Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Mérovingiens (suite)

Premiers conflits

Dissimulées par la nécessité d’assurer en commun l’héritage de Clovis, les ambitions — génératrices de crises — des fils du roi se manifestent ouvertement pour la première fois au lendemain de la mort, à Vézeronce en 524, du second d’entre eux, Clodomir, roi d’Orléans (511-524). Pour se partager son héritage, ses frères puînés, Childebert Ier (511-558) et Clotaire Ier (558-561), font aussitôt assassiner deux de ses jeunes fils, tandis que le troisième, Clodoald (v. 522 - v. 560), pour survivre, doit entrer en religion et s’établir à Novigentum, où il fonde le monastère auquel sera donné son nom : Saint-Cloud.

À son tour, Clotaire Ier manque d’être assassiné par son frère aîné, Thierry (511-534), au cours de leur commune expédition en Thuringe. La disparition de ce dernier en 534 déclenche de nouvelles guerres intestines, dont Childebert Ier est cette fois l’instigateur et que seule la vieille reine Clotilde (v. 475-545), retirée à l’abbaye de Saint-Martin de Tours, parvient à apaiser. Ainsi le roi de Paris doit-il renoncer à confisquer l’héritage de son neveu le nouveau roi de Reims, Thibert Ier (534-548), avec lequel il était entré en conflit et aux côtés duquel il tente ensuite vainement d’éliminer Clotaire Ier, réfugié vers 540 dans la forêt d’Arelaunum (auj. Brotonne).


Les petits-fils de Clovis ou le temps des guerres fratricides (561-584)

Les Mérovingiens consacrent alors l’essentiel de leurs forces à affirmer leur hégémonie en Occident et mettent un terme temporaire à leurs querelles. Celles-ci reprennent en décembre 561, lorsque, à la mort de Clotaire Ier, le fils cadet de ce dernier, Chilpéric Ier (539-584), s’empare du trésor royal et s’établit à Paris. Fils d’Arégonde, le jeune souverain craint, en effet, que sa légitimité ne soit contestée par ses trois demi-frères, Charibert († 567), Gontran et Sigebert Ier, roi d’Austrasie, fils d’Ingonde, la première épouse de Clotaire Ier et sœur d’Arégonde.

Contraint d’abandonner ses conquêtes en 562, n’obtenant alors en héritage que les provinces septentrionales du regnum Francorum, craignant enfin pour sa vie, il se replie de Soissons à Tournai, où il attend l’instant propice pour prendre sa revanche.

À la faveur d’une invasion des Avars, que Sigebert Ier combat en Germanie, il occupe Reims, mais ne peut empêcher le roi d’Austrasie de s’emparer, à son retour, de Soissons et de son fils en bas âge Thibert. Renforçant pourtant peu après sa position en s’attribuant en 567 une large part de l’héritage de Charibert, il rêve alors d’égaler la puissance de son frère et rival Sigebert Ier, qui épouse à Metz Brunehaut, fille cadette du puissant roi des Wisigoths, Athanagild. Pour parvenir à ce but, il sollicite alors et obtient la main de Galswinthe, sœur aînée de la nouvelle reine franque.

Mais, incapable de résister à la passion qu’il éprouve pour sa maîtresse, l’esclave Frédégonde, il laisse sans doute cette dernière étrangler la malheureuse princesse wisigothe en 568 ; s’étant remarié avec l’auteur du crime, il accepte de céder à Sigebert Ier, à titre de compensation, le douaire de la défunte, qui comprend les cités de Limoges, de Bordeaux, de Cahors, de Béarn et de Bigorre.

Cet accord, conclu grâce à la médiation du roi de Bourgogne, Gontran (561-592), retarde de quelques années seulement le déclenchement d’une longue guerre civile. Celle-ci éclate en 573 à l’instigation de Chilpéric Ier, qui tente de s’emparer de la Touraine et du Poitou. Sans doute, son fils Clovis est-il vaincu par le patrice Momble et chassé de Bordeaux, mais un autre de ses fils, Thibert, bat près de Poitiers les forces de Sigebert Ier. Ce dernier fait alors appel contre lui aux « nations » germaniques, qu’il renvoie avec peine outre-Rhin en 574, après que les deux adversaires ont ravagé l’Aquitaine et que Chilpéric Ier, effrayé, a décidé de lui restituer ses conquêtes en Aquitaine. Il brise en 575 une nouvelle offensive de Chilpéric Ier, soutenu cette fois par Gontran. Ayant perdu son fils Thibert, tué en Angoumois, contraint lui-même de se réfugier à Tournai, tandis que Sigebert Ier fait reconnaître sa royauté par ses propres sujets, Chilpéric Ier se résout alors à faire assassiner son frère par deux « pueri » de Frédégonde lors de son élévation sur le pavois à Vitry en 575.

Maître de Paris et, par là même, du trésor royal et de la personne de Brunehaut, qu’il retient ensuite prisonnière à Rouen, il ne peut pourtant consacrer son triomphe par l’assassinat du jeune Childebert II, à peine âgé de cinq ans. Fils unique et héritier de Sigebert Ier, ce prince est sauvé par le duc Gondebaud et proclamé, le 25 décembre 575, sans doute à Metz, roi d’Austrasie par l’aristocratie locale, avant d’être reconnu en mai 577 héritier du royaume de Bourgogne par son oncle Gontran, qui vient de perdre le dernier de ses fils. En outre, en 581, il est reconnu héritier de celui de Chilpéric Ier, dont les fils ont tous disparu (ceux de sa première épouse, Audovère : Mérovée et Clovis s’étant ou ayant été « suicidés » sans doute à l’instigation directe ou indirecte de Frédégonde, persuadée que ses propres enfants Somson et Clodebert, morts en bas âge, ont été victimes des maléfices de leurs demi-frères).

Cette double désignation successorale n’empêche pas Childebert II d’entrer tour à tour en conflit avec chacun de ses oncles : après une longue querelle sanglante qui l’oppose à Gontran, il se fait, en effet, céder par ce dernier la moitié austrasienne de Marseille (581-584) ; il se rapproche alors du roi de Bourgogne, auquel Chilpéric Ier a infligé en 583 de lourdes pertes à Châteaumeillant, au cœur du Berry, que ce dernier veut lui enlever.

La naissance de Clotaire II, fruit tardif de l’union de Frédégonde et de Chilpéric Ier, l’assassinat de ce dernier souverain dans la forêt de Chelles en septembre 584 remettent alors en cause l’accord de 581. Pourtant, les ambitions italiennes de Childebert II, la protection accordée par Gontran à la veuve et aux enfants de Chilpéric Ier empêchent la reprise immédiate de la guerre civile.