Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Miaos et Yaos (suite)

Organisation sociale et familiale

Les Yaos de Chine sont organisés selon un régime féodal, tandis que les tribus des Mans (Yaos émigrés dans les montagnes d’Indochine) ont perdu peu à peu ce caractère féodal.

La descendance est patrilinéaire, et la résidence patrilocale. Cependant, l’autorité paternelle ne s’exerce pas rigoureusement. Chez les Yaos, les femmes jouissent d’une condition privilégiée, comparativement à celles des autres groupes : dès le début de la grossesse, elles cessent le travail. Les jeunes bénéficient d’une grande liberté sexuelle. L’interdit d’inceste ne vise jamais de larges groupes, mais seulement la famille étendue.

La religion est inspirée de celle des Thaïs, dont les croyances ont elles-mêmes été influencées par celles des Chinois et des Vietnamiens.


Les Miaos ou Meos

Ils se répartissaient comme suit : 2 millions en Chine (Yunnan [Yun-nan], Hunan [Hou-nan], Guizhou [Kouei-tcheou]), 185 000 au Viêt-nam et 60 000 au Laos (d’après A. G. Haudricourt).


Activités économiques

Leur culture principale est le maïs — semé sur le flanc des montagnes et dans le moindre interstice de rocher où se trouve un peu d’humus. Les Miaos cultivent peu le riz de montagne, mais ensemencent les graines de pavot pour en tirer l’opium, qu’ils vendent aux habitants des vallées. Quant aux arbres fruitiers, ils poussent au hasard à l’entour des cases, construites généralement à même le sol. On rencontre aussi le même type d’habitation que chez les Yaos.

Les Miaos ne fument pas la terre, mais répandent de l’engrais sur le terrain où ils déposent leurs graines. L’élevage (porcs, chèvres, chevaux, buffles, bœufs) constitue l’une des ressources essentielles, et la quantité de bétail possédé est un critère de richesse.

Comme les Yaos, les Miaos fabriquent eux-mêmes leurs outils de travail en forgeant le fer brut rapporté du Yunnan (Yun-nan). En outre, ils tissent le chanvre qu’ils ont cultivé.


Famille et religion

Quoique les jeunes gens mènent une vie extrêmement libre — marquée par la fréquence des jeux et des joutes —, la famille, patrilocale et à descendance patrilinéaire, apparaît fortement structurée ; l’autorité du père y est absolue. Les mariages, souvent décidés par les seuls parents en fonction du comportement d’un coq, s’achèvent couramment par la fuite ou même le suicide des jeunes femmes mariées contre leur gré.

La religion des Miaos est fortement imprégnée du taoïsme chinois.

N. D.

➙ Chine / Indochine / Laos / Viêt-nam.

Michaux (Henri)

Poète, peintre et dessinateur français d’origine belge (Namur 1899).


Dès son enfance et durant toute son adolescence, il se sent prisonnier de lui-même (« boule hermétique, suffisante »). Il participe d’un « univers dense et personnel et trouble où [n’entre] rien, ni parents ni affections, ni aucun objet [...] ». Il est avant tout refus et se réfugie dans la lecture. Il lit « énormément, très vite et très mal », accordant sa préférence aux ouvrages scientifiques, aux livres de voyage, aux écrits des mystiques, aux vies de saints : la littérature, à proprement parler, tient peu de place. En 1919, il abandonne ses études de médecine à peine commencées et s’embarque comme matelot sur un cinq-mâts. Il essaie ainsi d’« en sortir », d’échapper à ce monde clos, oppressant, qui est le sien. De retour à la vie terrienne, il exerce des métiers divers et surtout fait la découverte de Lautréamont, qui provoque un effet décisif : il cherchera désormais dans le langage le moyen de « se trouver », de situer son existence incertaine, perpétuellement menacée, sans défense contre les attaques venues de l’extérieur et à cause desquelles il se recroqueville sur lui-même, « secret, retranché, honteux de ce qui l’entoure, de tout ce qui l’entoure [...] honteux de lui-même, de n’être que ce qu’il est ».

En 1924, il quitte la Belgique pour s’installer à Paris et fait la découverte de Max Ernst et de Giorgio De Chirico. Il repart ensuite pour l’Équateur et fait paraître en 1927 sa première œuvre, Qui je fus. De l’avis général, ce n’est pas de la littérature. Michaux est de cet avis : ces textes disparates ne sont pas destinés à édifier une œuvre ; ils ne sont qu’un moyen (provisoire) pour tenter de faire l’analyse de ce corps clos, « troué », bourré de manques et essayer de lui trouver des raisons d’exister. Michaux le scrute, l’expérimente comme un objet indépendant de lui-même, impersonnel, que figure déjà le personnage d’Un certain Plume (1930). Plume, de façon exemplaire, montre le comportement de l’individu en mal de vivre dans une époque où l’homme se trouve en butte à des agressions constantes.

Bien qu’ayant pris pied dans l’« espace du dedans », Michaux voyage encore en Turquie, en Italie (1929), en Asie (Inde, Indonésie, Chine). Dans Un barbare en Asie (1933) et Ecuador (1929), il rapporte le fruit de son existence vagabonde. Mais, si les poètes voyagent, « l’aventure des voyages ne les possède pas ». Michaux n’est pas dupe de la vanité de ses pérégrinations et bientôt il réduit de plus en plus le champ de ses investigations et ne s’intéresse plus qu’à ses « propriétés », cherchant l’ailleurs de l’homme « en regardant une quelconque tapisserie de mur ». Dans ses « pays imaginaires », il ne se trouve plus confronté qu’aux limites de son propre corps et rejette résolument les mirages de la réalité dite « vécue ».

En Inde, pourtant, il a découvert les effets de la magie, qu’il assimile à la création littéraire. Celle-ci devient un « exorcisme » par lequel il tente de se délivrer de ses démons intérieurs. « L’exorcisme réaction en force, en attaque de bélier, est le véritable poème du prisonnier. Dans le lieu même de la souffrance et de l’idée fixe, on introduit une exaltation telle, une si magnifique violence, unie au martèlement des mots. » Les énergies que la magie permet d’accumuler sont seules capables de vaincre celles qui sont exercées par les contraintes du dehors, qui tendent à nier l’individu. Au pays de la magie (1941) précède Exorcismes (1943), qui rapporte cette découverte. En 1944 paraît Labyrinthes, accompagné, pour la première fois, d’un dessin de l’auteur. Une exposition a lieu la même année. Dans le dessin, Michaux trouve un « nouveau langage », plus approprié à son désir d’expression immédiate de sa réalité, plus « libérateur », sans l’obstacle des mots qu’il faut toujours remodeler avant de les utiliser. « C’est pour m’avoir libéré des mots, ces collants partenaires, que les dessins sont élancés, presque joyeux. »