Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

mazdéisme (suite)

Mais cette synthèse, entreprise à une époque de nationalisme et d’hostilité contre l’Occident, se solda par un retrait du monothéisme. Ahura-Mazdâ (« Ormuzd ») cessa d’être l’absolu et devint une sorte d’antidémon engagé dans les combats, tandis qu’Angra-Mainyu (« Ahriman ») devint le grand opposant du dieu. Le dualisme fut dès lors un trait marquant du mazdéisme sassanide.

La mythologie mazdéenne est centrée depuis les temps les plus reculés sur la préoccupation de la mort et de la vie après la mort. De là vient le culte du feu et l’incinération pratiquée par les anciens Iraniens. Les mages inaugurèrent l’abandon des cadavres aux vautours sur les « tours de silence », coutume dans laquelle on résume souvent le mazdéisme et qui est encore pratiquée de nos jours par les parsis de l’Iran central et de l’Inde. Les âmes des défunts livrées au vent et emportées par les vautours partent à la rencontre de leurs juges célestes, de Mithra surtout, qui a pour fonction de guider les humains au cours de leur vie terrestre.

La religion mazdéenne semble porter les traces de la notion de salut : le mot avestique saoshyant, « sauveur », est postérieur aux Gâthâs, mais c’est l’idée qui ressort du rôle joué par Zarathushtra. Pour le mazdéisme, un Saoshyant doit venir grâce à qui la communauté triomphera de ses épreuves présentes et qui viendra ouvrir le séjour des bienheureux. Mais comme Zarathushtra, premier sauvé grâce à la révélation divine qu’il a su accueillir, est pour les mazdéens le modèle de tous les sauveurs, ceux-ci ne conçoivent pas ce sauveur comme un être divin. Ils attendent cependant un sauveur ultime qui mènera l’œuvre de justice à son terme.

Le mazdéisme se survit aujourd’hui chez les parsis de l’Iran (quelques villages), appelés guèbres, et chez leurs descendants qui, au viie s., fuyant le conquérant musulman, émigrèrent dans la région de Bombay (env. 150 000). Ce sont les guèbres qui ont compulsé les ouvrages de science mazdéenne : le Dênkart (ixe s.), le livre de Zarathushtra (xiii-xive s.), les Rewāyat (lettres théologiques écrites entre le xve et le xviiie s.) au xviie s. Mais c’est en Inde que le mazdéisme est demeuré une religion vivante et qu’il est possible de faire aujourd’hui encore la rencontre des héritiers de Zarathushtra.

B.-D. D.

➙ Zarathushtra.

 J. Darmesteter, le Zend-Avesta (Leroux, 1892-93 ; 3 vol.). / J. de Menasce, Une Encyclopédie mazdéenne : le Dênkart (P. U. F., 1958-1972 ; 2 vol.). / H. Humbach, Die Gâthâs des Zarathushtra (Heidelberg, 1959). / R. C. Zaehner, Dawn and Twilight of Zoroastrianism (Londres, 1961). / J. Duchesne-Guillemin, la Religion de l’Iran ancien (P. U. F., 1962). / M. Molé, Culte, mythe et cosmologie dans l’Iran ancien, le problème zoroastrien et la tradition mazdéenne (P. U. F., 1963). / G. Widengren, Die Religionen Irans (Stuttgart, 1965 ; trad. fr. les Religions de l’Iran, Payot, 1968). / J. Varenne, Zarathushtra et la tradition mazdéenne (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1966).

Mazzini (Giuseppe)

Patriote italien (Gênes 1805 - Pise 1872).


Giuseppe Mazzini est l’un des trois hommes auxquels les Italiens estiment devoir leur indépendance et leur unité nationale, les deux autres étant Cavour* et le roi Victor-Emmanuel II*. Dans toutes leurs villes, une voie importante porte son nom. Mais il n’y a entre eux aucune ressemblance, si ce n’est l’amour du sol natal.

Fils d’un professeur de médecine à l’université et d’une mère chrétienne, mais pénétrée de ces tendances jansénistes qui s’alliaient alors en Italie à la foi démocratique, Giuseppe Mazzini y est élevé par des prêtres également jansénistes. Il se fait connaître dès 1831, au sortir d’un emprisonnement comme suspect d’affiliation à la société des carbonari, par une lettre ouverte au nouveau roi Charles-Albert*, d’un ton grandiloquent et enfiévré de patriotisme, qui produit dans toute l’Italie une impression prodigieuse.

Dans cette lettre, écrite de Marseille, où il s’est réfugié, Mazzini y adjure le monarque — qui, en 1821, a donné des preuves de libéralisme — de se mettre de nouveau à la tête d’un mouvement émancipateur, faute de quoi il serait proclamé par la postérité le « dernier des tyrans italiens ». Le roi répond à cette sommation par un ordre d’arrestation de l’auteur si jamais il se présentait à la frontière et redouble de rigueur envers les patriotes italiens rassemblés par Mazzini dans une association qu’il a nommée la « Jeune-Italie ». L’un d’eux, son ami le plus intime, Iacopo Ruffini, également génois, se suicide le 19 juin 1833 en s’ouvrant les veines dans sa prison avec un clou enlevé de la porte pour échapper aux interrogatoires de la police. Le mouvement prend rapidement une grande extension parmi la jeunesse, même hors du royaume sarde, et, dans cette même année 1833, douze conspirateurs sont passés par les armes. Persécuté lui-même en France, Mazzini ne tarde pas à passer en Angleterre, où il retrouve le frère cadet de Ruffini, Giovanni, et qui demeurera son lieu de refuge habituel lorsqu’il ne sera pas en Italie.

En 1834, Mazzini rassemble une centaine d’exilés qui de Suisse passent en Savoie dans l’espoir d’y soulever les populations contre le régime de Charles-Albert, mais leur tentative échoue complètement. Mazzini ne devait jamais renoncer à croire les conspirations plus efficaces que la diplomatie : tout au long du Risorgimento*, d’autres tentatives individuelles, toujours éventées, auront une fin plus tragique encore.

C’est que Mazzini est en réalité un mystique qui associe « Dieu et le peuple » — telle est sa devise — dans une dualité ayant pour but le libre gouvernement des nations par elles-mêmes. Cette conception l’opposera non seulement aux régimes autoritaires alors généralisés en Italie, mais même à l’idée d’une émancipation obtenue avec le secours de l’étranger, notamment de la France, par exemple en 1848, où elle échoue, et même en 1859, où elle réussit partiellement grâce à Cavour et à Napoléon III*. Mais Napoléon III espère obtenir autre chose de son appui armé que le comté de Nice et le retour à la France de la Savoie, un trône au moins pour son cousin Jérôme Napoléon. Il ne prévoit pas l’élan spontané des populations de l’Italie centrale vers le Piémont. L’attentat du mazzinien Felice Orsini (janv. 1858) lui révélera la force du mouvement unitaire, qu’il aura pour dessein de contrer en appuyant la politique plus mesurée de Cavour. Mais finalement l’unité nationale découlera presque autant en 1860 du concours des disciples de Mazzini que de la sagesse du gouvernement royal de Turin, et le succès de l’expédition des Mille (mai-sept. 1860), qui permet le ralliement de la Sicile et du royaume de Naples, résultera autant des gestes secrets de Cavour que de l’audace de Garibaldi*. L’historien Adolfo Omodeo a écrit justement : « Presque tous les grands hommes du Risorgimento passèrent à une époque de leur vie par le mazzinisme. Peu y demeurèrent. Ils ne pouvaient s’attarder dans la contrainte convulsive de l’apocalypse mazzinienne ; l’esprit avait ensuite besoin de détente et d’un examen apaisé des hommes et des choses. » Ainsi Francesco Crispi (1818-1901), Benedetto Cairoli (1825-1889), Emilio Visconti-Venosta (1829-1914), futurs ministres des rois d’Italie, furent d’abord mazziniens, et Garibaldi lui-même, malgré son pénible désaccord final avec Cavour.