Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Maurice (île) (suite)

À partir de 1721, la Compagnie des Indes se chargea de la colonisation de l’île : les débuts furent modestes et il fallut attendre le gouvernement (1735-1746) de François Mahé de La Bourdonnais (1699-1753) pour voir la colonisation, le peuplement et la mise en valeur faire des progrès décisifs. Malheureusement, aucun des successeurs de La Bourdonnais ne fut capable de poursuivre son œuvre, et les colons retournèrent à leurs habitudes d’apathie. Ce n’est qu’en 1767 que l’île de France, reprise en main par le gouvernement royal, retrouva un intendant de grande envergure en la personne de Pierre Poivre (1719-1786), qui sut donner une vive impulsion au commerce et à l’agriculture. En 1778, l’île comptait déjà 40 000 habitants (libres et esclaves), et Port Louis était devenu le point d’aboutissement de la « route des îles ». Le port servit également d’utile point d’appui pendant les hostilités franco-anglaises dans l’Inde (1778-1883).

L’époque de la Révolution et de l’Empire allait amener la fin de l’ère française dans l’histoire de Maurice. Après être entrée en rébellion ouverte contre le Directoire, qui avait envisagé l’abolition de l’esclavage et participé activement à la guerre de course contre les Anglais, l’île de France retrouva sous le Consulat un administrateur énergique : le général Decaen (1769-1832), qui dut toutefois transiger sur la question de l’esclavage.

À la suite des guerres napoléoniennes dans l’océan Indien, l’île subit un blocus anglais auquel Charles Decaen n’eut guère de moyens de résister : le 3 décembre 1810, après une brillante défense, il dut se résoudre à capituler ; l’île reprit son ancien nom de Maurice ; l’île de France avait vécu. Le traité de Paris de 1814 confirma la cession de l’île à la Grande-Bretagne, dont la période effective de domination (1810-1968) fut essentiellement caractérisée par trois facteurs : l’effacement des anciens colons d’origine française, l’essor spectaculaire de l’économie sucrière et l’immigration massive, après l’affranchissement des esclaves (1833), de travailleurs indiens (450 000 jusqu’en 1909), dont beaucoup firent souche dans l’île et dont les descendants, les « Indo-Mauriciens », représentent aujourd’hui les deux tiers de la population.

À partir du milieu du xixe s., l’île commença à souffrir d’une surpopulation qui, en dépit de quelques épidémies, n’allait plus cesser de grever son développement, en même temps que l’économie sucrière entrait dans une période de nette récession, conséquence de l’essor pris par la culture de la betterave en Europe.

Dès le début du xxe s., les heurts entre communautés et les affrontements entre les planteurs et la main-d’œuvre se multiplièrent en même temps qu’un sentiment national prenait corps.

À partir de 1948, une certaine autonomie fut accordée à l’île Maurice, et, le 12 mars 1968, l’île accéda à l’indépendance. Maurice demeure membre du Commonwealth, et la reine est toujours représentée par un gouverneur général. Sir Seewoosagur Ramgoolam, Premier ministre, s’efforce de maintenir l’équilibre entre les diverses communautés ethniques et de faire face à une situation économique assez préoccupante, principalement en raison de la croissance démographique de l’île. Mais le gouvernement doit compter avec une importante opposition de gauche. Membre de l’O. N. U. depuis le 24 avril 1968, Maurice est admise (22 janv. 1970) au sein de l’O. C. A. M.

J. M.


La littérature

V. francophones (littératures).

 A. Toussaint, Port Louis, deux siècles d’histoire, 1735-1935 (Port-Louis, 1937) ; Histoire de l’île Maurice (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1971) ; Histoire des îles Mascareignes (Berger-Levrault, 1972). / J. et J.-P. Durand, l’Île Maurice, quelle indépendance ? (Anthropos, 1975).

Mauristes

Congrégation française de bénédictins (xviie-xviiie s.), célèbre par l’érudition de ses religieux.



L’histoire de la congrégation

Témoignage de l’essor spirituel qui se manifeste à l’aube du xviie s., elle trouve son origine dans la réforme entreprise à l’abbaye de Saint-Vanne à Verdun, en 1600, par un bénédictin, dom Didier de La Cour. En 1604, le pape l’érigé en congrégation des saints Vanne et Hidulphe, qui regroupe en quelques années plus de quarante monastères dans le duché de Lorraine.

Des monastères de France voulant s’y agréger, on fonde pour eux, avec l’aide de bénédictins lorrains, une congrégation française, celle de Saint-Maur, en 1618. La maison mère se trouve à Paris au couvent des Blancs-Manteaux. Dom Grégoire Tarrisse (1575-1648), élu supérieur général en 1630, établit sa résidence l’année suivante à Saint-Germain-des-Prés. C’est lui qui donne à Saint-Maur ses constitutions.

L’esprit en demeura celui de saint Benoît (v. Bénédictins). Au plus fort de sa controverse avec Rancé, Mabillon, défendant Saint-Maur contre le radicalisme de la Trappe, n’en dénonce pas moins comme une « illusion » de tenir les monastères pour « des écoles et académies publiques où l’ont ferait profession d’enseigner les sciences humaines ». Seuls expliquent la vocation monastique « l’amour de la retraite et de la vertu, non des sciences, et le désir de suivre Jésus-Christ ». Les études elles-mêmes ne sont qu’un moyen de nourrir cette vocation aux meilleures sources de la révélation, de la tradition ecclésiastique et de l’histoire monastique. « Comment garder en effet, poursuit Mabillon, la retraite, la solitude et le silence sans le secours de l’étude ? » Sevrée de lectures, « l’oraison est sèche et languissante, la retraite et le silence insupportables ».

Reste que, d’abord pour éviter les abus de la « commende », qui livrait les abbayes et leurs biens comme autant de « bénéfices » aux serviteurs du roi, les constitutions de Saint-Maur font des prieurs de simples supérieurs temporaires (triennaux) soumis au chapitre général. Et cette centralisation ne sera pas un minime avantage pour coordonner les recherches et organiser un réseau de correspondants capable de collecter les documents partout.