Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Mauritanie (République islamique de) (suite)

Depuis septembre 1970, une deuxième ressource minière a été mise en exploitation : le cuivre d’Akjoujt (investissements prévus : 280 millions de francs français ; production annuelle prévue : 50 000 t de concentrés à 50 p. 100). Le gouvernement mauritanien participe pour 22 p. 100 au capital de la société exploitante, la Somima (Société des mines de Mauritanie), que contrôle l’Anglo-American Corporation.

L’aisance relative apportée par les ressources minières ne doit pas dissimuler les problèmes posés par le brusque passage d’une société de structures sociales médiévales à celles du xxe s. : prolétarisation et sédentarisation d’une société nomade fondée sur la hiérarchisation traditionnelle et l’esclavage ; dévalorisation des activités traditionnelles (élevage, culture-jardinage des oasis) face aux activités modernes, qui n’absorbent qu’une main-d’œuvre limitée (8 800 salariés du secteur privé en 1967, dont 2 450 non mauritaniens) ou sont improductives (fonction publique) ; antagonismes entre Maures et Noirs du Sud. Plus graves encore risquent d’être les conséquences de la sécheresse qui sévit depuis 1968 et a pris un caractère catastrophique en 1972 (perte de la majeure partie du cheptel, afflux de dizaines de milliers de nomades ayant tout perdu, autour des agglomérations urbaines).

Le taux de scolarisation, en dépit des problèmes posés par le nomadisme, est passé de 5 p. 100 en 1960 à 12,1 p. 100 en 1970 ; le produit intérieur brut par habitant s’est élevé de 17 400 francs C. F. A. par an en 1959 à 41 000 francs C. F. A. (820 francs français) en 1970 (mais dans cette moyenne entrent les énormes revenus de la Miferma). Les efforts d’industrialisation entrepris par l’État se sont heurtés aux insuffisances de l’infrastructure (société de pêche Somap) ou aux insuffisances de l’approvisionnement (frigorifiques et usines de traitement des produits de la pêche de Nouadhibou) ou des débouchés (abattoir, entreprise frigorifique et tannerie de Kaédi). On ne sait pas encore quelles activités pourront se substituer à l’exploitation minière lorsque celle-ci arrivera à son terme par l’épuisement des gisements (20 ans pour le fer, 16 ans pour le cuivre).

En attendant, la Mauritanie a recours simultanément à l’aide des pays occidentaux (Fonds d’aide et de coopération français, Fonds européen de développement) et à celle des pays de l’Est (aménagements agricoles de la vallée du Sénégal, construction du port de Nouakchott par la Chine populaire).

J. S.-C.


L’histoire

L’occupation humaine du pays est ancienne, comme en témoignent les 306 sites paléolithiques et néolithiques actuellement répertoriés. Les plus anciens occupants connus furent les mystérieux Bafours, sédentaires dont on ignore tout. Puis la Mauritanie fut submergée par des vagues successives de conquérants blancs venus du nord, à la recherche de terres de parcours. Ce furent d’abord des cavaliers, le long de la route des chars, dont les inscriptions rupestres nous permettent de suivre la trace. L’introduction du chameau en Afrique du Nord, au iiie s. apr. J.-C., fit des Berbères Ṣanhādja les maîtres du Sahara occidental.

Les éleveurs nomades assuraient les échanges entre les deux rives du désert (or du Soudan contre sel et produits fabriqués d’Afrique du Nord). De riches cités caravanières se développèrent en bordure du désert : Sidjilmāsa au nord, Ghāna et Aoudaghost au sud. Le site probable de cette dernière est l’objet, depuis les années 1960, d’une campagne annuelle de fouilles.

L’islām apparut très tôt chez les Lamtūna (fraction des Ṣanhādja), d’où partit la conquête almoravide : les hommes du ribāṭ, lieu de prière fortifié. Les Almoravides détruisirent le royaume noir de Ghāna en 1076 et étendirent leur empire jusqu’à Cordoue et Grenade. Mais celui-ci ne survécut pas à ses fondateurs, et les tribus ṣanhādja de Mauritanie retournèrent à leur anarchie.

Vers 1400, les Arabes Hassanes, descendants des Ma‘qil qui envahirent l’Afrique du Nord au xie s., atteignirent le nord de la Mauritanie. La guerre dite « de Charr Babba » (1645-1674) fut un affrontement confus des tribus hassanes et ṣanhādja. La victoire des premières assura le triomphe de leur langue, le ḥasaniyya, un arabe relativement pur, sur les parlers berbères. De là date également la répartition des tribus mauritaniennes en tribus guerrières, généralement hassanes, ayant seules le droit de porter les armes et percevant des redevances, en tribus maraboutiques, vouées à l’élude et à la prière, et en tribus vassales, ou zenagas. Par les liens des confréries religieuses, les marabouts mauritaniens étendirent leur influence bien au-delà des pays maures. À la fin du xviie s. et au début du xviiie, les plus puissantes des tribus guerrières s’organisèrent en émirats (Trarza, Brakna, Adrar, Hodh, Tagant), souvent affaiblis par des querelles de succession.

Les Maures commencèrent à fournir aux Européens la gomme, alors nécessaire à l’impression des toiles peintes. La possession exclusive du produit leur permettait d’imposer leurs conditions dans les escales du Sénégal et le comptoir de Portendick. Faidherbe* rejeta les Maures, plus ou moins suzerains des Noirs des environs de Saint-Louis, sur la rive droite du Sénégal.

La conquête de la Mauritanie, retardée par les conditions naturelles et des difficultés diplomatiques liées à la question marocaine, ne commença qu’en 1902. Elle se fit en trois étapes. La première fut de pénétration pacifique avec Xavier Coppolani (1866-1905). Fonctionnaire d’Algérie connu par une étude sur les Confréries religieuses musulmanes (1897), Coppolani fut envoyé à Saint-Louis créer un service des affaires maures. Il se heurta à l’hostilité du commerce local, mais sut gagner à ses vues le gouverneur général Roume. Il plaça le Trarza et le Brakna sous le protectorat français. Il reçut une aide précieuse de cheikh Sīdiyya, le marabout de Boutilimit qui mit son influence spirituelle au service de la cause française. Un territoire civil de la Mauritanie fut créé le 18 octobre 1904. Coppolani organisait une mission vers le Tagant et l’Adrar quand il fut assassiné à Tidjikdja, le 12 mai 1905.