Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Montpellier (suite)

La ville et sa région

Montpellier, dont la suprématie s’est affirmée de façon incontestable en Languedoc-Roussillon, ne possède ni le niveau de population, ni le poids économique, ni le rayonnement urbain susceptibles de lui permettre de jouer vraiment le rôle d’une capitale régionale ; la ville reste encore soumise aux influences des métropoles voisines : Marseille, Lyon, Toulouse ; dans son développement, elle doit tenir compte de la série urbaine languedocienne et tendre à s’intégrer dans un ensemble complémentaire. Un certain nombre d’indicateurs permettent de cerner une « région » montpelliéraine mouvante et d’extension variable selon les critères adoptés.

Le rayon foncier montpelliérain s’étend de façon préférentielle entre deux vieilles limites naturelles et historiques, les cours de l’Hérault et du Vidourle, débordant au-delà de la basse plaine viticole et des bassins des garrigues pour atteindre le Causse du Larzac vers le nord. Là se sont établis les grands domaines viticoles, les terrains de parcours et les réserves de chasse, qui comptent plusieurs centaines d’hectares, lot de la bourgeoisie urbaine, des membres des professions libérales et des hauts fonctionnaires.

La moyenne et la petite propriété des absentéistes résidant à Montpellier sont tout aussi importantes, les petits fonctionnaires et employés subalternes ayant souvent conservé dans leur village d’origine le patrimoine familial.

La zone de diffusion de la presse montpelliéraine en Languedoc-Roussillon est concurrencée à des degrés divers au sud-ouest et à l’ouest par les quotidiens de Perpignan et de Toulouse, sur les marges septentrionales et orientales par ceux de Clermont-Ferrand et de Marseille.

L’enseignement supérieur et le monde médical révèlent la toute-puissance de la ville, sauf sur l’Aude occidentale, drainée par Toulouse, et dans les Pyrénées-Orientales en raison de l’implantation d’un centre universitaire à Perpignan. L’aire de recrutement des facultés de médecine et de pharmacie est la plus étendue ; l’équipement hospitalier et la présence, dans des centres de recherche pharmaceutique et biologique, de spécialistes confirmés assure un large rayonnement, concurrencé vers le nord par Lyon. Enfin, nombreux sont les étudiants étrangers qui fréquentent les instituts de Montpellier.

Sur le plan industriel, toutefois, les capitaux urbains n’ont pas participé à la mise en place d’un espace économique dépendant de la ville ; la région reste soumise, à quelques rares exceptions près, aux capitaux extra-régionaux ou internationaux dans le cas d’I. B. M.

Montpellier se caractérise donc à l’heure actuelle par une croissance démographique importante et un éclatement de la ville sur ses environs immédiats, au centre d’une région en cours d’aménagement, où l’unité touristique de La Grande-Motte est toute proche. Une organisation urbaine linéaire s’esquisse dans la partie la plus dynamique du bas Languedoc, du port de Sète à Nîmes et au-delà jusqu’au Rhône, mais il reste à trouver un équilibre entre ses différentes composantes. On envisage pour 1985 une ville de 300 000 habitants au centre d’une agglomération qui en compterait un demi-million.

R. D. et R. F.


L’histoire

Le 26 novembre 985, Bernard et Sénégonde de Mauguio signaient une charte qui faisait don à un certain Guilhem d’un ensemble de maisons et de terres situées au lieu dit Monte Pestelario, à proximité d’un sanctuaire dédié à la Vierge sur le cami roumieu, où s’arrêtaient les pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle, entre l’antique voie Domitienne et le cami salinié, fréquenté par les transporteurs de sel. Rapidement, une agglomération se forma, qui devait devenir Montpellier sous la seigneurie des Guilhem.

Au xiie s., elle comptait 6 000 habitants, entretenait d’excellents rapports avec la papauté (Guilhem V et Guilhem VI participèrent aux croisades) et commerçait avec Gênes, Pise, Venise. Chypre, Genève, exportant par le proche port de Lattes vin, huile, draps, cuirs et articles d’orfèvrerie.

À partir de 1221, une école de médecine décerna des titres qui furent vite appréciés en Occident. « Placés hors du contrôle de l’évêque de Maguelonne, les maîtres, laïques pour la plupart, enseignaient à des élèves laïques ; ils n’étaient pas tenus par l’interdiction de verser du sang, d’inciser des chairs, qui ailleurs pesait sur les clercs. Il n’y eut pas ici l’habituel divorce entre médecine universitaire et chirurgie abandonnée aux barbiers. Au xive s. — et peut-être au xiiie —, les maîtres pratiquaient des anatomies, délivraient des diplômes de chirurgie » (Ph. Wolff).

L’université fut créée en 1289 par le pape Nicolas IV. L’école de droit romain, où les étudiants, groupés en huit nations, selon leurs origines, élisaient le recteur, eut, comme celle de médecine, un grand rayonnement. Guillaume de Nogaret, le célèbre légiste de Philippe le Bel, y enseigna.

Rattaché en 1204 au royaume d’Aragon par le mariage de Marie Guilhem avec le roi Pierre II, qui devait vaincre les Maures à las Navas de Tolosa et mourir à la bataille de Muret, Montpellier fit ensuite partie du royaume de Majorque, fondé par une branche cadette d’Aragon, de 1262 à 1349. Cette année-là, le roi de France, Philippe de Valois, l’acheta à Jacques III de Majorque pour 120 000 écus d’or.

La guerre de Cent Ans porta un rude coup à l’économie montpelliéraine. Jacques Cœur* s’installa dans la ville pour tenter de la relever, mais échoua. Le rattachement de la Provence au royaume à la fin du xve s. la ruina au profit de Marseille.

La Réforme trouva un milieu favorable à l’université. En 1562, pour riposter au sac des églises, le gouverneur fit raser les faubourgs, mais ne peut empêcher que les protestants administrent la ville. Le roi ordonna alors le transfert à Carcassonne de l’université, de la cour des aides et de l’atelier des monnaies, mais les autorités de La Rochelle créèrent une cour souveraine et une université protestante. Henri IV ramena la paix et dota Montpellier du premier des jardins botaniques du royaume. Les troubles recommencèrent en 1622. Louis XIII assiégea la ville pour la contraindre à reconnaître le pouvoir royal. Peu à peu, la monarchie rétablit l’Église romaine. En 1628, au lendemain de la révolte du duc Henri de Rohan, la moitié des consuls étaient catholiques, comme la moitié des maîtres à l’université.