Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

mortalité (suite)

Il reste que les progrès ont été très inégaux selon les populations, ainsi qu’en témoignent les données chiffrées rapportées précédemment. À ces inégalités entre nations s’ajoutent les inégalités entre groupes sociaux à l’intérieur d’un même pays ; il n’est même pas certain que les progrès sanitaires d’ensemble dont ont bénéficié les populations se soient accompagnés d’une atténuation des différences en matière de mortalité des divers groupes qui les composent. On aura une idée de la persistance de cette inégalité devant la mort lorsque l’on saura qu’en France, parmi 1 000 hommes de 35 ans, on trouve une forte majorité de survivants dans les classes les plus favorisées (membres de l’enseignement, professions libérales et cadres supérieurs). Cette inégalité n’est pas moins forte chez les jeunes enfants : toujours en France, lorsque vers 1960, dans le haut de l’échelle sociale, il mourait 16 nouveau-nés sur 1 000 avant 1 an, il en mourait 40 dans le groupe des travailleurs de la mine.

Le niveau culturel des diverses catégories et leur niveau de protection par l’organisation sociale existante exercent une influence primordiale ; l’un et l’autre déterminent des genres de vie et des attitudes devant la maladie fort différents, qui retentissent de façon très sensible sur la mortalité. Il est par ailleurs frappant que ce soient les maladies trahissant une détresse particulière tant psychique que physique qui, en tant que causes de décès, sont le plus inégalement réparties (tuberculoses, affections liées à l’alcoolisme, aux accidents...).


Les analyses de causalité

Ces diverses analyses n’éclairent pas totalement le problème de la causalité en matière de mortalité. Sans doute, la nocivité de certaines habitudes alimentaires ou autres n’est plus à démontrer (alcoolisme, tabagisme), et l’exercice de certains métiers comporte des risques qui accroissent la mortalité de ceux qui les exercent. Mais on s’interroge toujours sur l’influence exacte de certains facteurs, sans doute déterminants, comme le climat, l’alimentation, le « genre de vie ». En raison des associations nombreuses qui existent entre les caractéristiques que l’on peut attacher à un même individu (niveau de revenu, lieu de résidence, niveau intellectuel, mode de vie...), il est difficile de préciser le rôle tenu par l’une d’elles, prise isolément, dans la détermination du niveau de la mortalité. Du moins, en s’en tenant à des populations nationales considérées globalement, les confrontations internationales montrent qu’une fois dépassé un certain seuil le degré de développement économique est sans influence sur la mortalité : la comparaison U. R. S. S. - États-Unis est très parlante à cet égard, l’écart insignifiant entre les espérances de vie étant sans rapport avec l’écart de l’ordre de 1 à 4 qui existe entre les pouvoirs d’achat monétaires des individus.

Le recul de la mortalité a résulté essentiellement d’une maîtrise accrue et maintenant quasi parfaite dans la lutte contre les maladies infectieuses : les moyens préventifs et curatifs sont des plus efficaces, en sorte que l’homme ne peut désormais progresser qu’en parvenant sinon à vaincre, du moins à reculer les effets fatals des maladies du vieillissement (cancer, affections cardio-vasculaires...). Désormais, dans les meilleurs des cas, 90 p. 100 des nouveau-nés actuels peuvent espérer atteindre leur 60e anniversaire ; atteindre 90, voire 100 ans, en tant que vie moyenne, serait prolonger plus qu’on ne peut le faire actuellement la vie des personnes atteintes d’affections irréversibles.

R. P.

Morte (manuscrits de la mer)

Manuscrits anciens découverts dans des grottes sur la rive nord-ouest de la mer Morte, d’une très grande importance pour l’histoire du judaïsme et des origines chrétiennes.



Une bibliothèque dans des grottes

Durant l’hiver 1946-47, un Bédouin, à la recherche d’une brebis perdue, pénètre dans une grotte peu accessible de la falaise rocheuse qui domine la mer Morte. Il y trouve des débris de poterie et plusieurs rouleaux de vieux manuscrits. Trois rouleaux sont achetés par un archéologue juif, Eliezer Lipa Sukenik, pour l’université hébraïque de Jérusalem ; quatre autres, d’abord confiés à l’American School of Oriental Research de Jérusalem, sont cédés à l’État d’Israël pour la somme de 250 000 dollars. Après avoir eu sous les yeux la photographie d’un manuscrit, l’archéologue américain William F. Albright salue la trouvaille comme « la plus grande découverte archéologique des temps modernes ».

De 1949 à 1956, des fouilles sont entreprises sous la direction du P. Roland de Vaux, directeur de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem. Dix autres grottes sont découvertes. À la fin de la campagne, les onze grottes de Qumrān ont livré plus de 600 manuscrits ou fragments de manuscrits, les vestiges de toute une bibliothèque.

Si de nombreux fragments ne sont pas encore publiés, les principaux documents de Qumrān sont actuellement connus. En voici un inventaire rapide :
— un rouleau du Livre d’Isaïe, copie du texte biblique, en très bon état de conservation ; il semble avoir été copié au iie s. av. J.-C. et, sans tenir compte des différences orthographiques, il contient environ 2 000 variantes par rapport au texte massorétique actuel ;
— de très nombreux fragments, parfois minuscules, qui correspondent à presque tous les livres de l’Ancien Testament ;
— l’apocryphe de la Genèse, paraphrase assez libre en araméen du texte biblique : 5 colonnes seulement sont lisibles ;
— un targum de Job, traduction araméenne du Livre de Job, dont seulement 38 colonnes sont partiellement conservées ;
— 13 manuscrits contenant le texte de certains prophètes et de certains psaumes, entrecoupé d’applications historiques à la vie de la communauté ; l’ouvrage le plus connu est l’Application (en hébreu pesher) d’Habacuc, communément appelé Commentaire d’Habacuc ;
— plusieurs manuscrits d’apocryphes juifs, Livre des Jubilés, Livre d’Hénoch, Testaments de Lévi et de Nephtali, qui nous font connaître en partie le texte hébreu ou araméen d’ouvrages qui ne nous étaient jusqu’alors accessibles que par des traductions grecques ou éthiopiennes ;
— la Règle de la Communauté ou Manuel de discipline, dont un manuscrit est complet et qui mélange considérations théologiques et réglementations pratiques ;
— le Document de Damas, déjà connu par quelques fragments trouvés en 1897 dans une synagogue du Vieux-Caire et qui est représenté par 11 manuscrits : il continue et précise la Règle de la Communauté ;
— la Règle de la guerre, qui prévoit le massacre de tous les païens et de tous les juifs ne faisant pas partie de la Communauté ;
— la Règle de la Congrégation, qui détermine surtout les préséances entre le « Messie » sacerdotal et le « Messie » militaire et politique ;
— des Hymnes, qui sont de très belles méditations poétiques sur des thèmes d’histoire ou de théologie ;
— une liste, gravée sur cuivre, de 62 trésors cachés dans toute la Palestine ;
— une foule d’autres documents en mauvais état de conservation, dont la publication ou l’étude sont en cours.