Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Morbihan. 56

Départ. de la Région Bretagne ; 7 092 km2 ; 563 588 hab. (Morbihannais). Ch.-l. Vannes. S.-préf. Lorient et Pontivy.


Le Morbihan est le plus méridional des départements bretons. L’influence thermique de la mer est primordiale ; les étés sont plus chauds et plus longs que dans les autres départements bretons. Le bocage s’interrompt sur les hauteurs, où dominent forêts et landes. Sa façade atlantique s’étend de l’embouchure de la Vilaine à celle de la Laïta, déroulant quelque 450 km de côte. Les principaux axes du relief sont orientés N.-O. - S.-E. ; les vallées qui les tranchent (en cluses) ont par contre une direction approximativement méridienne.

La côte offre une succession de plages sableuses et de falaises basses, peu découpées, dues au parallélisme de la structure et du rivage. Entre les falaises débouchent par d’étroits goulets des rias qui s’élargissent vers l’intérieur, formant de véritables golfes : rade de Lorient (confluent du Blavet et du Scorff), ria d’Étel, golfe du Morbihan, la « petite mer » qui a donné son nom au département. Les îles, alignées sur des axes anticlinaux, seraient les restes de bandes de roches dures : Belle-Île, Groix, Hœdic, Houat et Quiberon (ancienne île rattachée au continent par une flèche de sable).

Au nord-est, les crêtes appalachiennes (150 m) des Landes de Lanvaux dominent les bas plateaux du Vannetais maritime par un abrupt de faille. Au-delà s’étendent les plateaux ondulés, uniformes de Josselin et de Ploërmel, découpés principalement par la vallée de l’Oust. Une partie du plateau de Rohan occupe le nord du département ; c’est une zone de hauteurs confuses où alternent collines (grès, granites) et bassins (schistes). Au nord-ouest, les Montagnes Noires sont formées de crêtes parallèles et de hauts plateaux taillés dans des terrains cristallins qui ferment l’horizon. En contrebas commencent les plateaux accidentés de petits fossés tectoniques de la Cornouaille, qui s’étend ensuite largement dans le Finistère.

Trois régions naturelles s’individualisent : les Montagnes Noires, le Vannetais intérieur et la façade maritime, l’Armor. Les Montagnes Noires tirent leur nom d’un relief heurté et non d’une altitude élevée : les points culminants n’atteignent que 300 m ; la minceur du sol végétal explique l’importance de la lande et de l’herbe rase. Ces hauteurs dominent les campagnes de Gourin et de Guémené-sur-Scorff ; l’élevage y est l’occupation essentielle ; les céréales entrent cependant dans le système de rotation des cultures, dont la base est la prairie temporaire. À l’élevage bovin et porcin, s’est ajoutée récemment l’aviculture. Les exploitations sont de structure familiale, et l’habitat est dispersé en hameaux. Pas de grande voie de circulation, pas d’équipement commercial important ; cette région est une région d’émigration vers Paris et l’Amérique.

Le Vannetais intérieur est la région la plus archaïque de Bretagne par ses cultures (seigle) et son habitat rural. Il s’étend jusqu’à Pontivy, au nord. L’humidité du climat, la pauvreté des sols, telles sont les conditions naturelles de l’agriculture, tournée avant tout vers l’autoconsommation. La pratique du fermage est importante. L’abattage des haies et le remembrement commencent à modifier ce pays de bocage « serré » ; le blé remplace peu à peu le seigle et le sarrasin (grâce aux engrais) ; la lande des plateaux est en recul grâce au reboisement. Peu de villes, sinon Pontivy (marché agricole et industrie du bois) qui compte 14 523 habitants.

L’Armor est la région la plus riche du Morbihan. Dépourvu de limon, moins riche en amendements marins que la côte nord de la Bretagne, le littoral atlantique a une vie agricole beaucoup moins active que celui de la Manche : polyculture associée à l’élevage bovin pour le lait, primeurs sur la presqu’île de Quiberon et autour de Vannes. Mais les activités essentielles sont presque toutes nées de la mer. La pêche, autrefois prospère sur toute la côte, n’est plus pratiquée industriellement qu’à Lorient*-Keroman. Le tourisme est actif à Quiberon et à Carnac. L’ostréiculture est pratiquée depuis longtemps dans le golfe du Morbihan.

Cette région s’oppose au pays intérieur, isolé et pauvre, et la densité est plus élevée. Elle connaît cependant des problèmes : irrégularité des pêches, difficultés de commercialisation, exode des jeunes. De nouvelles industries se sont implantées (tréfilerie à Vannes, électronique à Lorient).

Toutefois, l’agriculture du Morbihan est médiocre. La mortalité dans les campagnes y est élevée. On enregistre un vieillissement de la population, dû à l’installation de retraités et surtout à une faible vitalité démographique, liée à l’ancienneté et à l’ampleur de l’exode rural.

M.-M. F.

➙ Bretagne / Lorient / Vannes.

Moreau (Gustave)

Peintre français (Paris 1826 - id. 1898).


Longtemps confondu dans la cohorte des peintres d’inspiration parnassienne et symboliste* de la seconde moitié du xixe s., puis tiré de l’oubli comme « maître d’atelier » qui laissa se développer librement les jeunes Matisse* et Rouault*, Moreau a dû sa réhabilitation véritable à l’obstination de quelques admirateurs indépendants. Il avait été exécuté d’un bon mot par Degas*, qui l’accusait de « mettre des chaînes de montre aux dieux de l’Olympe », et l’on ne prit pas garde tout d’abord à l’admiration qu’avaient éprouvée pour lui des esprits aussi différents que Huysmans et Mallarmé.

Son père était architecte et le laissa suivre une vocation très précoce, qui le conduisit à s’enthousiasmer pour Delacroix* et surtout Chassériau*, à la disparition prématurée duquel il consacrera plusieurs versions d’une œuvre allégorique intitulée le Jeune Homme et la mort. Très classiquement, il débuta au Salon en 1852 et continua à y exposer régulièrement malgré des critiques souvent défavorables. Hormis un voyage en Italie, dont les dates exactes restent controversées et qui le conduisit notamment à Florence et à Rome, sa vie fut entièrement consacrée à son art et à son enseignement jusqu’en 1880, date où il exposa pour la dernière fois au Salon, avec un plein succès. En 1884, il perdit sa mère, à laquelle le liait une affection d’autant plus vive qu’elle était sourde et qu’il avait rédigé pour elle la plupart des notices qui accompagnent ses toiles et ses esquisses. Il s’enferma dès lors dans une claustration redoublée (à l’exception d’un voyage en Hollande et d’une exposition d’aquarelles en 1886). Quand il mourut en 1898 (il était professeur à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts depuis six ans), il légua son hôtel particulier de la rue La Rochefoucauld à l’État, à charge pour celui-ci d’en faire un musée qui conserverait les innombrables ébauches et documents qu’il y avait accumulés. C’est cette circonstance qui devait lui valoir de « ressusciter » : le musée ayant été ouvert en 1902, il se trouva parmi ses visiteurs le très jeune André Breton*, qui n’oublia jamais l’impression causée par certaines des toiles qu’il y vit, et qui, en 1924, cita d’emblée Gustave Moreau parmi les peintres précurseurs du surréalisme*.