mortalité (suite)
Il reste que les progrès ont été très inégaux selon les populations, ainsi qu’en témoignent les données chiffrées rapportées précédemment. À ces inégalités entre nations s’ajoutent les inégalités entre groupes sociaux à l’intérieur d’un même pays ; il n’est même pas certain que les progrès sanitaires d’ensemble dont ont bénéficié les populations se soient accompagnés d’une atténuation des différences en matière de mortalité des divers groupes qui les composent. On aura une idée de la persistance de cette inégalité devant la mort lorsque l’on saura qu’en France, parmi 1 000 hommes de 35 ans, on trouve une forte majorité de survivants dans les classes les plus favorisées (membres de l’enseignement, professions libérales et cadres supérieurs). Cette inégalité n’est pas moins forte chez les jeunes enfants : toujours en France, lorsque vers 1960, dans le haut de l’échelle sociale, il mourait 16 nouveau-nés sur 1 000 avant 1 an, il en mourait 40 dans le groupe des travailleurs de la mine.
Le niveau culturel des diverses catégories et leur niveau de protection par l’organisation sociale existante exercent une influence primordiale ; l’un et l’autre déterminent des genres de vie et des attitudes devant la maladie fort différents, qui retentissent de façon très sensible sur la mortalité. Il est par ailleurs frappant que ce soient les maladies trahissant une détresse particulière tant psychique que physique qui, en tant que causes de décès, sont le plus inégalement réparties (tuberculoses, affections liées à l’alcoolisme, aux accidents...).
Les analyses de causalité
Ces diverses analyses n’éclairent pas totalement le problème de la causalité en matière de mortalité. Sans doute, la nocivité de certaines habitudes alimentaires ou autres n’est plus à démontrer (alcoolisme, tabagisme), et l’exercice de certains métiers comporte des risques qui accroissent la mortalité de ceux qui les exercent. Mais on s’interroge toujours sur l’influence exacte de certains facteurs, sans doute déterminants, comme le climat, l’alimentation, le « genre de vie ». En raison des associations nombreuses qui existent entre les caractéristiques que l’on peut attacher à un même individu (niveau de revenu, lieu de résidence, niveau intellectuel, mode de vie...), il est difficile de préciser le rôle tenu par l’une d’elles, prise isolément, dans la détermination du niveau de la mortalité. Du moins, en s’en tenant à des populations nationales considérées globalement, les confrontations internationales montrent qu’une fois dépassé un certain seuil le degré de développement économique est sans influence sur la mortalité : la comparaison U. R. S. S. - États-Unis est très parlante à cet égard, l’écart insignifiant entre les espérances de vie étant sans rapport avec l’écart de l’ordre de 1 à 4 qui existe entre les pouvoirs d’achat monétaires des individus.
Le recul de la mortalité a résulté essentiellement d’une maîtrise accrue et maintenant quasi parfaite dans la lutte contre les maladies infectieuses : les moyens préventifs et curatifs sont des plus efficaces, en sorte que l’homme ne peut désormais progresser qu’en parvenant sinon à vaincre, du moins à reculer les effets fatals des maladies du vieillissement (cancer, affections cardio-vasculaires...). Désormais, dans les meilleurs des cas, 90 p. 100 des nouveau-nés actuels peuvent espérer atteindre leur 60e anniversaire ; atteindre 90, voire 100 ans, en tant que vie moyenne, serait prolonger plus qu’on ne peut le faire actuellement la vie des personnes atteintes d’affections irréversibles.
R. P.