Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Aoste (val d’)

Région du nord-ouest de l’Italie ; 3 262 km2 ; 112 000 hab. (Valdotains).


Pays frontière à la charnière des Alpes, c’est une région originale à bien des titres. Le val d’Aoste, pays montagneux, terre italienne de langue française, région au statut administratif particulier depuis 1948, a été successivement un lieu de passage et un monde fermé.


La géographie

La nature valdotaine est à la fois rude et hospitalière. Pays de hautes terres (l’altitude moyenne dépasse 2 000 m) parcouru par le long sillon de la Doire Baltée, il est dominé par les plus hautes montagnes d’Europe, du mont Blanc au mont Rose. Structuralement, c’est une région de contact entre les Alpes occidentales et les Alpes centrales. L’intensité de l’érosion glaciaire et postglaciaire a aéré ce domaine, marqué par de grands versants raides. Si les possibilités économiques en sont réduites, le handicap est compensé par les voies d’accès à des cols transalpins importants. Cette cellule montagnarde a un climat d’abri caractérisé par la faiblesse relative des précipitations (585 mm à Aoste), un enneigement modéré, des températures plus favorables que sur le versant français, une belle luminosité. Ces conditions ont de multiples conséquences, notamment sur la répartition étagée de la végétation. Celle-ci monte plus haut que partout ailleurs dans les Alpes. La forêt couvre plus de 600 km2, c’est-à-dire, en fait, le cinquième de la superficie totale de la région (les arbres sont essentiellement des résineux, où dominent les mélèzes) ; 25 p. 100 du territoire sont occupés par des alpages. Ces éléments naturels se regroupent en deux unités régionales, la « Montagne » et la « Grande Vallée ».

L’économie a subi des transformations fondamentales en quelques dizaines d’années. Au début du xxe s., il reste peu de chose de l’activité intense qu’a connue la région à l’époque romaine. À ce moment, la région tirait sa prospérité de sa fonction de passage vers les cols du Petit- et du Grand-Saint-Bernard. Mais, au Moyen Âge, la circulation alpine se déplace vers le Simplon et le Saint-Gothard. Replié sur lui-même, le val d’Aoste affermit ses traits particularistes. L’unité italienne, dans un premier temps, en le séparant de la Savoie, en l’intégrant à un État économiquement pauvre, précipite la crise. L’émigration sévit sous toutes ses formes. La situation va se retourner avec l’hydro-électricité, le tourisme, l’ouverture des tunnels routiers transalpins du Grand-Saint-Bernard et du Mont-Blanc. Désormais, le revenu est élevé, le val d’Aoste accueille des émigrants des autres régions italiennes. Les conditions naturelles expliquent évidemment la modestie d’une densité moyenne, qui, toutefois, s’accroît régulièrement.

L’agriculture et l’élevage n’ont plus qu’une importance secondaire (moins de 8 p. 100 du revenu régional annuel). Outre les conditions peu propices du milieu, l’archaïsme des structures précipite le déclin agricole. Une proportion de 86 p. 100 des propriétaires possèdent moins de 2 ha, et le nombre moyen des parcelles par exploitation est de 16 ! Aussi, malgré les succès de l’irrigation, les cultures régressent, sauf celles des arbres fruitiers et de la vigne. L’élevage est une plus grande richesse (50 000 bovins). Il donne lieu à la fabrication d’un fromage apprécié, la fontina. L’exploitation forestière apporte un complément. Mais l’industrie constitue la principale ressource (60 p. 100 du revenu régional annuel). À l’extraction de minerai de fer (Cogne) s’est ajouté l’équipement hydro-électrique. La puissance installée de l’ensemble des centrales de la région approche le million de kW, et, en 1970, la production électrique, presque entièrement d’origine hydraulique, a sensiblement dépassé 2,9 milliards de kWh. L’industrie manufacturière, en plus des fromageries et des scieries, est présente avec une usine d’aciers spéciaux (Aoste), des usines de fibres artificielles (Châtillon). La vocation nouvelle semble être le tourisme. Le thermalisme et l’alpinisme ont attiré très tôt des voyageurs, mais le tourisme moderne ne débute qu’avec l’ouverture des routes de montagne et l’équipement des stations, après la Première Guerre mondiale. La fréquentation touristique a doublé entre 1960 et 1970. C’est un tourisme essentiellement estival, avec une clientèle très mobile. La clientèle italienne est prépondérante (88 p. 100 des nuitées), mais le nombre des arrivées étrangères ne cesse de croître ; ce sont là des touristes en transit et, parmi eux, les Français sont les plus nombreux. Les stations connues sont dans la montagne, telles Courmayeur, Breuil-Cervinia, Champoluc, Gressoney ; par sa situation dans la vallée et son casino, Saint-Vincent fait exception.

La seule ville est le chef-lieu, Aoste (38 000 hab.). Sur la route des cols, elle fut la « Rome des Alpes », ce qu’attestent d’abondantes ruines romaines ainsi que le plan du centre de la cité. Le renouveau économique régional lui a donné les fonctions d’une ville industrielle et touristique. Mais il en a fait surtout une « petite capitale alpine » (B. Janin), qui commande aux diverses unités régionales du val d’Aoste.

Cette région perd, à travers ces changements, son autonomie culturelle ; l’italianisation se développe, mais ses progrès sont moins douloureusement ressentis qu’il y a quelques décennies. Par les tunnels transalpins, par l’autoroute vers Turin et Milan, le val d’Aoste n’est plus un monde clos.

E. D.


L’histoire

Le val d’Aoste est probablement occupé par des Celtes, les Salasses, dès le ve s. av. J.-C. Il est soumis par les Romains en 25 av. J.-C. Auguste fonde alors la colonie Augusta Praetoria (Aoste), la future capitale du pays : son importance lui vaut le surnom de « Rome des Alpes ». Occupé par les Burgondes et les Francs, le val fait partie du second royaume de Bourgogne (xe s.), dont le dernier titulaire fait hommage féodal, en 1032, à l’empereur germanique. Son appartenance aux royaumes burgondes et son ethnie expliquent la permanence, dans le val d’Aoste, d’un dialecte gallo-romain.

De 1032 à 1946, le pays suit la destinée de la maison de Savoie, sauf de 1800 à 1814 quand il fait partie, avec le Piémont, de l’Empire français.