Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Melanchthon (Philipp) (suite)

Dès juin 1519, Melanchthon accompagne Luther à Leipzig pour la disputation avec J. Eck. Témoin silencieux, il revient à Wittenberg vomissant la théologie scolastique et décidé à retrouver le nerf et l’actualité de la théologie ancienne. C’est alors, avant même Luther, qu’il formule dans toute sa rigueur le principe scripturaire, qui va être le fondement et le « talon d’Achille » (D. F. Strauss) de la Réforme : l’Écriture ne peut avoir qu’un sens, le littéral ; elle est l’instance critique à laquelle tout, dans la doctrine et la vie de l’Église, doit être mesuré. Devenu « bachelier biblique », il est aussi le premier laïque à être chargé d’un enseignement théologique ; il met sa plume au service de la défense de Luther en écrivant une vigoureuse Apologie contre les décrets furieux des théologastres de Paris (1521), où il dénonce la synthèse scolastique comme la ruine de toute théologie. Absent de Worms où comparaît Luther, il publie ses Loci communes rerum theologicarum, premier traité dogmatique de la Réforme, sorte de commentaire systématique de l’Épître aux Romains, en quoi il voit le résumé de toute l’Écriture : de 1521 à 1525, il en paraîtra dix-sept éditions en latin et plusieurs en allemand.

Mais des crises s’annoncent : durant le séjour clandestin de Luther à la Wartburg, Melanchthon doit affronter Karlstadt (v. 1480-1541) et les « prophètes de Zwickau », qui risquent de réussir à renverser l’ordre précaire de la communauté naissante (v. anabaptistes) ; désemparé, débordé, il presse Luther tant et si bien que ce dernier finit par sortir de sa retraite pour remettre les choses théologiquement et pratiquement en place. Ferme et modéré dans ses convictions, prudent et politique dans ses méthodes, à l’exception de durs jugements durant la guerre des paysans, Melanchthon est de plus en plus considéré comme un arbitre ; de tous côtés, on fait appel à lui, et sa sagesse convainc ceux que rebute le prophétisme abrupt de Luther : il devient le visiteur infatigable et l’organisateur avisé, l’avocat éloquent aussi de la jeune Église. Des textes sortent de sa plume, que Luther préface magistralement ; lui, collabore à la rédaction des deux Catéchismes, textes fondamentaux du luthéranisme ; il accompagne l’Électeur à la diète de Spire, où, pour la première fois, les évangéliques sont nommés « protestants » (1529) ; il est le 1er octobre de la même année à Marburg, où l’on tente en vain de réconcilier luthériens allemands et zwingliens suisses. En chemin vers la diète d’Augsbourg, il met la dernière main à un projet de confession de foi, et la Confession d’Augsbourg (1530) entre dans l’histoire comme la charte, justement célèbre, de la première Église organisée après la Réforme. Plus tard, après de nombreux colloques, dont il est l’orateur infatigable, il en rédigera l’Apologie.

En 1534, il donne à François Ier une consultation écrite sur les possibilités de rapprochements entre catholiques et protestants. En 1546, c’est encore lui qui sera le porte-parole de la douleur des protestants et de leur espérance, dans le bouleversant discours qu’au nom de l’université il prononce lors des obsèques du Réformateur...

Désormais privé des exigences inflexibles de son virulent ami, Melanchthon se laissera aller à son tempérament de conciliateur et s’essaiera vainement, en face des premiers intégristes protestants, à trouver sur la prédestination, l’eucharistie et même — chose inouïe ! — sur la justification des formules acceptables par les catholiques. Ces penchants qui, dès avant la mort de Luther, l’avaient amené à donner de ses Loci une édition révisée dans le sens du « synergisme », collaboration entre Dieu et l’homme dans le salut, l’exposent aux pires attaques et soupçons. Entre ses partisans, qui tiennent Wittenberg et Leipzig, et les incorruptibles de Magdeburg et d’Iéna, la polémique se déchaîne, et Melanchthon vieillissant est plus d’une fois douloureusement humilié. Il faut que les princes, réunis à Francfort en 1558 pour le couronnement de l’empereur Ferdinand Ier, rétablissent la paix entre « leurs » théologiens.

De la sorte, ce sont plus la sagesse et les intérêts des politiques, peu édifiés par les querelles de clercs et peu soucieux de subtilités théologiques, qui permettent à Melanchthon de retrouver un crédit fortement ébranlé. Encore une fois, il reprend la plume pour réfuter l’« Inquisition bavaroise » et il meurt entouré d’un immense respect, le 19 avril 1560.

G. C.

➙ Églises protestantes / Luther / Protestantisme / Réforme.

 M. Luther dargestellt von seinen Freunden und Zeitgenossen Johannen Mathesius, Philipp Melanchthon, Lucas Cranach dem Älteren, Hans Sachs und anderen (Berlin, 1933). / G. Casalis, Luther et l’Église confessante (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1962). / J. Boisset, Melanchthon, éducateur de l’Allemagne (Seghers, 1967).

Mélanésie

Ensemble d’archipels et d’îles du Pacifique sud-occidental, qui doit son nom à la couleur sombre de la peau de ses habitants (en grec, melas signifie « noir »).


Les archipels mélanésiens sont la Nouvelle-Guinée et ses dépendances, l’archipel Bismarck, les îles Salomon et Santa Cruz, les Nouvelles-Hébrides, la Nouvelle-Calédonie et les îles Loyauté, les îles Fidji. Même en excluant la Nouvelle-Guinée occidentale (Irian Barat), qui fait aujourd’hui partie de l’Indonésie, les terres émergées de l’ensemble mélanésien couvrent 550 000 km2 et sont donc beaucoup plus étendues que celles de la Polynésie et de la Micronésie. La Nouvelle-Guinée mise à part, les îles les plus vastes sont la Nouvelle-Bretagne (37 900 km2) et la Nouvelle-Irlande (8 600 km2) dans l’archipel Bismarck, Bougainville (10 000 km2) et Guadalcanal (6 500 km2) dans les Salomon, la Nouvelle-Calédonie (16 750 km2), Viti Levu (10 500 km2) et Vanua Levu (5 500 km2) aux Fidji.