Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

melkites ou melchites (Églises)

Communautés chrétiennes arabophones issues des anciens patriarcats d’Alexandrie, Antioche et Jérusalem et qui ont accepté les décisions doctrinales et disciplinaires du concile de Chalcédoine (451), promulguées comme lois par l’empereur (syriaque : malkâ) byzantin Marcien.


Ces Églises font donc partie de la communion orthodoxe, une fraction d’entre elles est entrée, au cours des trois derniers siècles, dans la communion de l’Église catholique romaine.


L’histoire

Convoqué à l’initiative de l’empereur de Constantinople et dans les environs immédiats de la capitale, le concile de Chalcédoine (8-31 oct. 451) avait canonisé une formule, d’origine romaine, selon laquelle dans le Christ « l’unique Personne du Verbe incarné subsiste en deux natures unies sans mélange, altération ou confusion ». Il récusait ainsi la formule de l’« unique nature incarnée du Verbe de Dieu », d’origine alexandrine, à laquelle demeuraient fermement attachés la majorité des chrétiens d’Égypte. En outre, le concile déposait le « pape » d’Alexandrie, Dioscore († 454), tenu pour responsable des troubles graves qui s’étaient produits au sein de l’assemblée présidée par lui en 449 et connue sous le nom de « brigandage d’Éphèse ».

Ces décisions entraînèrent la sécession de la presque totalité de l’Église d’Égypte, qui se constitua en Église nationale (copte) ; en Syrie (patriarcat d’Antioche), après une longue période de fluctuations, la chrétienté se scinda définitivement, sous l’empereur Justinien (543), en deux communautés : « chalcédonienne » (melkite) et « non chalcédonienne » (monophysite, souvent appelée jacobite, du nom de son premier chef, Jacques Baradée) ; une nouvelle scission parmi les chalcédoniens donna naissance au viiie s. à l’Église maronite. Seul le patriarcat de Jérusalem, qui avait obtenu à Chalcédoine la reconnaissance de sa complète autonomie, se rallia dans son ensemble — après une période de troubles — à l’orthodoxie chalcédonienne.

La conquête arabe (636-638) devait figer cette situation : le patriarcat melkite d’Alexandrie végétera jusqu’au xixe s. dans une situation précaire. Après une longue période de vacance du siège (609-638 ; 701-742) ou d’absence du patriarche, qui résidait à Constantinople (639-701), les melkites d’Antioche obtinrent du califat d’élire un patriarche résidentiel. À Jérusalem, où le patriarche Sophrone avait en 637 fait reconnaître par le calife ‘Umar les droits des chrétiens sur les lieux saints, le siège resta vacant de 638 à 705. Durant l’occupation franque à Antioche et Jérusalem, les patriarches melkites résidèrent le plus souvent à Constantinople, ce qui hâta la byzantinisation de leurs Églises (v. déclaration du grand canoniste Théodore Balsamon, patriarche d’Antioche de 1189 à 1195). Cette byzantinisation s’accentua encore aux temps de l’Empire ottoman, qui soumit en fait toutes les Églises orthodoxes à l’autorité du patriarche de Constantinople et de son saint-synode, et c’est à elle que les melkites doivent d’être appelés aussi grecs. À Jérusalem, depuis 1543, la haute hiérarchie est réservée à des Grecs ; il en fut de même de 1724 à 1898 pour le patriarcat d’Antioche. Quant à Alexandrie, il semble bien que le siège patriarcal melkite fut toujours occupé par des prélats de culture grecque. Cette situation ne fut sans doute pas étrangère au mouvement d’union avec Rome qui se dessina, notamment dans les régions de Ṣaydā (Liban) et d’Alep (Syrie), dans le courant du xviie s. En 1724, à Damas (où le siège patriarcal avait été transféré depuis 1529), un synode dont la légitimité fut contestée procéda à l’élection d’un patriarche d’Antioche acquis à l’union, Cyrille VI Tanas. Les opposants firent appel au saint-synode de Constantinople pour que ne lui fût pas concédé l’indispensable firman d’investiture par la Sublime Porte. Sa reconnaissance officielle par le Saint-Siège le 3 mars 1744 consomma la scission. Mais c’est seulement le 31 octobre 1837 que son successeur Maxime III Mazloum obtiendra la reconnaissance de la Sublime Porte et le 7 janvier 1838 que lui sera concédée la pleine autonomie civile : avec juridiction sur les catholiques melkites des trois patriarcats d’Antioche, Alexandrie et Jérusalem. Cette juridiction s’exerçait de fait, au titre ecclésiastique, depuis 1772. À dater du 31 janvier 1838, chaque patriarche catholique melkite s’est vu reconnaître le titre de « patriarche d’Antioche et de tout l’Orient, d’Alexandrie et de Jérusalem ».

De nos jours, l’Église grecque (melkite) catholique a été dominée par la personnalité forte et attachante de Maxime IV (1878-1967) qui fut évêque de Tyr (1919), puis de Beyrouth (1933) avant d’être élu patriarche en 1947. Créé cardinal par Paul VI en 1965, il prit une part importante au second Concile du Vatican, dont il fut, à propos notamment des mariages mixtes et du divorce, l’un des pères les plus écoutés.


L’organisation actuelle

• Les patriarcats orthodoxes. V. orthodoxes.

• Patriarcat catholique melkite. Sièges résidentiels : Damas et Le Caire. Le nombre de fidèles est estimé (1970) entre 700 000 et 900 000, dont environ 300 000 pour le patriarcat d’Antioche (Syrie, Liban, Iraq), 10 000 pour celui d’Alexandrie (Égypte et Soudan), 50 000 pour celui de Jérusalem (Jordanie et Israel) ; 400 000 à 500 000 dans la diaspora, notamment : Brésil (150 000), Argentine (100 000), États-Unis et Canada (100 000). Le clergé compte 200 prêtres séculiers (dont 70 mariés) et 225 réguliers appartenant aux ordres basiliens salvatorien (120 religieux), chouérite (72), alépin (42) et aux missionnaires de Saint-Paul (paulistes). Le clergé diocésain était formé de 1882 à 1967 au séminaire Sainte-Anne de Jérusalem, actuellement transféré au Liban.

I. H. D.

➙ Églises orientales / Orthodoxes.

 A. K. Fortescue, The Uniate Eastern Churches (Londres, 1923).