Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

miniature (suite)

L’époque romane

À partir du xie s., on ne pourra plus guère parler que d’un style en Europe, au contraire des époques précédentes : le style roman*. Une des raisons en est le développement d’un réseau monastique aux ramifications serrées.

À l’Europe christianisée, politiquement assez stable et de nouveau urbanisée correspond un type de production où les particularités régionales vont se fondre dans un système d’influences réciproques. De nouvelles régions voient fleurir un art de grande qualité, telles que le midi de la France et, en Italie, les États pontificaux. Là, comme dans les anciennes régions de production, la miniature, abondante, reflète les nouvelles réalités sociales, les conquêtes tant artistiques que scientifiques de l’époque romane.

En Italie, l’art de l’enluminure se distingue par la taille encore très imposante des figures, un mélange de rusticité et de grandeur ; il tend à signifier la nouvelle puissance terrestre de l’Église en même temps qu’à confirmer son origine, la toute-puissance de Dieu. Les villes toscanes telles que Pise ou Florence sont spécialisées dans l’exécution d’antiphonaires (recueils de chants liturgiques) et de bibles. Dans le sud de l’Italie, le Mont-Cassin est le centre d’une production d’œuvres de qualité, comme la Sicile avec les fameux exultet, textes liturgiques écrits sur des rouleaux richement ornés, que le prêtre déroulait devant les fidèles en lisant la messe.

C’est plus au nord, cependant, que se trouvent les grandes zones de création. En Bourgogne se développe un fort courant artistique sous l’influence de la réforme et des abbés de Cluny* (Odilon), de Saint-Bénigne de Dijon (Guillaume de Volpiano [990-1031]) puis de Cîteaux (Étienne Harding [v. Cisterciens]). L’activité de l’abbé de Saint-Vanne (Richard de Verdun [994-1046]), étend l’influence de ce courant non seulement en Allemagne, mais également en Normandie et dans les Flandres ; Liège, Arras, Corbie, Fécamp, Jumièges, Le Mont-Saint-Michel sont les centres où se manifestera la réforme. Dans le midi de la France, de nouvelles scriptoria s’ouvrent et commencent rapidement une production qui ne le cédera en rien à celle du Nord, à Limoges, Moissac, Albi, Saint-Gilles-du-Gard, etc. Cette région profite de la proximité de la culture mozarabe, à laquelle elle doit notamment ses nouvelles harmonies colorées (Apocalypse de Beatus de Saint-Sever, Bibliothèque nationale, Paris). À l’unité politique de la France répond la croissance de la production. Une certaine désacralisation du livre sert un savoir de plus en plus répandu. Si le livre constitue un signe extérieur de richesse pour les couvents, il faut aussi qu’il soit lu ; aussi les formats deviennent-ils plus maniables. La qualité de la production livresque de l’Angleterre ne diminue pas avec la conquête normande. L’envahisseur assimile peu à peu l’art anglo-saxon sous l’emprise grandissante de centres comme Canterbury, Winchester (xe et xie s.) et plus tard Rochester, Hereford, Londres, dont l’influence s’étend jusque sur le continent, en Artois particulièrement. C’est des scriptoria anglais que sortent les ouvrages esthétiquement les plus remarquables de cette période.

Dans le même temps, l’enluminure flamande, marquée par la réforme de Richard de Verdun, est liée par ailleurs à l’art des orfèvres et se rattache ainsi aux styles du passé. Les principaux centres sont Gand, Saint-Trond, Stavelot, Saint-Bertin.

L’importance de la miniature allemande ne se dément pas. Au début du xie s., elle fait sentir son influence en direction de la Bourgogne et de Cluny, moins importante il est vrai que celle venue d’outre-Manche. C’est par l’imitation des lettrines, du décor des initiales que l’influence germanique se manifeste surtout. Vers le début du xiie s., c’est plutôt le mouvement contraire qui se fait sentir, et Cluny sera à son tour une des sources d’inspiration de l’art allemand, qui, au demeurant, gardera la nostalgie de l’art ottonien. Dans cette perspective, d’importants centres seront fondés, tels Weissenau, Sankt Blasien, Engelberg, Weingarten. À ce courant, on peut ajouter un apport anglo-saxon et flamand, sensible dans l’art souabe et suisse. L’Allemagne poursuivra longtemps cette esthétique aux xiie et xiiie s., alors qu’ailleurs en Europe s’épanouira l’art gothique. De nouveaux centres sont créés, tels que Salzbourg, Admont, Sankt Florian, tandis que les anciens se maintiennent sans apporter d’innovations. Au xiie s., un art se développe en Alsace, sous l’impulsion d’abbesses dont la plus connue est Herrade de Landsberg (1167-1195), dans des couvents comme ceux de Murbach ou du mont Sainte-Odile. En Autriche et en Bavière également apparaissent de nombreux ateliers, dont les principaux seront atteints par le courant de la réforme clunisienne (sensible jusqu’en Bohême). Il faut encore citer une production importante dans la région de Saxe-Westphalie, avec Corvey comme centre principal, et, au xiiie s., l’école dite « thuringo-saxonne ».

L’enluminure donne un saisissant résumé de l’esprit roman. On distingue plusieurs types d’ornementation et d’illustration. D’abord, le cadre orné de rinceaux ou historié, qui entoure en général la première page du livre, une miniature ou un passage important. Ensuite, la scène illustrée, moins fréquente, miniature en pleine page avec son encadrement, ou plus petite et prenant place dans le texte. Enfin, la lettre ornée, lettrine, initiale, au décor souvent exubérant, surtout avec la réapparition de figures zoomorphes qu’avaient évincées les entrelacs carolingiens.

En général, la scène à un seul ou plusieurs personnages prend place à l’intérieur d’un cadre architectural (d’influence romaine ou byzantine). Le fond est le plus souvent de couleur unie, d’or ou d’argent si le commanditaire est riche. L’espace peut être divisé en registres, quand plusieurs moments d’une action sont représentés. C’est alors un motif soit architectural, soit géométrique, soit de végétaux stylisés qui marque la division. Ces œuvres n’étaient pas le fait d’un seul artiste, mais plutôt celui d’un atelier, travail de moines spécialisés dont les plus doués donnaient à l’ouvrage son caractère particulier.