Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

mer (droit international de la) (suite)

À cette finalité classique s’ajoutent, dans l’évolution actuelle du droit de la mer, des missions nouvelles, à caractère économique et social, que la diplomatie de la mer ne peut éluder et qui débordent le cadre des conflits de compétences pour mettre en cause des problèmes où le sort de la communauté humaine tout entière se trouve inévitablement impliqué. Dans ce domaine, le droit international a pour objet de protéger, dans une sorte de sécurité collective, l’ensemble des membres de la communauté humaine contre les effets nocifs d’une pratique incontrôlée des libertés de la mer que le développement intense des techniques expose aujourd’hui les usagers à commettre. Sans abandonner le droit interétatique, le droit de la mer pénètre ici de plus en plus profondément dans le droit des gens, protecteur suprême des libertés* individuelles dont la première est le droit à la vie.


Les divers espaces marins

Sous son aspect politique classique de droit répartiteur des compétences de souveraineté, le droit international de la mer repose sur une séparation des espaces marins en zones dont chacune fait l’objet d’un régime différent. Les conventions de Genève du droit de la mer (1958), en adoptant cette division, ont codifié la coutume et la solution des compromis que les grandes puissances maritimes avaient finalement acceptée au xviiie s. pour mettre un terme à l’escalade des impérialismes marins et des controverses de leurs juristes.

La première convention de Genève, entrée en vigueur le 10 septembre 1964, consacre l’existence de deux premières zones qui sont formellement intégrées dans les dépendances territoriales des États riverains et sur lesquelles ces derniers sont habilités à exercer leur souveraineté dans les limites prévues par son texte et par le droit international général : les eaux intérieures et les eaux territoriales.

• Eaux intérieures. Suivant l’expression imagée des anciens auteurs, elles sont inter fauces terrae, prises entre les mâchoires de la terre. L’État riverain y exerce en principe la plénitude de sa souveraineté.

• Eaux territoriales ou mer territoriale. Leur régime juridique était controversé ; leur étendue reste variable. La première des quatre conventions de Genève les a placées sous la souveraineté de l’État riverain. La conférence diplomatique de 1958 a écarté la solution des servitudes côtières, qui présentait la mer territoriale comme étant une partie de la haute mer sur laquelle, en considération de sa situation de voisinage, l’État riverain pouvait exercer des droits de police contre les dangers qui viennent de la mer, contrebande et maladies épidémiques notamment.

Soumise, dans le droit positif actuel, à la compétence exclusive de l’État riverain, la mer territoriale n’en demeure pas moins accessible, sans autorisation préalable, au passage dit « innocent » des navires étrangers, y compris les navires de guerre.

• Haute mer et mer libre. La deuxième convention de 1958, sur la haute mer, entrée en vigueur le 30 septembre 1962, déclare dans son article 2 que « la haute mer étant ouverte à toutes les nations, aucun État ne peut légitimement prétendre en soumettre une partie quelconque à sa souveraineté ». L’article poursuit en définissant les libertés de la mer qui sont garanties à toutes les nations, riveraines ou non : liberté de la navigation, liberté de la pêche, liberté de poser des câbles et des pipe-lines sous-marins, liberté de survol. Ces libertés s’exercent conformément aux règles du droit international et dans le cadre des conventions en vigueur qui aménagent la sécurité de la navigation.

• Zone économique. À ces trois zones tend à s’ajouter une quatrième, la « zone économique ». Elle vise à assurer aux États riverains la maîtrise de ressources et de richesses incluses dans une bande maritime adjacente à leurs côtes, particulièrement importante pour les pays en voie de développement, qui peuvent y trouver des ressources alimentaires. L’idée a été promue par les pays africains, qui ont gagné à cette cause les pays d’Asie et de l’Amérique latine. La France a étendu en 1977 sa zone économique, dans l’Atlantique, la Manche et la mer du Nord, à 200 milles (soit 188 milles au-delà des 12 milles représentant ses eaux territoriales). La zone économique concerne la pêche mais également toutes les ressources de l’espace maritime.


Des problèmes non résolus

La question de l’unification pour tous les États de l’étendue des eaux territoriales, posée en 1930, n’a pu être résolue aux conférences de 1958 et 1960. Par un effet de contraste regrettable, la clôture de chacune de ces conférences diplomatiques devait être suivie d’un flux de législations internes augmentant, aux dépens de la haute mer, la largeur des mers territoriales ! La limite de 3 milles marins, présentée par tous les auteurs comme la limite extérieure classique, a été délaissée même par les États qui avaient protesté de leur attachement indéfectible à son endroit. C’est ainsi que la France, par l’article premier de la loi du 24 décembre 1971, a porté à 12 milles marins à partir des lignes de base l’étendue de ses eaux territoriales. Extension modeste au regard des 200 milles proclamés par de nombreux États sud-américains...

La relativité des solutions actuelles dans le domaine traditionnel de la répartition territoriale des compétences et des libertés maritimes des États, quand ne cessent de s’affronter les pêcheries industrialisées et les pêches côtières artisanales, a été accentuée par la reconnaissance, imparfaitement établie, d’une extension territoriale des États riverains sur le sol et le sous-sol de la mer situés au-delà de la limite de surface des eaux territoriales.


La question du plateau continental

La quatrième convention du droit de la mer (1958), entrée en vigueur le 10 juin 1964, en donnant dans son article premier une définition du plateau continental, socle immergé des dépendances terrestres d’un État riverain, qui combine deux critères, l’un bathymétrique et l’autre d’exploitabilité, a posé aux Nations unies, sur l’initiative inspirée de l’État de Malte, le problème, aux dimensions mondiales, du statut du fond des océans, qui fut retenu et préparé, sur la base d’une résolution no 2750 de la XXVe Assemblée, pour être discuté ultérieurement. À ce niveau et à cette profondeur, des solutions de compromis semblent exclues.