Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

mercure (suite)

Toxicologie du mercure et de ses dérivés

• Le mercure métal, pratiquement insoluble dans les solvants habituels, est très peu toxique par absorption digestive. Son inoculation dans le tissu sous-cutané provoque par contre des réactions inflammatoires très douloureuses. À température modérément élevée, il émet des vapeurs qui peuvent être absorbées par voie respiratoire et provoquer une intoxication chronique.

Les travaux qui nécessitent l’utilisation du mercure métallique présentent ainsi un certain danger (concentration maximale autorisée aux États-Unis : 0,1 mg/m3).

• Les sels minéraux de mercure ont une toxicité variable selon leur solubilité dans l’eau et selon le degré d’ionisation du métal. Le cinabre, ou sulfure de mercure, est peu soluble et peu toxique. Le calomel, ou chlorure mercureux, est relativement peu toxique : utilisé comme laxatif à la dose d’un centigramme, il ne provoque qu’exceptionnellement une maladie neurologique particulière, l’acrodynie (douleurs aux extrémités). Le sublimé, ou chlorure mercurique, est, par contre, un toxique classique. À la dose de quelques centigrammes, il provoque des troubles digestifs et une atteinte rénale aiguë avec perturbation fonctionnelle et lésions tubulaires aboutissant à une anurie (arrêt de la sécrétion urinaire). L’anurie mercurielle débute par des nausées, des vomissements, une diarrhée douloureuse parfois sanglante, puis les signes rénaux apparaissent avec rétention azotée (augmentation de l’urée sanguine) et troubles électrolytiques importants. Grâce aux traitements de réanimation, la survie est en général maintenue dans les formes moyennes, et la guérison rénale est habituellement complète. Le traitement précoce par antidotes — British Anti Lewisite, ou B. A. L., à la dose de 3 à 4 mg par kilogramme, par voie intramusculaire toutes les six heures — permet souvent d’éviter l’anurie, et la prévention est encore meilleure par injection d’un diurétique du type de la furosémide, qui maintient la diurèse et facilite la correction des troubles fonctionnels dus à l’insuffisance rénale.

En pathologie professionnelle, l’intoxication mercurielle, ou hydrargyrisme, provoque une stomatite (inflammation de la bouche), un tremblement surtout intentionnel (quand on veut exécuter un geste), des crampes douloureuses et des altérations globales du système nerveux. Le dosage dans les urines donne des résultats variables souvent supérieurs à 0,1 mg par litre chez les sujets exposés.

• Les dérivés organiques du mercure sont très nombreux. Certains d’entre eux étaient employés autrefois en thérapeutique ; ils ont dû être abandonnés en raison de leur toxicité et on n’emploie plus guère que des antiseptiques à usage externe parmi les dérivés mercuriels.

En agriculture, par contre, de puissants fongicides sont fournis par les sels de méthyl(alkyl)mercure ou de phényl(aryl)mercure. Leur toxicité est très élevée, surtout celle des alkylmercures ; elle correspond à une atteinte nerveuse grave avec ataxie, incoordination cérébelleuse et troubles psychiques en règle générale irréversibles. Le traitement par la D-pénicillamine (1 g par jour) a un effet favorable temporaire.

La concentration maximale autorisée aux États-Unis est de 0,01 mg/m3, chiffre très faible tenant compte de l’inquiétude soulevée par la manipulation de ces produits en agriculture.

E. F.

 P. L. Bidstrup, Toxicity of Mercury and its Compounds (Amsterdam, 1964).

H. B.

 C. Duval, le Mercure (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1968).

Meredith (George)

Poète et romancier anglais (Portsmouth, Hampshire, 1828 - Box Hill, Surrey, 1909).


George Meredith, dont la vie couvre près d’un siècle de roman, de Dickens à Hardy, se révèle comme un cas particulier. Il meurt révéré et couvert d’honneurs. Pourtant son œuvre, guère appréciée que d’un petit nombre, déroute son époque. Utilisant dans des registres variés tous les ingrédients en usage, il aboutit à un résultat très peu victorien. Son œuvre fait charnière. On reconnaît l’héritier du roman du xviiie s., de Fielding notamment, de l’esprit de la Restauration, combiné étonnamment avec un certain romantisme germanique. O. Wilde voit en lui le « Browning de la prose ». Il ouvre la voie à ce roman s’épanouissant chez H. James et tous les tenants après lui d’une technique neuve au service d’une nouvelle vision de l’analyse psychologique. De sa prime jeunesse, Meredith ne dit pas grand-chose. Orphelin à cinq ans d’une mère d’origine irlandaise, il fait revivre dans Evan Harrington (1860), roman à teinte autobiographique, le pittoresque « Great Mel », son grand-père Melchizedech, et les tantes qui l’élèvent pendant que le père, tailleur, cherche fortune en Afrique du Sud de 1849 à 1863. D’après l’auteur lui-même, son éducation ne commence vraiment qu’à la Moravian school de Neuwied, près de Coblence. Il en garde la connaissance de l’Allemagne, de son atmosphère, Farina : a Legend of Cologne (1857) — l’un de ses premiers exercices en prose avec la fantaisie orientale (The Shaving of Shagpat : an Arabian Entertainment, 1855) —, de sa politique dans The Tragic Comedians (1880) et de ses gens (One of our Conquerors, 1891), ce qui n’empêche pas sa sympathie pour la France (Odes in Contribution to the Song of French History, 1898). Après un bref passage dans le droit, Meredith organise sa vie en fonction de la littérature, sa véritable vocation (1849). Il collabore régulièrement à l’Ipswich Journal (1860-1868). En 1862, il entre au Morning Post, qui, en 1866, l’envoie comme correspondant de guerre en Italie. À la fin de 1867, il dirige pendant un an ou deux la Fornightly Review. Mais surtout, de 1860 à 1895, il reste lecteur aux éditions Chapman and Hall. Dans une époque faite pour l’homme, ce défenseur des femmes (Emilia in England, 1864, dénommé Sandra Belloni en 1866 et sa suite Vittoria, 1867 ; Rhoda Fleming, 1865 ; Diana of the Crossways, 1885 ; Lord Ormont and his Aminta, 1894 ; The Amazing Marriage, 1895) ne connut pas que des joies dans leur commerce. De son premier mariage en 1849 avec la fille de l’écrivain Thomas Love Peacock (1785-1866), il ne lui reste, lorsqu’elle le quitte pour un artiste, qu’un fils né en 1853 et l’enrichissement des contacts avec son beau-père, avec qui Meredith communie dans le maniement du « comic spirit », dont il fait l’arme du bon sens contre la vanité, l’égoïsme et le sentimentalisme (On the Idea of Comedy and the Uses of the Comic Spirit, 1877). Après sa malheureuse expérience conjugale, Meredith se réfugie un instant dans son jardin favori, la poésie (Modern Love and Poems of the English Roadside, 1862), ouvert par les Poems dédiés à Peacock (1851). Il y reviendra en publiant Ballads and Poems of Tragic Life (1887), qui suivent de deux ans la mort de Marie Vulliamy, sa deuxième femme tendrement aimée. Malgré les éloges de George Eliot, de Tennyson ou de Charles Kingsley à ses divers premiers essais, la carrière de romancier de Meredith ne commence véritablement qu’avec The Ordeal of Richard Feverel (1859), lui attirant l’estime de Carlyle — dont l’ombre plane sur le personnage du docteur Shrapnel (Beauchamp’s Career, 1876) — et qui influence Georges Robert Gissing (A Life’s Morning, 1888). De The Egoist (1879), le plus réussi sans doute de ses romans, ressortent le mieux style brillant et goût de l’analyse, tandis que de son œuvre tout entière se dégage peu à peu une philosophie originale. Pour cet homme préoccupé d’éducation, d’art de préparation à la vie (The Ordeal of Richard Feverel, Evan Harrington, The Adventures of Harry Richmond, 1871), pour cet évolutionniste optimiste qui croit en l’instinct et place sa confiance dans le devenir naturel et la responsabilité de l’homme, le secret se trouve dans l’équilibre du sang, du cerveau, de l’esprit. La solution est dans un retour à la nature (Poems and Lyrics of the Joy of Earth, 1883 ; A Reading of Earth, 1888) qui pousse ses racines extrêmes chez David Herbert Lawrence, comme son panthéisme trouvera un écho lointain chez John Cowper Powys.

D. S.-F.

 C. Photiades, G. Meredith, sa vie, son imagination, son art, sa doctrine (A. Colin, 1910). / N. Kelvin, A Trouble Eden, Nature and Society in the Works of George Meredith (Stanford, Calif., 1961). / C. Beer, A Change of Masks. A Study of the Novels (Londres, 1970).