Mirabeau (Honoré Gabriel Riqueti, comte de) (suite)
Le 3 juillet 1790, le député a sa première entrevue clandestine, à Saint-Cloud, avec les souverains. Par la suite, il enverra de multiples notes, mais la cour ne suivra pas ses conseils. En réalité, il se trouve en porte à faux entre le trône et l’aile avancée de la Constituante. Les « patriotes » se méfient de ses idées trop favorables à la monarchie. Quant à Marie-Antoinette, elle confiera quelques mois plus tard à Mercy d’Argenteau : « Je crois que Mirabeau peut être utile sans cependant lui accorder la moindre confiance sur rien. »
Après avoir longtemps brigué la présidence de l’Assemblée, Mirabeau reçoit enfin cet honneur, le 29 janvier 1791. Le mois suivant, après le départ de « Mesdames », tantes du roi, pour l’Italie, il s’élève avec sa fougue habituelle contre une proposition de loi visant les émigrés et est pris violemment à partie par les « triumvirs », Barnave, Lameth et Du Port. À cette date, il a pourtant retrouvé sa popularité. Mais son travail intensif, ses luttes épuisantes et encore plus sa vie de débauche usent sa santé. Il continue cependant ses interventions fiévreuses à la Constituante. Le 26 mars, il est pris brusquement d’atroces coliques néphrétiques, ce qui ne l’empêche pas d’aller le lendemain prononcer un nouveau — et dernier — discours à l’Assemblée. Rentré chez lui, il doit s’aliter. Il se débat contre la souffrance, mais sa lucidité reste intacte. La veille de sa mort, il lance ce mot clairvoyant : « J’emporte dans mon cœur le deuil de la monarchie dont les débris vont devenir la proie des factieux. » Il meurt le 2 avril : très vite le bruit court — sans doute erroné — qu’il a été empoisonné. Deux jours plus tard, après un décret de la Constituante, sa dépouille est solennellement transportée au Panthéon. Vingt mois passeront : à la fin de 1792, les papiers de l’armoire de fer récemment découverts aux Tuileries apportent à la Convention la preuve de la collusion du tribun avec la monarchie. L’indignation est profonde. Elle se traduit par le décret du 5 frimaire an II (25 nov. 1793) déclarant « qu’il n’y a pas de grands hommes sans vertu et que le corps de Mirabeau sera retiré du Panthéon ». Le cercueil sera transféré l’année suivante au cimetière Sainte-Catherine.
Le père de Mirabeau : l’Ami des hommes
Victor Riqueti, marquis de Mirabeau (Pertuis 1715 - Argenteuil 1789), est connu en premier lieu par sa déclaration enthousiaste concernant le Tableau économique (1758) de François Quesnay* (1694-1774). D’abord en désaccord avec celui-ci sur certains points, puis devenu son disciple admiratif, il n’a pas hésité à affirmer que cet ouvrage constituait, avec l’invention de l’écriture et celle de la monnaie*, la troisième des plus importantes inventions réalisées, depuis les origines, par l’esprit humain. Aussi est-ce lui qui se chargea de répandre dans le public la connaissance du Tableau, en insérant dans une nouvelle édition de l’Ami des hommes ou Traité sur la population (1756-1758) une explication qui prit la proportion d’un vaste commentaire. En second lieu, c’est à lui que l’on doit, avec son ouvrage sur la Philosophie rurale (1763), publié après la Théorie de l’impôt (1760), l’exposé le plus complet de la doctrine des physiocrates ; en effet, à travers le titre apparaissent bien les deux idées essentielles du système physiocratique, à savoir la primauté de l’agriculture et l’existence des lois naturelles.
G. R.
A. M.-B.
➙ Constituante (Assemblée nationale) / Convention nationale / Révolution française.
L. Barthou, Mirabeau (Hachette, 1913). / C. Ferval, la Jeunesse de Mirabeau (Fayard, 1936). / A. Vallentin, Mirabeau avant la Révolution (Grasset, 1946) ; Mirabeau dans la Révolution (Grasset, 1947). / J. J. Chevallier, Mirabeau (Hachette, 1947). / P. Dominique, Mirabeau (Flammarion, 1947). / H. Lardaàs, la Vie privée de Mirabeau (Hachette, 1949). / E. Dumont, Souvenirs sur Mirabeau (P. U. F., 1951). / R. de Castries, Mirabeau (Fayard, 1960). / J. Bénétruy, l’Atelier de Mirabeau (Picard, 1963). / F. Chapuis, l’Enigme de Mirabeau (Éd. du Scorpion, 1964). / A. et C. Manceron, Mirabeau, l’homme à la vie brûlée (Dargaud, 1969).
