Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Ming (époque) (suite)

L’activité architecturale n’est marquée par aucune innovation majeure, mais un goût du grandiose se manifeste dans la construction des palais, des temples et des sépultures impériales. Après les fouilles (1956-1958) du tombeau de Wanli (Wan-li, 1573-1620) à Pékin, la découverte, en 1970, de la tombe de Zhutan (Tchou-t’an), un des fils du fondateur de la dynastie, mort en 1389 au Shandong (Chan-tong), a révélé des objets funéraires d’une grande richesse. Coiffures, robes de cour, brocarts, coffres laqués, jades sont autant de témoins du renouveau artistique qui marque les arts mineurs jusqu’au début du xvie s.

La tapisserie de soie (kesi) [k’o-sseu], exécutée à points minuscules, allie la virtuosité technique à la délicatesse du décor (Pivoines et rochers, xvie s., Victoria and Albert Museum, Londres). Celui-ci, le plus souvent d’inspiration florale, est traité avec le même naturalisme sur les boîtes en laque* rouge sculpté (musée Guimet, Paris) ou en émaux cloisonnés (musée des Arts décoratifs, Paris), les plus belles pièces datant, en général, du règne de Xuande (Siuan-tö, 1426-1435).

La céramique connaît le même essor. L’emploi des briques et des tuiles vernissées dans l’ornementation des architectures redonne une faveur nouvelle à la technique des « trois couleurs » (sancai) [san-ts’ai] de l’époque Tang* (T’ang). Dans les productions des xve-xvie s., les formes des vases sont plus stables, et les glaçures, plus variées, comprennent du bleu profond, du turquoise, du violet et du blanc opaque. Les pièces Ming les plus célèbres sont néanmoins les porcelaines* blanches à décor peint en bleu de cobalt sous une couverte transparente. Les deux grandes périodes du « bleu et blanc » correspondent aux règnes de Xuande (Siuan-tö, 1426-1435) [qualité de la pâte, beauté des bleus mouchetés] et de Chenghua (Tch’eng-houa, 1465-1487) [délicatesse particulière du décor floral]. Au xvie s., le bleu sous couverte est associé aux émaux polychromes dans les porcelaines appelées wucai (wou-ts’ai, « cinq couleurs »), dont la gamme des émaux ne se limite d’ailleurs pas à ce nombre.

En peinture, les empereurs Ming se montrent désireux de jouer auprès des artistes le rôle éclairé de leurs prédécesseurs Song. Ils s’entourent de peintres de renom et leur confient des charges officielles. Au début du xve s., Bian Wenjin (Pien Wen-tsin) se distingue par ses compositions décoratives de fleurs et d’oiseaux, tandis que Dai Jin (Tai Tsin) et Wu Wei (Wou Wei) retrouvent souvent, dans leurs paysages, la tradition de Ma Yuan* et de Xia Gui (Hia Kouei*), en y ajoutant un réalisme de détails très réussi. Dai Jin (Pêcheurs au bord du fleuve, Freer Gallery of Art, Washington) est considéré comme le fondateur de l’école du Zhejiang (Tchö-kiang), du nom de sa province natale, où il se retira après avoir abandonné la carrière officielle.

Le courant extrêmement fécond des peintres lettrés se signale par des personnalités majeures, tels Shen Zhou (Chen Tcheou*) et son disciple Wen Zhengming (Wen Tcheng-ming*), puis, à la fin du xvie s., par celle de Dong Qichang (Tong K’i-tch’ang*), dont les principes d’académisme éclectique influenceront toute l’orthodoxie picturale de l’époque Qing (Ts’ing*).

Deux peintres, Tang Yin (T’ang Yin) et Qiu Ying (K’ieou Ying), actifs au début du xvie s., s’insèrent entre ces deux tendances, essayant de concilier l’art du professionnel et celui de l’amateur. Enfin Xu Wei (Siu Wei, xvie s.) annonce par sa personnalité violente les grands individualistes de la seconde moitié du xviie s.

Lié à la peinture, l’art de l’estampe se développe à la fin du xvie s. grâce à l’emploi de planches de plusieurs couleurs. Par la perfection de leur technique et le raffinement de leurs compositions de plantes, de fruits, de pierres et d’oiseaux, le recueil de peintures et l’album de papier à lettres du « Studio des dix bambous » constituent deux véritables chefs-d’œuvre de la gravure chinoise au début du xviie s.

F. D.

➙ Chine.

 D. Lion-Goldschmidt, les Poteries et porcelaines chinoises (P. U. F., 1957). / J. Cahill, la Peinture chinoise (Skira, Genève, 1960).

Mingus (Charles)

Contrebassiste, compositeur et chef d’orchestre américain (Nogales, Arizona, 1922).


« Né dans un autre pays, ou né blanc, je suis sûr que j’aurais exprimé mes idées depuis longtemps. Peut-être seraient-elles moins bonnes, car quand les gens sont nés libres, la combativité, l’initiative ne sont pas aussi fortes que pour quelqu’un qui doit lutter et a, de ce fait, davantage à dire. » Charles (dit Charlie) Mingus affirme aussi : « Ma musique est vivante, elle parle de la vie et de la mort, du bien et du mal. Elle est colère. Elle est réelle parée qu’elle sait être colère. » Par cette volonté de mettre sa vie au centre de sa musique (et l’inverse), Mingus apparaît à la fois comme un homme du blues et l’un des précurseurs du jazz « free » (v. free jazz). Parlant de « sa » vie, de « ses » problèmes, il fait du même coup référence à une expérience collective, celle du peuple afro-américain. Considéré longtemps comme un « jazzman d’avant garde », il a toujours gardé un œil fixé sur la tradition (et, par ce paradoxe apparent, il apparaît encore plus proche de musiciens « free » comme Archie Shepp et Albert Ayler). Sans cesse font retour dans son œuvre, parfois sous forme d’allusions ou de citations : des chants d’églises noires, des thèmes de Duke Ellington, des airs de ragtime ou de boogie-woogie, des musiques folkloriques, et le blues. Toutes choses qui font partie intégrante de sa vie d’homme noir aux États-Unis. Né dans l’Arizona, il a grandi à Watts, un faubourg noir de Los Angeles célèbre surtout depuis les émeutes qui y eurent lieu en 1965. Une de ses sœurs chantait, une autre jouait du piano, et son demi-frère était guitariste. « Quand j’étais gosse, raconte-t-il, la musique d’église était la seule que je pouvais entendre. C’est seulement quand j’ai eu huit ou neuf ans que j’ai entendu un disque de Duke Ellington à la radio. » Avant de choisir la contrebasse, il apprit à jouer du trombone sous la direction de Britt Woodman, qui allait faire partie un peu plus tard de l’orchestre de Duke Ellington. Il étudie ensuite la basse avec Red Callender et obtient de Buddy Collette son premier engagement. Pendant les années 40, il travaille avec Louis Armstrong, le trombone Kid Ory, Lionel Hampton, puis fait partie des trios du vibraphoniste Red Norvo et du pianiste Billy Taylor. Comme nombre de jeunes jazzmen à cette époque, il prend part à la « révolution » musicale que représente le be-bop. Ainsi, accompagnera-t-il Charlie Parker et le pianiste Bud Powell. Il travaillera aussi dans l’orchestre de Duke Ellington et avec Art Tatum.