Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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métamorphisme (suite)

Métamorphisme et structures

Depuis un siècle, une distinction s’est établie entre le métamorphisme régional observé sur de grandes surfaces, où l’augmentation de la température est liée à une augmentation de profondeur, et donc de pression, et le métamorphisme de contact, générateur de cornéennes observées dans des auréoles limitées, à profondeur déterminée, où les variations de température ne sont pas liées à des variations de la pression, qui change seulement d’un niveau d’observation à un autre et donc, étant donné le caractère limité du phénomène, d’une intrusion à une autre. Le métamorphisme d’impact est, lui, déterminé par le choc sur la surface de la terre de grandes météorites. Il se marque par l’apparition de structures en cônes (shattercones) ; les minéraux sont brisés, clivés, noyés dans une phase vitreuse indiquant que les conditions de fusion ont été atteintes. Enfin, de nouvelles formes de la silice apparaissent : la cœsite, synthétisée à 800 °C et 35 kbar en 1953, la stishovite, synthétisée au-dessus de 1 200 °C et de 160 kbar en 1961, ont été retrouvées en 1962 au Meteor Crater et, plus tard, dans d’autres astroblèmes. Les tectites, perles de verre longtemps mystérieuses, sont les témoins d’éclaboussures de liquides produites par ces grands chocs et projetées sur des milliers de kilomètres carrés.

Les conditions exceptionnelles du métamorphisme d’impact font que ses produits sont très caractéristiques. L’aspect des cornéennes et des schistes cristallins est également très différent. L’absence d’orientation préférentielle des minéraux dans les cornéennes traduit l’isotropie de la pression lithostatique et hydrostatique. Dans les schistes cristallins, au contraire, les minéraux se développent dans des plans, les foliations, parallèles aux plans axiaux des plis (fig. 2) et selon des lignes, les linéations, le plus souvent parallèles aux axes de ces plis. Cela suppose des pressions orientées, et on a voulu y voir l’explication non seulement des structures, mais aussi des associations minérales des schistes cristallins, et opposer à un métamorphisme de contact de basse pression un métamorphisme régional de haute pression. En fait, on connaît des cornéennes, par exemple celles qui entourent le massif de Donegal en Irlande, formées à des pressions plus élevées que bien des schistes cristallins. Par ailleurs, il arrive que les cornéennes prennent une orientation au contact d’une intrusion (P. Fourmarier) ; à l’inverse, le métamorphisme à glaucophane-lawsonite, qui suppose des pressions élevées (fig. 3), produit souvent des roches isotropes. Enfin, dans les séries métamorphiques, les isogrades sont souvent indépendants des grandes structures tectoniques. Il faut donc bien distinguer ce qui appartient en propre au métamorphisme, à savoir les associations minérales, et ce qui est du domaine structural, à savoir la disposition de ces minéraux dans les roches.


Métamorphisme topochimique et métasomatose

Le produit du métamorphisme dépend évidemment du matériau qui le subit. Ce point n’a pourtant été établi de façon précise et objective qu’au début du siècle par Viktor Moritz Goldschmidt (1888-1947). Dans les cornéennes de la région d’Oslo, en Norvège, celui-ci reconnaît douze classes définies par leurs associations minérales et constate que le nombre des minéraux est limité. Il est ainsi conduit à appliquer la règle de Josiah Willard Gibbs (1839-1903), qu’il écrit v = c + 2 — φ en considérant deux variables intensives, la pression et la température. Comme, dans un espace pression-température, la présence d’une phase est possible dans un large domaine, la variance est de 2, et le nombre de phases, c’est-à-dire de minéraux, est ramené au nombre de constituants indépendants : la relation φ = C est connue sous le nom de règle de Goldschmidt. Dans le système des polymorphes Al2SiO5, andalousite-sillimanite-disthène (fig. 3), la coexistence de deux phases réduit à 1 le nombre de degrés de liberté (la pression étant fixée si la température est connue), et la coexistence des trois phases n’est possible qu’en un seul point, invariant, pour lequel pression et température sont déterminées. On peut donc préciser les conditions physiques de transformation, à condition, toutefois, de tenir compte de la métastabilité des minéraux. Le fait que les minéraux formés dépendent de la composition chimique initiale est illustré par l’exemple des cornéennes rubanées (fig. 4) produites à partir de roches calciques formées elles-mêmes de petits lits de composition différente. La permanence de ces petits lits, dont les différences de composition sont révélées en couleur par le métamorphisme, montre que ce dernier ne peut homogénéiser un matériel hétérogène et ne modifie pas la composition de chacune de ces fractions. On dit qu’il est topochimique. Mais il s’agit là d’une approximation. Tout d’abord, la perte en eau qui accompagne la cuisson d’une céramique accompagne aussi les réactions métamorphiques. Les transformations successives de la kaolinite en pyrophyllite, puis en silicate d’alumine s’accompagnent chaque fois d’une perte d’eau. De même, les réactions impliquant des carbonates s’accompagnent d’une évacuation de CO2 et se trouvent contrôlées par la pression partielle de ce gaz. Il est d’autre part évident que les éléments se redistribuent à l’échelle de la taille des minéraux. Les solutions émises par les magmas au moment de leur cristallisation (v. granite) produisent des modifications chimiques plus amples que cette simple redistribution. La transformation des feldspaths en muscovite et quartz conduit à un greisen formé à la fois à partir des roches périphériques (exo-greisen) selon la réaction
albite + orthose + H+muscovite + quartz + Na+
(J. Lameyre). Les roches calcaires pures au contact d’un granité se changent en skarns, où la présence de grenats et de pyroxène indique une modification de la composition et en particulier un transfert du silicium. Skarn et greisen sont d’autre part enrichis en éléments utiles : wolfram, étain, béryllium, niobium, tantale. Ces changements de composition chimique globale intervenant sur des constituants autres que CO2 ou H2O relèvent du phénomène de métasomatose analysé récemment par Dmitri Sergueïevitch Korjinski (1970), auquel on a parfois attribué un rôle dominant dans le métamorphisme. Cependant, lorsque la métasomatose est démontrée, ses effets ne se font plus sentir au-delà de quelques dizaines de mètres. Ailleurs, la permanence de la variété lithologique des cornéennes et des schistes cristallins à travers tous les degrés du métamorphisme montre que son rôle est fort limité.