Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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minéralogie (suite)

L’intérêt utilitaire de la minéralogie est évident puisque l’homme a toujours trouvé, dans les minéraux, les matières premières de la plupart de ses industries, celles de la métallurgie et de la chimie, de la construction, de la céramique, de la verrerie, de la joaillerie. La minéralogie industrielle concerne cet aspect utilitaire ; elle étudie, en particulier, les techniques de séparation et de valorisation des minerais.

Non moins grand est l’intérêt scientifique de la minéralogie, qui se situe au carrefour des sciences naturelles et des sciences physiques et chimiques. Dans son aspect descriptif, cette science du monde minéral est bien différente des sciences de la nature que sont la botanique et la zoologie. Alors que les espèces végétales et animales se chiffrent par centaines de milliers, le nombre des espèces minérales ne dépasse pas deux mille, et, encore, celles qui ont une importance soit pour la constitution des roches, soit pour l’industrie ne dépassent pas deux cents. La minéralogie s’apparente étroitement à la pétrographie, à la géologie, à la géochimie, qui étudient les modes d’associations des minéraux et la distribution des éléments chimiques dans les roches. Sa liaison avec la chimie est si intime que l’on a envisagé parfois la minéralogie comme un chapitre de la chimie minérale. La composition chimique est un des caractères fondamentaux du minéral, et c’est à l’étude comparative de cette composition et des caractères cristallographiques que l’on doit les notions d’isomorphisme et de polymorphisme ; l’analyse des structures cristallines au moyen des rayons X a bouleversé nos idées sur les modes de liaison des atomes et éclairci des chapitres de la chimie inorganique, tel celui des silicates. La minéralogie est une science physique, et ce sont les études non destructives des propriétés physiques, optiques, mécaniques, électriques, magnétiques et surtout cristallographiques qui caractérisent les minéraux.


Historique

Les progrès des hommes dans l’utilisation des minéraux marquent les différentes étapes de leur civilisation : âges de la pierre taillée, de la pierre polie, du cuivre, du bronze, du fer. Des descriptions de minéraux apparaissent dans les textes les plus anciens, ceux d’Aristote*, de Théophraste, dans l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien. Les alchimistes du Moyen Âge, et, parmi eux Albert le Grand* dans son De mineralibus, recherchaient, dans les minéraux, la pierre philosophale ; cependant que, au xie s. déjà, les naturalistes arabes al-Bīrūnī* et Avicenne*, puis G. B. Agricola dans ses De natura fossilium (1546) et De re metallica (1556) et, au xviiie s., C. Linné* décrivaient et classaient les minéraux d’après leurs propriétés telles que la densité, la couleur, l’éclat, la dureté. L’aspect chimique de la minéralogie fut envisagé par A. F. Cronstedt, au milieu du xviiie s., et développé par Berzelius* au début du xixe. Jusqu’à l’établissement de la loi de constance des angles par J.-B. Romé de l’Isle (1772), l’opinion était celle qu’exprimait Buffon : « La forme de cristallisation n’est pas un caractère constant, mais équivoque. » Les mesures des angles dièdres des cristaux, d’abord au goniomètre d’application de Carangeot (v. 1780), puis au goniomètre optique de W. H. Wollaston (1809), conduisirent René Just Haüy* dans son Essai d’une théorie sur la structure des cristaux (1783) à faire de la minéralogie une science exacte dans son aspect cristallographique. La comparaison des caractères cristallographiques et chimique marquait la naissance de la cristallochimie avec les lois de l’isomorphisme de E. Mitscherlich (v. 1819). La seconde partie du xixe s. fut marquée par le développement de la cristallographie géométrique avec A. Bravais, A. M. Schoenflies, S. Fedorov, de l’optique cristalline avec la détermination systématique des données optiques (A. Des Cloizeaux), et par l’examen des lames minces (0,02 mm) au microscope polarisant. La découverte de la diffraction cristalline des rayons X par M. von Laue* (1912) et l’établissement des premières structures atomiques des cristaux par W. H. et W. L. Bragg ont marqué le départ d’une nouvelle cristallographie et d’une nouvelle minéralogie, avec le développement de la cristallochimie (V. M. Goldschmidt et de la minéralogie expérimentale (reproduction des minéraux et des roches), commencé au siècle dernier avec A. Daubrée, F. A. Fouqué, A. Michel-Lévy et Ch. Friedel.


Nature cristallochimique du minéral

Un minéral, comme tout solide cristallisé, est défini par sa maille élémentaire, c’est-à-dire par 3 vecteurs arêtes d’un parallélépipède qui traduit la triple périodicité du réseau cristallin, et par son motif cristallin, qui est le contenu atomique de la maille avec la nature chimique des atomes et leurs positions (v. cristallographie). Avant l’utilisation des rayons X (1912), les minéralogistes définissaient la forme de la maille par les rapports a : b : c et les angles des arêtes, qu’ils déduisaient des mesures goniométriques. En utilisant, comme repère de longueur, la longueur d’onde d’un faisceau monochromatique de rayons X (de l’ordre de l’angström, 1 Å = 10–10 m), on détermine, avec précision, les valeurs des longueurs a, b, c et les angles en valeurs absolues. La maille détermine la morphologie du minéral.


Composition chimique du motif cristallin

Si le minéral possède une formule chimique stœchiométrique, de masse moléculaire M, le nombre de molécules contenues dans la maille est V étant le volume de la maille, D la densité du minéral, N le nombre d’Avogadro. Le plus souvent, le minéral est une solution solide dont l’analyse chimique fournit la composition chimique centésimale, donc, pour l’atome i, de masse atomique Ai, la quantité pi dans 100 g de matière. Le nombre Zi de cet atome compris dans la maille est donc On détermine ainsi la formule chimique du motif cristallin.


Symétrie du minéral

Les formes des cristaux, les propriétés optiques et électriques fournissent des renseignements précieux sur la symétrie ; le système cristallin est l’une des 32 classes de symétrie ponctuelle. Les clichés de rayons X précisent cette symétrie en donnant le groupe de symétrie spatiale, l’un des 230 groupes de Schoenflies-Fedorov qui caractérisent tous les solides cristallisés (v. cristallographie).