Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

mime et pantomime (suite)

Le mime en tant qu’art isolé apparaît à des moments particuliers de l’histoire, il n’a pas de permanence. Il se situe au moment d’un déclin, lorsque le théâtre et la danse se sclérosent ; il peut en marquer la fin par une virtuosité décadente et, dans le même temps, en conservant des valeurs essentielles de la vie que la parole et les gestes académiques ont perdues, proposer un nouveau théâtre et une nouvelle danse. C’est par un retour au souffle de la vie, dans le silence du corps, que le mime est une naissance.

Le mime moderne est l’art de recréer le monde dans le silence, sans le besoin de la parole, sans le secours de l’objet et seulement avec le langage du corps humain (attitudes, gestes, mouvements, mimiques). Il peut, comme la peinture par exemple, être réaliste, abstrait, symbolique... Le mot mime ne doit pas être assimilé à un style particulier.

La pantomime, à la différence du mime, traduit en geste la parole et essaie de dire par les gestes ce que la parole disait du reste très bien, mais que l’on n’entendait plus. C’est là l’aspect parasitaire de cet art, celui qui a fleuri à Rome et au xixe s.

Le mime, lorsqu’il s’isole, côtoie un théâtre et une danse qui l’attendent. En général, il est présent dans la danse et le théâtre à des niveaux plus ou moins importants, soit confondu dans le jeu de l’acteur et dans celui du danseur, soit partie séparée à l’intérieur de la représentation théâtrale ou chorégraphique.

Comme au temps des Grecs, au Moyen Âge les mimes étaient les plus simples adeptes de la jonglerie (confrérie des jongleurs fondée en 1331), qui comprenait la poésie, la musique, la danse, l’escamotage, la prestidigitation, la lutte, le pugilat et l’éducation des animaux.

Comme au temps de la commedia* dell’arte, l’acteur était un mime parlant capable de toutes les acrobaties du corps et de l’esprit. Le peuple italien, comme tous les peuples de la Méditerranée, s’exprime dans la vie quotidienne à l’aide de gestes qui ponctuent, soulignent et imagent la parole. C’est dans le peuple même que naît la commedia dell’arte et qu’elle trouve ses fondements. Arlequin naît de la terre et de la misère et essaie de survivre dans ce jeu du rire et de la mort. Peu à peu, elle s’affina, devint élégante dans le cours de son évolution, qui dura à peu près deux cent cinquante ans.

La pantomime classique du xixe s. en est une des suites. Elle prit en France un grand essor. Elle naquit de la lutte qu’entreprirent les comédiens français contre les comédiens italiens. Les premiers, jaloux de leurs rivaux, leur occasionnèrent bon nombre d’interdits dont celui de ne plus se servir de la parole. On y trouve un Arlequin dépossédé de son caractère de la commedia dell’arte au profit du personnage principal : Pierrot.

Jean Gaspard Deburau (1796-1846) donna au personnage de Pierrot une dimension qui éclaira toute la pantomime classique française. Comme plus tard Charlot, il se montre dans divers emplois (soldat, pâtissier, etc.). Il représente le héros populaire de son époque, celui qui a des déboires, mais qui s’en sort toujours, farceur et bon garçon, naïf aux amours difficiles.

Né en Bohême, J. G. Deburau arrive en France vers 1811 et va briller au théâtre des Funambules. Après lui, d’autres mimes s’illustreront dans ce même personnage de Pierrot, qui peu à peu se transforme : son fils Jean Charles Deburau (1829-1873), puis Paul Legrand (1816-1898), Louis Rouffe, Séverin Cafferra, dit Séverin (1863-1930), Georges Wague, Jean-Louis Barrault (né en 1910) dans le Baptiste des Enfants du paradis, film de Marcel Carné, et Marcel Marceau (né en 1923) avec son personnage « Bip » continuent la lignée des mimes du xixe s.

L’histoire du mime moderne coïncide avec ce xxe s. présent qui voit dans un temps très court se succéder quantité d’inventions et de découvertes, dont celle du cinéma. C’est aussi l’époque de la renaissance des exercices du corps avec le sport. C’est la fin de la pantomime classique qui s’épuise avec les Pierrots de la Butte entre le théâtre d’ombres et la lanterne magique. Le cirque représente des pantomimes nautiques, et l’Opéra des ballets pantomimes.

La pantomime meurt lorsque l’on redécouvre le mouvement du corps humain grâce aux pionniers qui inventent des appareils pour reproduire le mouvement. Ainsi Étienne Jules Marey (1830-1904) invente en 1882 la chronophotographie et analyse la marche de l’homme, le vol des oiseaux, etc. Émile Reynaud (1844-1918), inventeur du dessin animé, organise des séances publiques de théâtre optique en 1892 avec une pantomime lumineuse : Pauvre Pierrot, au musée Grévin.

Le cinéma*, né avec les frères Lumière en 1895, va voir une floraison d’acteurs mimes surtout comiques, forcés au silence par les limites de l’invention.

Le sport et l’éducation physique, la vogue des bains de mer dénudent le corps, que l’on redécouvre. De grands clubs rivaux naissent, le Racing-Club de France en 1882 et le Stade Français l’année suivante, points de départ du sport en France. On analyse les gestes des champions pour les rendre plus économiques, on lie le sport à l’humanisme grec de cette Grèce dont on a redécouvert les ruines et qui unit le sport à l’art. Le mime en profitera comme la danse.

La danse* subit de grands changements. Dès les premières années du xxe s., l’Américaine Isadora Duncan (1878-1927) fait éclater le corset rigide qui la paralysait, influencée en cela par les idées du Français François Delsarte (1811-1871) sur le geste naturel et son expression. Delsarte est le véritable précurseur de la danse moderne, et l’on pourra dire aussi du mime moderne. À sa suite, le Hongrois Rudolf von Laban* crée une écriture du mouvement (labanotation) et fonde véritablement, en Allemagne, la danse moderne en compagnie de ses élèves Mary Wigman (1886-1973) et Kurt Jooss (né en 1901), créateur de la Table verte, en 1932, laquelle peut être assimilée à un mimodrame. L’influence d’Émile Jaques-Dalcroze (1865-1950) aide la danse à retrouver cette vie du geste par sa méthode, la rythmique.

Chaque époque recherchant le geste naturel et vivant marque toujours celui-ci de l’esthétique et des idées du moment.