Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

mole (suite)

De telles considérations sont à l’origine de la notion aujourd’hui désignée sous le nom de quantité de matière. C’est une grandeur mesurable, essentiellement distincte de la grandeur masse, et que l’on associe à tout échantillon de substance chimique : on dit de deux échantillons qu’ils renferment des quantités de matière égales s’ils contiennent le même nombre de particules ; ainsi, les échantillons, envisagés plus haut, d’hydrogène, de fluor..., corps simples de structure moléculaire et de molécules diatomiques, renferment le même nombre de molécules et, par suite, correspondent à d’égales quantités de matière.

L’unité de la grandeur quantité de matière est la mole (symbole mol) ; c’est la quantité de matière d’un système contenant autant d’entités élémentaires qu’il y a d’atomes dans 0,012 kg de l’isotope12C du carbone. Compte tenu de ce que, dans le système actuel des poids atomiques, le nombre 12 est précisément le poids atomique relatif de l’isotope 12C, le nombre de particules contenues dans la mole est le nombre d’Avogadro

Il convient de remarquer que, lorsqu’on fait usage de la mole, la nature des particules doit, dans chaque cas, être spécifiée ; ainsi l’on dira : une mole d’hydrogène moléculaire (dihydrogène H2), une mole d’hydrogène atomique (monohydrogène H), une mole d’ions hydrogène (H+), une mole d’électrons (e), etc.

La mole prend rang parmi les unités de base du système international (S. I.) d’unités ; les divers préfixes S. I. (déci, centi, milli...) lui sont naturellement applicables.

La mole joue un grand rôle dans le langage chimique et possède de très nombreuses applications ; ainsi, tous les résultats d’analyses chimiques quantitatives peuvent être exprimés en moles ; une masse molaire s’exprime en kilogrammes par mole (kg.mol–1) ; la constante R des gaz parfaits vaut sensiblement 8,314 joules par mole et par kelvin (J.mol–1.K–1).

François Marie Raoult

Chimiste et physicien français (Fournes-en-Weppes, Nord, 1830 - Grenoble 1901). Il énonça en 1882 les lois de cryométrie, d’ébulliométrie et de tonométrie relatives aux solutions diluées, créant ainsi une méthode de mesure des masses molaires.

R. D.

molécule

Particule formée d’atomes, constitutive d’un certain nombre de corps, pour lesquels elle représente la plus petite quantité de matière pouvant exister à l’état libre.


La notion de molécule, introduite en chimie par Avogadro* (1811) dans sa célèbre hypothèse, n’a été comprise, en tant que notion distincte de celle d’atome, que cinquante années plus tard, grâce aux efforts d’un chimiste également italien, S. Cannizzaro, et cela bien que Marc Gaudin (1804-1880) eût clairement indiqué dès 1833 la différence entre atome et molécule. Ainsi l’hydrogène, le chlore sont formés dans leur état gazeux de molécules dont chacune est constituée de deux atomes ; d’où, pour ces gaz, la symbolisation de leur état moléculaire : H2, Cl2. Leur combinaison fournit du chlorure d’hydrogène, composé moléculaire dont chaque molécule est formée d’un atome d’hydrogène et d’un atome de chlore, et de formule moléculaire HCl. Envisagée ainsi, la réaction, qui s’écrit
H2 + Cl2 → 2 HCl,
est en accord avec les résultats expérimentaux
(1 vol. d’hydrogène + 1 vol. de chlore → 2 vol. de chlorure d’hydrogène)
et aussi avec l’hypothèse d’Avogadro
(N molécules d’hydrogène + N molécules de chlore → 2 N molécules de chlorure d’hydrogène).
Pour les adeptes de Dalton*, qui écrivaient
H + Cl → HCl
et qui comptaient H et Cl pour des molécules, l’hypothèse d’Avogadro, qui conduisait alors à
1 vol. d’hydrogène + 1 vol. de chlore → 1 vol. de chlorure d’hydrogène,
semblait en contradiction avec l’expérience.

Ainsi, la molécule est un assemblage d’atomes unis par liaison chimique ; le nombre de ceux-ci est l’atomicité de la molécule ; celle-ci peut être monoatomique (gaz inertes, vapeur de certains métaux), diatomique (hydrogène, oxygène, halogènes, azote...), triatomique (vapeur d’eau, ozone...), etc. ; l’atomicité peut être assez grande, comme dans certaines molécules organiques, ou encore très grande et mal définie, comme dans les macromolécules.

Une molécule polyatomique est aussi caractérisée par une structure* ; ce n’est pas un amas, mais un édifice d’atomes.

La saturation de la capacité de liaison entre atomes, plus ou moins réalisée dans la molécule, confère à celle-ci une certaine stabilité en même temps qu’une certaine indépendance vis-à-vis de ses voisines ; cependant, il subsiste, de façon générale, des actions intermoléculaires d’attraction, dites « de Van der Waals » (v. équation d’état), sensibles même dans les gaz sous faible pression. Il arrive aussi qu’en raison de sa structure et de la nature des atomes qu’elle renferme, la molécule présente, malgré sa neutralité, les caractères d’un dipôle électrique : cette polarisation peut conduire à des associations moléculaires dans les états condensés, associations généralement détruites par élévation de la température.

R. D.

Molière (Jean-Baptiste Poquelin, dit)

Auteur dramatique français (Paris 1622 - id. 1673).



L’actualité de Molière

À suivre une « histoire de la littérature française », Molière passe aisément pour en être la figure la plus inattaquable : il est notre plus grand dramaturge, avant Racine*, Corneille* ou Hugo* ; il est le « classique » par excellence, c’est-à-dire le plus représentatif non seulement de toute une époque littéraire, mais encore de l’« esprit français » en général ; enfin, c’est un écrivain irréprochable, aussi bien en prose qu’en vers, doublé d’un sage ou, pour parler le langage du xviie s., d’un « honnête homme », cet idéal d’une civilisation qui met au premier plan les valeurs du bon sens, de la mesure et du naturel. Par-dessus tout peut-être, les écrits de Molière possèdent la rare vertu d’engendrer le rire, et l’on s’accorde à leur reconnaître une portée universelle non seulement parce qu’ils peuvent satisfaire tous les publics, mais encore parce qu’ils dépeignent des « types » éternels d’humanité. Tous ces titres de gloire ont fait de Molière une institution : la Comédie-Française, haut lieu du théâtre consacré, est la « maison de Molière » ; de 1680, date de sa création, à 1964, plus de 27 000 représentations du répertoire de Molière y ont été données, soit plus de trois fois plus que de représentations du répertoire de Racine, pourtant en seconde position ; huit des dix pièces les plus jouées du répertoire français pendant la même période sont signées Molière, dont les sept premières ; enfin, il n’est pas d’homme ou de femme tant soit peu cultivé qui ne connaisse son nom, car Molière a été et est toujours la ressource inépuisable de l’enseignement français, de la sixième à la terminale. Une telle renommée pourrait avoir quelque chose d’envahissant, sinon d’impérialiste. On pourrait penser que, depuis vingt-cinq ans qu’elle existe, la décentralisation théâtrale en France, couramment soupçonnée d’être le véhicule du théâtre d’avant-garde, voire d’une certaine politisation du spectacle, s’est fait fort de mettre un frein à cette polarisation « moliéresque » du théâtre français et, partant, de la culture nationale. Or, le bulletin de 1972 de l’Association technique pour l’action culturelle, publiant la nomenclature des œuvres montées depuis 1947, révèle que les classiques ont été de loin les auteurs les plus joués : Molière arrive en tête, avec 136 créations ! Il y a donc bien, à l’intérieur de cette saisie « culturelle » du théâtre, un « phénomène Molière », et c’est de cette constante qu’il faut rendre compte.