Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Mauritanie (République islamique de) (suite)

La seconde étape fut militaire et marquée principalement par la colonne de l’Adrar du colonel Gouraud* (déc. 1908 - juin 1909). Le principal adversaire fut Mā’al-Ainīn, le marabout de Smara, inaccessible dans un territoire reconnu à l’Espagne par des accords de 1900 et de 1904. Il regroupa les tribus maures. Son fils, al-Ḥaiba, renouvela sur le Maroc l’expédition des Almoravides, mais il fut mis en déroute, le 6 septembre 1912, près de Marrakech, par le général Mangin*.

En 1920, la Mauritanie fut érigée en colonie rattachée à la fédération de l’Afrique-Occidentale française. Les services administratifs demeurèrent à Saint-Louis. La dernière étape de la conquête, opérations de reconnaissance, de liaison et de pacification, principalement contre les irréductibles Regueibats, dura jusqu’en 1934.

En 1946, la Mauritanie devint un territoire d’outre-mer. En 1957, une capitale fut créée à Nouakchott, dans une brousse désertique, à quelques kilomètres de l’Océan et à 200 km du Sénégal. En 1957, le nord de la Mauritanie fut troublé par des éléments incontrôlés de l’armée de libération marocaine, appuyés par des Regueibats. Une opération conjointe franco-espagnole sur Smara, en février 1958, leva cette hypothèque.

Le 28 novembre 1958 fut proclamée la République islamique de Mauritanie, qui devint indépendante le 28 novembre 1960. Elle entra à l’O. N. U. en 1961 malgré l’opposition du Maroc, qui n’a renoncé à ses revendications territoriales, discrètement, qu’en 1969.

Pays pauvre, peu touché par la colonisation et la scolarisation, la Mauritanie a connu une évolution relativement lente de ses structures traditionnelles, mais elle jouit d’une stabilité politique remarquable en Afrique. Des incidents d’origine linguistique ont eu lieu en janvier-février 1966. Les Noirs, plus scolarisés à l’époque coloniale, donc plus nombreux à connaître le français, ont réagi contre l’extension du rôle de la langue arabe, qu’ils ne pratiquent pas. L’arabe, déjà dit « langue nationale », a été proclamé langue officielle concurremment avec le français en 1968. Moktar Ould Daddah est constamment resté à la tête de son pays depuis 1957. En 1964, il a fait du Parti du peuple mauritanien un parti unique. En novembre 1975, un accord conclu à Madrid partage le Sahara occidental, auquel renonce l’Espagne, entre la Mauritanie et le Maroc, qui se heurtent aussitôt à l’opposition armée du Fronte Polisario (Front pour la libération de la Saguia-el-Hamra et du Rio de Oro), soutenu par l’Algérie.

D. B.

 La République islamique de Mauritanie (la Documentation fr., « Notes et études documentaires », 1960). / G. Désiré-Vuillemin, Contribution à l’histoire de la Mauritanie, 1900-1934 (Éd. Clairafrique, Dakar, 1964). / M. Piquemal-Pastré, la République islamique de Mauritanie (Berger-Levrault, 1969). / J. Arnaud, la Mauritanie. Aperçus historique, géographique et socio-économique (le Livre africain, 1972).

Maurras (Charles)

Écrivain et homme politique français (Martigues 1868 - Saint-Symphorien, Indre-et-Loire, 1952).


Il naît dans cette Provence âpre et lumineuse, profondément marquée par le génie gréco-latin et qui sera la vraie maîtresse de sa pensée et de sa sensibilité. Élève au collège d’Aix-en-Provence, Charles est en quatrième quand il est atteint de surdité, ce qui le plonge dans le désespoir. Quelque temps plus tard, au terme d’une longue crise, il perd la foi chrétienne. Installé à Paris en 1886, il se livre à des travaux d’esthétique et de philosophie qui sont tout de suite remarqués pour leur fermeté de fond et de forme.

À la Gazette de France, où il écrit dès 1890, Maurras renouvelle les doctrines traditionalistes et monarchistes ; avec Jean Moréas (1856-1910), il fonde l’École romane. Au retour d’un voyage à Athènes, où la Gazette de France l’a envoyé à l’occasion des jeux Olympiques (1896), il devient le chef intellectuel des antidreyfusards et de ceux qui veulent l’éviction de tous les « barbares », des « métèques » : juifs, francs-maçons, protestants...

En septembre 1898, dans la Gazette de France, il fait l’apologie du faux commis par le colonel Henry : « L’énergique plébéien, écrit-il, l’a fabriqué [le faux] pour le bien public. Notre mauvaise éducation demi-protestante fut incapable d’apprécier tant de noblesse intellectuelle et morale. » Trois mois plus tard, la souscription de la Libre Parole en faveur de la veuve Henry recueille cent mille francs, et la Ligue de la patrie française se fonde.

En janvier 1899, Henri Vaugeois, fondateur avec Maurice Pujo du Comité d’action française, rencontre Maurras ; le 10 juillet, ils font paraître le premier numéro de la revue bimensuelle du groupe d’Action française, dite « Petite Revue grise » (de la couleur de sa couverture). L’Action* française n’est encore qu’un mouvement républicain patriote ; parmi les éléments qui vont décidément l’orienter vers le nationalisme intégral et le néo-royalisme antiparlementaire et décentralisateur, le plus important sera l’action personnelle de Maurras, dont l’Enquête sur la monarchie paraît à partir de 1900. Les idées maurrassiennes — diffusées, à partir de 1905, par la Ligue d’action française, à partir de 1908 par l’Action française devenue journal quotidien — gagnent de nombreux adhérents dans les milieux cléricaux et estudiantins, les « Camelots du roi » constituant le fer de lance du mouvement.

Maurras, que son infirmité enferme dans une rigide intransigeance intellectuelle, mène quotidiennement la lutte contre la « République pourrie » et contre ses alliés les « métèques », et aussi contre les démochrétiens (le Dilemme de Marc Sangnier, 1906). En dehors de ses éditoriaux dans l’Action française, il développe son idéal nationaliste et royaliste en une série d’ouvrages qui sont autant d’événements : Kiel et Tanger, 1910 ; Quand les Français ne s’aimaient pas, 1916.

En même temps qu’il s’efforce d’accorder son agnosticisme à sa fidélité à l’« Église de l’ordre » (la Politique religieuse, 1912 ; l’Action française et la religion catholique, 1913...), cet écrivain sensuel et païen (le Chemin de Paradis, 1895), chantre de sa Provence (l’Étang de Berre, 1915), négateur du Dieu janséniste et adversaire du « funeste » Pascal, ne trouve le salut — en dehors de la politique — que dans l’esthétique inspirée du génie gréco-latin (Anthinéa, 1901). L’Avenir de l’intelligence (1905), par exemple, éclaire toute l’action maurrassienne en montrant la volonté de l’auteur de lutter contre les deux forces qui tendent, selon lui, à dominer la terre — l’or et le sang — et de leur opposer « la force lumineuse et la chaleur vivante ».