mémoire (suite)
Le code moléculaire de la mémoire (depuis 1968)
Une nouvelle direction est prise en 1968 dans les recherches, sans que les travaux d’ordre purement chimique soient pour autant abandonnés. Elle est surtout l’œuvre de G. Ungar (Baylor University College of Medicine de Houston). Elle suggère que, si les résultats obtenus jusqu’alors prouvent bien l’existence de mécanismes chimiques dans la mémorisation, ils ne peuvent pas dire ce que signifient ces mécanismes, d’une part, et d’autre part elle redoute que leur affinement soit rapidement borné par les possibilités de la technique. Ungar propose donc, et utilise dans ses laboratoires, la méthode dite « des essais biologiques », qui reprend d’ailleurs parfaitement celle qui est pratiquée par McConnell sur les planaires : il s’agit d’administrer à des rats accepteurs, non conditionnés, des extraits de cerveau de rats donneurs, ayant acquis un comportement donné. Si l’animal accepteur présente le comportement de l’animal donneur, c’est la preuve « biologique » qu’il a reçu sous forme « chimique » l’information possédée par le donneur. On procédera ensuite à la mise à jour de la substance active sur de grandes quantités de cerveaux d’animaux conditionnés ainsi directement ou indirectement. Ungar, par cette méthode, a isolé une substance qu’il a appelée scotophobine, substance qui provoque, par injection intrapéritonéale à la dose de 0,3 à 0,6 μg, l’évitement de l’obscurité chez la souris ou le poisson rouge. L’identification d’autres molécules capables de produire des comportements précis se poursuit activement.
Deux méthodes et trois hypothèses se partagent donc actuellement l’opinion des chercheurs. Les trois hypothèses concernent la systématisation des peptides découverts en un code général de la mémoire : les uns pensent que le fonctionnement de ce code est indépendant des voies nerveuses propres au cerveau (McConnell, T. K. Landauer, E. C. Robinson), les autres que sa formation passe par le train d’ondes électriques de STM (Katz, W. C. Halstead, Hydén), les derniers enfin que l’information mémorielle est incorporée dans l’organisation spécifique du système nerveux (Szilard, Rosenblatt, Ungar). Dans tous les cas, on est forcé d’admettre que les possibilités de la connaissance sont étroitement dépendantes de la structure innée du système nerveux en général, peut-être même de reconnaître une parenté troublante entre les formes hiérarchisées d’abstraction progressive par lesquelles doit passer la pensée humaine et les degrés successifs d’intégration par lesquels doit cheminer l’information avant de parvenir à un stade utilisable par la pensée. Mais l’on est aussi autorisé à espérer la possibilité future d’interventions médicales efficaces pour la correction des défauts pathologiques des fonctions intellectuelles, et contre leur sénescence.
A.-F. D.-C.
➙ Apprentissage / Conditionnement / Génétique / Piéron (H.) / Psychologie.
S. Bogoch, The Biochemistry of Memory (New York, 1968). / G. Ungar, Molecular Mechanisms in Memory and Learning (New York, 1970). / G. Adam, Biology of Memory (Budapest et New York, 1971). / E. J. Fjedingstad, Chemical Transfer of Learned Information (Amsterdam, 1971). / C. Florès, la Mémoire (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1972). / A. Lieury, la Mémoire (Dessart, Bruxelles, 1975).