Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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milieu (suite)

L’adaptation aux conditions hivernales

En zone tempérée, c’est la température qui, l’hiver surtout, est le facteur limitant ; la période de vie ralentie qui en résulte est passée de différentes façons par les végétaux. Certains, les thérophytes, ou annuels, franchissent cette mauvaise saison sous forme de graine en état de latence (v. germination) ; d’autres sont réduits à l’état d’organes souterrains (bulbes, rhizomes, tubercules...), ce sont les géophytes, ou cryptophytes. Les hémicryptophytes possèdent des rosettes ou au moins des bourgeons au ras du sol, qui sont parfois protégés par la neige. Ceux dont les parties aériennes sont persistantes (chaméphytes et phanérophytes) perdent leurs feuilles (caducifoliées) ou portent des feuilles coriaces dans lesquelles l’activité physiologique se réduit pendant la mauvaise saison. La répartition de ces différents types est liée au climat : la région méditerranéenne, à période sèche importante, recèle beaucoup de thérophytes, alors que les moyennes montagnes des pays tempérés, comme les pays tropicaux, ont de nombreux phanérophytes. Les hémicryptophytes sont fréquents dans les climats froids.


L’adaptation aux conditions de vie en haute montagne

En altitude, on observe une modification des conditions climatiques, caractérisée surtout par le raccourcissement de la période favorable à la végétation : quelques semaines seulement vers 2 500 m, un printemps très tardif et brutalement suivi par un automne rapide, car l’été est extrêmement fugitif. D’autre part, la température moyenne annuelle est plus basse qu’en plaine (diminution d’un demi-degré pour une élévation de 100 m), mais ce phénomène général est compliqué du fait de la grande amplitude de variation journalière pendant la période libre de neige. On peut observer en surface des écarts de plus de 50 °C entre la nuit très froide et les heures d’insolation intense. La luminosité est également beaucoup plus forte qu’en plaine. L’humidité est très variable : en moyenne montagne, les brouillards maintiennent un degré hygrométrique élevé, mais en haute altitude, par les jours de beau temps, la teneur de l’air en vapeur d’eau est très faible. Les végétaux qui s’installent dans ces conditions doivent donc posséder un cycle végétatif court et une résistance importante aux variations des conditions d’éclairement, de température et d’humidité ; aussi montrent-ils certaines modifications morphologiques particulières (adaptations génétiques ou non) : nanisme, raccourcissement des entre-nœuds, réduction de la surface des feuilles et épaississement de ces organes, souvent protégés par un duvet, augmentation de l’intensité de coloration des pétales. Les parties aériennes sont plus réduites que le système radiculaire : le rythme des mitoses est ralenti dans les organes aériens, et les cellules diminuent de taille dans les parties souterraines. Le métabolisme est modifié, en particulier la photosynthèse et la formation des acides organiques.


Conditions extrêmes du milieu

Il est également intéressant de noter l’effet des conditions extrêmes que peuvent supporter certains végétaux exceptionnels. Cette étude permet d’apprécier l’étendue des possibilités d’adaptation de la matière vivante. Les végétaux verts ne peuvent survivre à l’obscurité totale, mais on a cependant remarqué que quelques-uns acceptent le dixième de l’éclairement normal, et que d’autres, qui se trouvent en sous-bois dense, survivent pendant leur période de vie active avec seulement un deux-centième de l’éclairement d’été en milieu découvert ; mais il faut signaler qu’au-dessous de 3 p. 100 ils sont généralement stériles. Dans les grottes, on trouve ces mêmes végétaux (Phanérogames et Cryptogames) jusqu’à plusieurs dizaines de mètres de l’entrée, ce que permet la pénétration d’une très faible lumière indirecte ; quelques Mousses subsistent encore avec un six-centième de l’éclairement normal. Des Algues, des Cyanophycées peuvent même descendre jusqu’à un deux-millième environ. Dans ces conditions, on explique facilement la présence de végétaux verts (Algues, Mousses et Fougères) autour des ampoules qui permettent pendant quelques heures par jour la visite des grottes aménagées pour les touristes.

Les Conifères, même s’ils n’atteignent pas en Sibérie une très grande taille, supportent bien des froids intenses, couramment en hiver – 70 °C. De très nombreux végétaux acceptent des températures de – 20 °C dans les régions tempérées. Dans les Alpes, on considère que la végétation s’arrête à la limite des neiges éternelles (2 900 m environ), mais en réalité on trouve des Phanérogames, des Mousses et des Lichens bien au-delà (plus de cent espèces à 3 800 m). Ranunculus glacialis et Achillea atrata semblent être les plus résistantes, elles arrivent jusqu’à 4 200 m ; des Lichens ont été vus jusqu’à 100 m sous le sommet du mont Blanc. Dans l’Himālaya, Arenaria musciformis, très petite Caryophyllacée, a été remarquée à plus de 6 200 m ; elle doit être la Phanérogame la « plus haute du monde », mais 100 m en dessous on trouve encore divers Edelweiss et Saussurea ; Mousses, Lichens et Algues ont été observés plus haut encore. Expérimentalement, on a montré que les organismes qui supportent la dessiccation : graines, Mousses, Lichens et quelques animaux (Rotifères, Tardigrades), peuvent être amenés à la température de l’hélium liquide (– 269 °C) pendant plusieurs heures sans perdre leur propriété de reviviscence (l’expérience a été poussée jusqu’à – 272 °C) si la dessiccation est complète et menée avec précautions.

Les élévations de température sont en revanche moins bien supportées par la matière vivante, car le cytoplasme se coagule vers 60 °C, entraînant la mort des cellules : sur les rochers exposés au soleil, les végétaux doivent accepter des températures de 50 °C et de 60 °C pendant quelques heures. Certaines Bactéries, Algues, Diatomées, Cyanophycées vivent dans des sources chaudes continuellement à cette température ; des Thermobactéries atteignent 75 °C.