, en Normandie, régions de traditions conservatrices et religieuses.

Mais ce triomphe électoral est en fait fondé sur une équivoque. Une faible minorité d’électeurs des républicains populaires se sentent attirés vers la gauche. Pour la majorité d’entre eux, le M. R. P. n’est qu’un barrage provisoirement dressé contre le communisme. « C’est avec des voix de droite que nous ferons une politique de gauche », avoue G. Bidault. Cette grave distorsion va peser lourdement sur l’évolution du parti : pour ne pas perdre sa clientèle, celui-ci devra tenir compte de ses aspirations, admettre la discussion et les concessions, et cependant ses prises de position seront plus à droite que ne le souhaitent les militants, mais trop à gauche pour satisfaire leurs électeurs. Le mouvement en subira très vite les conséquences.