Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

mortalité (suite)

Le taux brut de mortalité

Un taux brut de mortalité peut s’analyser comme une moyenne pondérée des taux par âge observés dans la population. En notant tx le taux à l’âge x et px la proportion des personnes d’âge x, le taux brut t s’écrit
t = Σpx tx.
Par conséquent, la différence qui existe entre ce taux et un autre taux brut,

peut tenir à des différences dans les deux systèmes de taux par âge {tx} et , mais aussi à des différences dans les répartitions par âge des deux populations {px} et  : le premier facteur fait intervenir les différences entre mortalités, ce mot étant entendu comme désignant le risque plus ou moins élevé de décéder, alors que le deuxième facteur est totalement étranger au phénomène considéré. C’est ainsi qu’en France, en 1954, le taux brut de mortalité était de 12 p. 1 000 alors qu’il s’élevait à 14 p. 1 000 dans le département de l’Ariège, où pourtant la plupart des taux par âge sont inférieurs à ce qu’ils sont dans la France entière. Or, si l’on pondère les taux de mortalité par âge de l’ensemble de la France par la répartition par âge de la population de l’Ariège, le taux atteint 16,8 p. 1 000, nettement plus élevé cette fois que celui de l’Ariège.

Cet exemple montre l’importance de la répartition par âge dans la détermination d’un taux brut, en même temps qu’il illustre une méthode de comparaison globale des mortalités, la méthode de la population type : on rend comparables des taux bruts de mortalité en les calculant à partir des taux par âge observés, pondérés par une répartition par âge commune, qui constitue la population type.

Ainsi, ce qui différencie les taux bruts des pays développés, ce sont beaucoup plus les écarts dans les répartitions par âge que les écarts dans les mortalités ; c’est dans cet esprit qu’il convient de comparer les données suivantes.

Dans les pays sous-développés, où la structure par âge, conditionnée par une forte natalité, est très jeune, le taux de mortalité est parfois très faible (par exemple, au Mexique, il est inférieur à 10 p. 1 000) ; il est exceptionnel, actuellement, qu’il se situe au-dessus de 25 pour 1 000, mais d’assez nombreux pays sont compris dans l’éventail allant de 15 à 25 pour 1 000.

Le souci d’analyser plus finement l’évolution de la mortalité conduit à calculer les taux par sexe et âge ; ces taux présentent une parenté étroite avec les quotients de mortalité qui apparaissent dans les tables de mortalité. Ils montrent, comme ces derniers, que la fréquence des décès décroît depuis la naissance jusque vers 13-15 ans, pour croître sans cesse ensuite. On porte une attention particulière à la mortalité des enfants avant 1 an, et l’on calcule pour cela le taux de mortalité infantile, qui est le rapport des décès d’enfants de moins de 1 an, une année donnée, aux naissances durant cette année. De l’ordre de 15 à 20 pour 1 000 dans les pays les plus avancés, ce taux dépasse encore 100 pour 1 000 dans les populations les plus attardées.


L’inégalité devant la mort

La synthèse la plus satisfaisante pour rendre compte de la mortalité d’un pays est celle qui est effectuée à partir des tables de mortalité et de l’indice qui résume ces tables : la vie moyenne, ou espérance de vie à la naissance. Dans les pays économiquement développés, l’éventail des situations est très resserré, la vie moyenne des hommes se situant actuellement entre 65 et 70 ans et celle des femmes autour de 75 ans.

Les populations de certains pays sous-développés ont des vies moyennes très voisines de celles des pays économiquement avancés, ainsi Taiwan (T’ai-wan) et Hongkong.

Toutefois, ce sont encore les situations médiocres, voire franchement mauvaises qui prédominent. En Inde et au Pākistān, l’espérance de vie se situe aux environs de 45 ans, ce qui est le cas dans la majeure partie des pays d’Amérique latine. Dans les pays d’Afrique noire, l’état sanitaire est encore nettement plus mauvais et, avec des vies moyennes fréquemment de l’ordre de 30 ans, nous situe en France au temps de l’Ancien Régime.

Les progrès de l’humanité en matière de lutte contre la mortalité ont fait progresser l’espérance de vie de quelque 20 années, dans les temps les plus reculés, à des valeurs proches de 75 ans actuellement, dans les meilleurs des cas. Toutefois, ces chiffres moyens ne rendent pas compte totalement du mécanisme de la progression. La forte mortalité ancienne tenait non seulement à des conditions générales de vie précaires et à l’absence de tout savoir médical véritable, mais encore à l’apparition périodique de grands fléaux qui décimaient les populations : crises de subsistances, désordres sociaux et surtout épidémies très meurtrières. Le recul de la mortalité a tout d’abord résulté de l’atténuation progressive, puis de la disparition de ces surmortalités, cela grâce à des progrès dans l’organisation sociale et en matière d’hygiène publique. La lente élévation du niveau* de vie et les découvertes dans l’ordre scientifique et médical (vaccination, découvertes pastoriennes, thérapeutiques anti-infectieuses) ont, elles, changé les conditions profondes de la vie de l’homme ; c’est de la sorte que la durée de la vie humaine a pu tripler, voire quadrupler.

En France, actuellement, les quelque 550 000 décès annuels sont causés essentiellement par des maladies dues au vieillissement de l’organisme, la seule maladie épidémique à effets sensibles et capricieux sur la mortalité étant la grippe (de quelques milliers à 20, 30 ou 40 000 décès par an selon les années). La tuberculose ne compte plus que pour 3 000 décès environ (contre près de 100 000 au début du siècle).

En revanche, le nombre des morts dues à l’alcoolisme* a longtemps crû régulièrement (actuellement, la situation tend à régresser légèrement, jusqu’à près de 21 000 par an), ainsi que celui des morts causées par les accidents*, notamment les accidents de la circulation* routière.