Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

métamorphisme (suite)

Intensité du métamorphisme, zones, isogrades, faciès

Ulrich Grubenmann (1850-1924) et Paul Niggli (1888-1953) ont proposé pour le métamorphisme régional une zonéographie en trois volets : l’épizone superficielle, avec des roches à chlorite-épidote ; la mésozone, où se développent la biotite, la muscovite, les amphiboles, les grenats ; la catazone inférieure, où l’on rencontre la sillimanite, la cordiérite, les pyroxènes. De 1893 jusqu’à 1925, G. Barrow, puis C. E. Tilley cartographient une série métamorphique d’Écosse en fonction de l’apparition de minéraux repères : chlorite-biotite-almandin-staurotide-disthène-sillimanite (fig. 5). Ils sont ainsi à l’origine des études modernes sur le métamorphisme. Pentti Eskola (1883-1966), un peu plus tard, constate que la classification des cornéennes proposée par Goldschmidt est insuffisante et introduit la notion de faciès métamorphique et, plus généralement, de faciès minéral où se regroupent toutes les roches, quelle que soit leur composition, qui ont subi le métamorphisme dans les mêmes conditions physiques. Il prend comme référence les roches basiques. À sa suite, on a distingué à température croissante, pour les cornéennes (fig. 6), les faciès des cornéennes à albite-épidote, à hornblende, à pyroxènes, enfin le faciès sanidinite et, pour les schistes cristallins, le faciès des schistes verts, caractérisé par l’association albite-épidote, le faciès amphibolite où cette association est détruite et remplacée par des plagioclases et où apparaissent les hornblendes et les clinopyroxènes, le faciès des granulites, caractérisé comme les cornéennes à pyroxène par l’apparition de l’orthopyroxène. Dans le domaine des hautes et des très hautes pressions se placent le faciès des schistes à glaucophane et le faciès des éclogites. Enfin, Coombs (1960) définit, dans le domaine des basses températures, le faciès à zéolites et le faciès des métagrauwackes à prehnite et pumpellyite. La multiplication des données expérimentales a permis de replacer ces faciès dans l’espace pression-température (fig. 3). Cette représentation, évidemment schématique, repose sur le fait que les minéraux pris comme indicateurs possèdent des domaines de stabilité assez larges. Il en est de même de la zonéographie établie dans les séries cristallophylliennes alumineuses par J. Jung et M. Roques (1938), qui distingue une zone des micaschistes supérieurs à chlorite-muscovite, correspondant à peu près au faciès des schistes verts, les zones de micaschistes inférieurs et des gneiss supérieurs, où muscovite et biotite coexistent, la zone des gneiss inférieurs, où la muscovite a disparu, remplacée par la sillimanite et le feldspath potassique, enfin la zone des gneiss ultra-inférieurs, où il n’existe plus de minéraux hydroxylés. Les assemblages minéraux de roches de compositions différentes ne changent pas dans les mêmes conditions, ce qui donne du flou aux limites de faciès ou de zones.

L’analyse de la succession des associations minérales dans des roches de compositions différentes apporte les précisions nécessaires, par référence à la juxtaposition ou à l’intersection de limites de stabilité établies expérimentalement.


Ceintures métamorphiques, séries de faciès, types de métamorphisme

W. S. Fyfe, F. J. Turner et J. Verhoogen, se fondant sur la stabilité de minéraux différents et en particulier sur celle des minéraux alumineux déjà utilisés par Tilley et Barrow et par Jung et Roques, pulvérisent les faciès en un grand nombre de sous-faciès d’utilisation parfois malaisée. A. Myashiro (1958) reconnaît, au Japon, l’existence de ceintures métamorphiques où la succession des faciès minéraux obéit à une logique qui est celle des gradients géothermiques. Il distingue ainsi une série de faciès à andalousite-sillimanite, qui traduit un gradient assez fort pour que le disthène ne puisse apparaître (fig. 3), opposée à une série de faciès à glaucophane-lawsonite, supposant un gradient très faible. Les séries de faciès à disthène-sillimanite, dont celle qu’ont étudiée Tilley et Barrow est un exemple, correspondent à un gradient moyen. Chaque étude nouvelle apporte en fait la preuve de la grande variété des climats métamorphiques définis par les gradients et aussi par les dispositions structurales.


Répartition régionale des séries de faciès

La juxtaposition en ceintures de métamorphismes réalisées dans des conditions de gradient très différentes trouve des explications dans des variations locales du flux thermique, dans l’effet de socle également local et, à l’échelle du globe, dans la tectonique de plaques, qui suppose l’enfoncement de la plaque océanique dans l’asthénosphère au niveau d’un « plan de Benioff ». Le retard au réchauffement de la plaque océanique conduit à l’apparition d’une zone à gradient très faible au niveau de l’enfoncement, s’opposant à une zone à gradient normal ou plus élevé que la normale du fait de la chaleur apportée par le frottement le long du plan de Benioff, et se traduit par l’opposition, sur le pourtour du Pacifique, de ceintures métamorphiques récentes à glaucophane-lawsonite et à andalousite-sillimanite.


Superposition de conditions métamorphiques

Le métamorphisme affecte aussi bien les roches éruptives formées de minéraux cristallisés à hautes températures que les roches sédimentaires à l’équilibre dans les conditions de surface. C’est également vrai pour les roches déjà métamorphiques replacées dans de nouvelles conditions de métamorphisme. La superposition de métamorphismes (polymétamorphismes) ou encore de phases dans un même épisode métamorphique (métamorphisme polyphasé) lève la métastabilité des minéraux d’autant plus facilement que leur température de première cristallisation est plus proche et entraîne une réadaptation des associations minérales aux nouvelles conditions. La superposition des métamorphismes est d’autant plus apparente que les assemblages créés sont plus différents. Lorsque les nouvelles conditions sont en retrait sur les conditions primitives, la superposition est particulièrement évidente. L’exemple des massifs cristallins des Alpes constitués de schistes cristallins et de granitoïdes hercyniens ou plus anciens repris, avec leur couverture, dans le métamorphisme alpin, est classique. Ce phénomène, que recouvrent les termes de rétromorphose, métamorphisme rétrograde, diaphtorèse, dépend évidemment des conditions chimiques, mais également des éléments disponibles. Pour qu’une roche transformée dans le faciès granulite et totalement déshydratée soit rétromorphosée dans le faciès des amphibolites ou le faciès des schistes verts, il est indispensable que l’eau soit présente en quantité suffisante pour permettre le retour aux associations de minéraux oxydrylés, et ce retour ne se produit que dans les zones broyées permettant le passage de l’eau. Même dans ce cas, la rétromorphose n’est pas totale, et des minéraux reliques témoignent, le plus souvent, des conditions primitives.

J. L.

➙ Cristallines (roches) / Granite / Roche.