Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Milton (John) (suite)

« Car ce paradis bienheureux de Dieu était le jardin par lui planté à l’est d’Éden... »

Dans son engagement, ses revers temporels, une certitude éblouissante soutient Milton, celle des « bois frais et pâturages nouveaux » du monde de l’éternité. Celle qui dans sa retraite austère et mélancolique, au terme de sa vie, le fait s’absorber tout entier dans la vision du grand œuvre qu’il portait en lui dès les années de Cambridge : Paradise Lost, publié en 1667 et auquel vont succéder Paradise Regained et un drame biblique Samson Agonistes (1671). Mieux que cette dernière œuvre bâtie sur le modèle de la tragédie grecque telle qu’Aristote la conçoit, tournant autour des épreuves et des angoisses d’un champion du Seigneur, vaincu mais que sauve son énergie avec l’aide de Dieu ; mieux que celle du grand thème de la tentation du Christ au désert où la poésie cède le pas aux discours et discussions sophistes entre Satan et le Christ, et malgré l’austère beauté de l’une et l’autre, Paradise Lost représente à juste titre aux yeux de la postérité le témoignage impérissable du génie propre au poète. Les inoubliables pages où se fondent harmonieusement la splendeur Renaissance des images et la beauté retenue de la pensée puritaine, la majesté du décasyllabe anglais qui confère à l’ensemble un rythme auguste, l’évocation grandiose de l’Empyrée, du Chaos, de l’Enfer, du Paradis terrestre, les personnages attachants, Adam et Ève dans leur « majesté nue », et Satan dans son orgueil indomptable, tout contribue à la réalisation du souhait que Milton exprime dans The Reason of Church-Government de « laisser aux temps futurs quelque chose d’écrit de telle façon qu’ils ne voudront pas le laisser périr ». La postérité va l’exaucer. À travers les siècles, se penchant avec passion sur l’art, sur la personnalité du poète et sur son épopée chrétienne placée dès le xviiie s. à l’égal de l’Odyssée et de l’Énéide, des hommes venus de tous les bords, de Dryden à F. R. Leavis en passant par Addison, Pope, Voltaire, Johnson, Chateaubriand, Blake, Coleridge, Keats, Hopkins, Ezra Pound, T. S. Eliot ou J. M. Murry, témoignent bien, même quand ils le décrient, que Milton rejoint le fonds d’influence permanent dans l’empyrée de la littérature anglaise et universelle.

D. S.-F.

 E. M. W. Tillyard, Milton (Londres, 1930 ; nouv. éd., Harmondsworth, 1968). / K. A. Muir, John Milton (Londres, 1955). / E. Saillens, J. Milton (Gallimard, 1959). / W. R. Parker, Milton, a Biography (Oxford, 1968 ; 2 vol.). / J. Carey, Milton (Londres, 1969).

mime et pantomime

Mime vient du latin mimus, extension du grec mimos, et signifie « imitation ». Le nom fut donné dans l’Antiquité grecque à de petites pièces en vers et en prose où le geste avait une part prépondérante et qui étaient jouées par des acteurs nommés « pantomimes ». Sophron de Syracuse (ve s. av. J.-C.) est considéré comme l’inventeur du genre.


Le pantomime (« celui qui mime tout ») imitait à la perfection les attitudes, les actions, le langage des personnages mis en scène dans ces pièces. Celles-ci, de caractère bouffon, s’intercalaient entre les actes d’une pièce parlée pour divertir le public, pour annoncer l’acte suivant et reposer les acteurs.

Mais, au temps des Grecs, l’art du geste liait la danse, la musique et la poésie. Le mime, tel que l’on peut le concevoir de nos jours, faisait partie de la danse, mais d’une danse imitative proche du théâtre. Et c’est sous le nom de saltation qu’il faut entendre le mime grec : « Partie de l’art du geste résultante du principe imitatif par lequel les anciens histrions savaient exprimer toutes les passions, toutes les actions des personnages qu’ils mettaient sur la scène. Cette imitation saltatoire est le fondement, l’objet essentiel de la danse » (L’Aulnaye).

Les acteurs de la saltation se nomment ludions, histrions, mimes, archimimes, pantomimes. Aristote parle des saltateurs dont les danses imitaient les mœurs, les passions et les actions des hommes. Eschyle avait introduit le premier la saltation dans les chœurs tragiques. Plutarque, de son côté, divise la saltation théâtrale en trois parties : la contenance (maintien, disposition du corps) ; le geste (expression du sentiment qui anime l’acteur) ; l’indication (l’objet).

C’est au temps des Romains, sous Auguste, que les mimes se détachent des acteurs parlants pour faire des représentations à part. Déjà Livius Andronicus (iiie s. av. J.-C.) avait séparé la danse et le chant, permettant ainsi la naissance de l’art de la pantomime. L’histoire conserve de l’époque d’Auguste deux noms célèbres : celui de Pylade, natif de Cilicie, et celui de Bathyle, natif d’Alexandrie. Le premier triomphait dans les sujets tragiques, le second dans les sujets comiques et satyriques. Ils inventèrent la danse qu’ils appelèrent « italique » parce qu’ils commencèrent à la jouer en Italie.

À partir de ce moment, l’art des mimes se développa jusqu’à la virtuosité, les acteurs solistes devenant de véritables idoles, payés fort cher. À eux seuls, ils racontaient, sans se servir d’aucune parole, tout ce qu’une tragédie pouvait contenir, avec toutes ses nuances et en faisant tous les rôles. Le jeu des mains prit beaucoup de valeur et affina les postures grossières des débuts. (L’art des mains se nommait la chironomie.)

Puis les mots mime et pantomime se confondirent dans le cours de l’histoire et peu à peu inversèrent leurs sens. Au xixe s., la pantomime est la pièce, l’acteur est le mime. De nos jours, on emploie le mot mime pour signifier et l’acteur et son art.

Si l’histoire nous renseigne peu sur l’art du geste, c’est que le meilleur de cet art ne peut être décrit par l’écriture, que les mots mime et pantomime ainsi que danse, à part leur sens étymologique, ont des significations différentes suivant les époques. Cependant, nous pouvons considérer le mime en tant qu’art lié soit au théâtre, soit à la danse.