Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

miniature (suite)

Après une courte période à Qazvin, les peintres séfévides, au temps de Chāh ‘Abbās*, travaillent à Ispahan. Ils abandonnent les grands thèmes traditionnels pour les scènes intimes et les portraits. À cette époque, les personnages sont devenus idéalement jeunes et beaux. Ils s’habillent avec recherche et préciosité, adoptent des poses nonchalantes, inclinent leur tête sur leur épaule, dans des jardins de rêve et de fantaisie. Des groupes de courtisans se réunissent dans des pavillons fleuris que surplombent les irréels nuages chinois. Tout tend à la décoration, y compris l’être humain. Le souci du détail amène à un travail méticuleux de chaque motif, traité avec une finesse et une richesse de couleurs extraordinaires. Après 1610, Rezā Abbāsi (Riḍā ‘Abbāsī) impose sa suprématie ; son observation de la nature, les influences européennes qu’il reçoit le ramènent à un plus grand réalisme.


Écoles turques

Nous ne connaissons que depuis peu les peintures recueillies dans l’Album du Conquérant, Mehmet II (musée de Topkapı à Istanbul), qui furent exécutées sans doute au xve s. en Turquie* et dont Mehmed Siyahkalem ne doit être que le plus éminent des auteurs. Œuvres islamiques, on les dirait étrangères à l’islām. Les visions chinoises et la vie spécifique des steppes asiatiques se reflètent dans les descriptions impitoyables, les analyses presque surréalistes d’animaux, les mises en scène d’actions au dynamisme brutal, surtout exprimées par les mouvements frénétiques et le traitement des membres ; tout cela réalisé avec puissance, intensité et rare force d’expression. D’autres artistes contemporains, dont les œuvres sont aussi conservées dans le même album, se livrent à des recherches passionnées auxquelles ne sont pas étrangères les traditions nationales : l’Extrême-Orient, Byzance ou l’Italie. Témoignages uniques du grand courant d’humanisme qui parcourt le xve s. ottoman, elles seront sans lendemain. Le prestige de l’école iranienne ramène vite la peinture turque dans une voie moins originale, où, malgré ce qu’on a pu en dire, elle continue à affirmer sa personnalité, surtout par un sens narratif plus marqué qu’à Ispahan.


Miniatures mogholes

Bien qu’officiellement née de l’immigration, voulue par l’empereur Humāyūn, de peintres iraniens en Inde*, l’école moghole doit certainement beaucoup aux traditions indiennes. Certes, dans ses débuts, elle suit à peu près les normes séfévides (Hamzè-nāmè), mais, peu après 1600, les directives données par Djahāngīr, puis par Chāh Djahān, plus chefs d’ateliers que mécènes, lui font acquérir son autonomie. Le choix des sujets (événements de tous les jours, animaux et plantes, portraits surtout), le brassage des artistes, leur spécialisation (dessinateurs, coloristes, qui collaborent à une même œuvre), les techniques utilisées (on dessine d’abord au trait, puis on place la couleur, enfin on souligne les contours) contribuent à donner à l’école moghole son originalité. L’influence européenne se fait par ailleurs profondément sentir (copies nombreuses, utilisation du modelé ou de la perspective occidentale), mais elle nourrit le génie national sans l’altérer. L’Indien entend exprimer le typique et le particulier, observe la nature, mais se soucie du style. Les innombrables portraits, tous de qualité, délaissent l’anatomie pour l’attitude du corps, pour l’étude du visage (teint, oeil, sourcil, oreille) : ils cherchent l’individu.

Au xviiie s., la brusque indifférence de la cour pour la peinture, puis d’autres facteurs amènent la décadence. C’est pourtant alors que sont peints, parfois avec un désir évident d’érotisme, des tableaux de genre, de scènes intimes, des femmes à leur toilette qui, d’une certaine façon et avec beaucoup de talent, semblent rattacher la miniature moghole finissante aux traditions préislamiques de la sensualité indienne.

J.-P. R.

➙ Islām.

 F. R. Martin, The Miniature Painting and Pointers of Persia, India and Turkey from the 8th to the 18th Century (Londres, 1913 ; 2 vol.). / T. W. Arnold, Painting in Islam (Oxford, 1928). / I. Stchoukine, la Peinture indienne à l’époque des Grands Moghols (E. Leroux, 1929). / B. Gray, la Peinture persane (Skira, Genève, 1961). / R. Ettinghausen, la Peinture arabe (Skira, Genève, 1962). / B. Gray et D. Barrett, la Peinture indienne (Skira, Genève, 1963).

minimal art

Tendance esthétique du xxe s., apparue aux États-Unis vers le début des années 60.


Connu aussi sous les noms de cool art, reductive art, ABC art ou encore primary structures, le minimal art désigne des peintres et surtout des sculpteurs américains qui ont en commun de rejeter le lyrisme et la subjectivité de l’expressionnisme* abstrait, tout en s’en tenant à des formes non représentatives, après plusieurs années durant lesquelles l’image figurative avait repris une place primordiale. Un mouvement distinct du mouvement américain et d’allure beaucoup moins stricte (voire tout à fait baroque) s’est fait jour en Grande-Bretagne, tandis que des disciples apparaissaient dans différents pays.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis avaient connu un déferlement de peintures abstraites qui se caractérisaient par leurs grands formats et par les épanchements gestuels des artistes. Jackson Pollock* fut le chef de file de cet action painting où le peintre, contrairement aux tendances intimistes de l’art européen, se livrait totalement dans sa toile.

Parallèlement, d’autres artistes allaient au contraire dépouiller à l’extrême leur peinture, la codifiant en des lois géométriques et colorées extrêmement simples. Barnett Newman (1905-1970) peint des toiles monochromes que viennent traverser une ou plusieurs bandes ou lignes verticales de couleur différente. Mark Rothko* donne des contours plus flous, nuageux, à ses rectangles superposés. Ad Reinhardt (1913-1967), quant à lui, met l’accent sur la monochromie de la surface : ses toiles sont des ensembles de carrés de même couleur, mais avec de légères variations dans les valeurs. Les fameuses Black paintings (peintures noires) d’Ad Reinhardt annoncent par leur simplification extrême le minimal art. Si celui-ci dérive ainsi plastiquement de l’art d’un Newman ou d’un Reinhardt, il s’inscrit aussi historiquement comme une réaction devant le pop’art*. Cette « hyperfiguration » apparue au début des années 60 regroupait des peintres qui exploitaient tout un capital d’images se rapportant à la vie quotidienne aux États-Unis. Le « minimalisme » rejette au contraire l’image afin que l’art, renonçant à s’intéresser à des phénomènes sociologiques extérieurs ou aux sentiments subjectifs de l’artiste, se retourne sur lui-même et sur sa propre analyse.