Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

mitrailleuse (suite)

Dès l’apparition de la guerre de tranchées à la fin de 1914 la puissance de feu des armes automatiques tirant en flanquement et associées aux réseaux de fil de fer constitue un obstacle insurmontable pour l’infanterie. Celui-ci ne sera dominé que par des moyens de feu très puissants (artillerie) ou nouveaux (blindés). En 1914, le régiment d’infanterie français — comme son homologue allemand — est doté de 6 mitrailleuses ; en 1918, il existe en France par bataillon 12 mitrailleuses et 24 fusils mitrailleurs. Entre les deux guerres, le nid de mitrailleuses demeurera la hantise de l’infanterie, et sa destruction sera en France la mission prioritaire confiée aux chars de combat (qui sont eux-mêmes armés de mitrailleuses ou d’un canon léger).

Dès 1915, des mitrailleuses furent montées sur des avions (Lewis et Darne) ; on les utilise aussi pour le tir antiaérien. Ce dernier entraîne un accroissement des calibres : mitrailleuse Hotchkiss de 13,2 mm, mitrailleuse américaine de 12,7 mm.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les armes antiaériennes, souvent multitubes, deviendront de véritables matériels d’artillerie. Sur les avions, après avoir mis au point le tir synchronisé à travers l’hélice, on en vient au montage des mitrailleuses sous les ailes, dans le fuselage ou en tourelles légères.

En 1970. à l’exception de nombreux pistolets mitrailleurs et d’un retour limité aux gatlings, toutes les armes automatiques mettent en œuvre l’emprunt de gaz comme principe moteur. Leur cadence naturelle est si élevée qu’on a recours, pour la modérer, à des dispositifs ralentisseurs ou à des régulateurs de cadence et à des limiteurs de rafale, liés à une commande électromagnétique ou électronique de la gachette, voire à une mise de feu électrique.

L’emploi de munitions à forte charge de poudre a conduit à se prémunir contre l’inflammation spontanée de celle-ci. À cet effet, on s’arrange pour que l’arme ne se trouve pas automatiquement chargée en fin de rafale. Enfin, pour diminuer l’effet du recul, certaines armes (telle la M. G. 34 allemande) comportent un frein de bouche ou un cache-flamme. Sur les mitrailleuses lourdes, notamment celles qui sont destinées aux hélicoptères, on interpose dans ce dessein entre l’arme et son affût un lien élastique comportant un frein à friction et un ressort amortisseur qui assure la rentrée en batterie. L’accrochage de cette masse en fin de recul permet de bénéficier de l’artifice du lancer (la percussion s’effectue avant la fin du retour en batterie) et surtout de diminuer l’effort de recul. L’alimentation est assurée soit par boîtes-chargeurs, soit par bandes, soit par maillons éjectables reliant les cartouches les unes aux autres avant chargement. Ce dernier a lieu parfois en deux temps, la cartouche démaillonnée venant d’abord en position d’attente pendant que la précédente est tirée.

En France, après être passé du calibre 8 mm à celui de 7,5 mm (avec étui à gorge permettant l’emploi de chargeurs droits) avec le fusil mitrailleur 1924-1929 et la mitrailleuse 1931 A, l’infanterie emploie l’arme automatique Mle 1952 (dite « AA 52 »), de calibre 7,5 mm, mais adaptée aux munitions de 7,62 mm. Celle-ci peut se monter sur un affût (version mitrailleuse), sur bipied ou sur béquille (version fusil mitrailleur). Mais la tendance est de remplacer ce dernier type d’arme par un fusil automatique de calibre plus faible, pour donner sa place à l’arme antichar du groupe de combat. Des mitrailleuses de 20 mm (remplaçant les 12,7 mm) arment les véhicules de combat d’infanterie et les chars moyens pour agir contre l’infanterie et les blindés légers ou encore en autodéfense antiaérienne. Elles sont également montées sur hélicoptères. On mentionnera aussi le canon d’avion de 30/550 (cadence 1 400 coups par minute). Dans les années 60 sont apparues aux États-Unis des armes Gatling à très grande cadence de tir (jusqu’à 6 000 coups par minute). Tels sont les canons d’avion Vulcan à six tubes de 20 mm M 61 (dotés d’un moteur électrique de 35 ch ou d’une turbine à gaz pour l’entraînement du barillet) ou les miniguns qui arment avions et hélicoptères, tirant une rafale de 2 000 coups en version légère (six tubes de 7,62 mm).

L’expérience de la guerre du Viêt-nam a conduit en effet à multiplier les armes automatiques d’attaque au sol par aéronefs.

R. S.

➙ Aérienne (défense) / Arme / Canon / Fusil.

 W. H. B. et J. E. Smith, Basic Manual of Military Small Arms (Harrisburg, Penn., 1943 ; 9e éd., Small Arms of the World, 1969).

Mizoguchi Kenji

Metteur en scène de cinéma japonais (Tōkyō 1898 - Kyōto 1956).


Après avoir étudié le dessin et la peinture — à dix-sept ans il est diplômé de l’institut d’Aoibashi à Akasaka —, Mizoguchi est engagé en 1920 comme acteur, puis comme assistant-réalisateur par la toute-puissante firme cinématographique Nikkatsu. Deux ans plus tard, il signe son premier film de metteur en scène, le Jour où revient l’amour (Ai ni yomigaeru hi). Sa période d’apprentissage est féconde — près de trente longs métrages en trois ans —, mais son style, qui subit l’influence de Suzuki Kensaku et de Murata Minoru, demeure éclectique et imprécis. À partir du Murmure printanier d’une poupée de papier (Kami-ningyō haru no sasayaki, 1926), cependant, son originalité éclate, et il devient l’un des réalisateurs les plus en vue du Japon. Abordant le cinéma parlant en 1930 avec Pays natal (Furusato), il tourne ensuite pour diverses compagnies (Irié Shinkō, puis, à partir de 1939, Shōchiku), fonde lui-même une société, la Daiichi Eiga, adapte à la fois des sujets traditionnels du répertoire classique, des romans célèbres et des scénarios originaux — écrits généralement par son fidèle collaborateur Yoda Yoshikata et consacrés souvent à la condition féminine, comme Élégie de Naniwa (Naniwa hika, 1936) ou les Sœurs de Gion (Gion no shimai, 1936). Après Histoire des chrysanthèmes tardifs (Zangiku monogatari, 1939), sa production se raréfie : c’est que le gouvernement aimerait voir le cinéaste rejoindre le groupe de tous ceux qui, désormais, vont orienter leurs scénarios vers les thèmes militaristes et servir docilement un régime de plus en plus belliciste. Mizoguchi choisit la politique du silence, ne sortant de sa réserve qu’en de rares occasions (la Vengeance des quarante-sept ronins [Genroku chushingura, 1942]), et attend dans l’ombre la fin des hostilités. La guerre achevée, il reprend ses activités, mais ce n’est qu’à partir de 1952 qu’il va tourner pour le compte de la Daiei une suite éblouissante de chefs-d’œuvre, que l’Occident découvre grâce, notamment, au Festival de Venise : la Vie de O’Haru femme galante (Saikaku ichidai onna, 1952), Contes de la lune vague après la pluie (Ugetsu monogatari, 1953), les Musiciens de Gion (Gion Bayashi, 1953), l’Intendant Sanshō (Sanshō-dayū, 1954), Une femme dont on parle (Uwasa no onna, 1954), les Amants crucifiés (Chikamatsu monogatari, 1954), l’Impératrice Yang Kwei-Fei (Yōkihi, 1955), le Héros sacrilège (Shin heike monogatari, 1955), Rue de la honte (Akasen chitai, 1956). Chez lui, la quête de la vérité humaine passe par l’observation réaliste de la vie quotidienne, mais aussi par le biais de l’onirisme. Son art est marqué par une constante recherche de l’équilibre. Sa prédilection pour le plan-séquence lui permet de laisser ses personnages accorder leur propre respiration à celle de la nature environnante. La composition prime toujours le détail, le groupe l’emporte sur le héros, la durée sur l’instant. Un goût profond pour la beauté et l’harmonie, un certain « fanatisme de la perception » ont fait de l’auteur l’un des plus remarquables peintres de l’âme féminine. Metteur en scène intransigeant et minutieux, Mizoguchi était renommé pour son extrême exigence sur le plateau.