Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

matière colorante

Substance qui a la propriété de communiquer à un produit la caractéristique d’être durablement coloré d’une façon telle que le colorant ne puisse être extrait par une simple opération physique.


On réserve le nom de couleurs aux pigments colorés et celui de colorants aux produits servant à la teinture des fibres animales ou végétales, ou à la coloration d’un grand nombre de substances, alors qu’à tort les termes de couleur et de colorant sont souvent confondus. Un produit coloré n’est pas forcément une matière colorante ; inversement, un colorant peut n’être pas coloré si, par un processus chimique, on développe sa coloration une fois qu’il a été fixé sur la substance à teindre.


Historique

Jusqu’à la découverte du premier colorant synthétique, la mauvéine, par sir William Perkin (1838-1907) en 1856, on utilisait pour la teinture des colorants naturels, soit du règne végétal — tels que le pastel et l’indigo pour les bleus, le santal et la garance pour les rouges, le rocou, la gaude et le quercitron pour les jaunes, le curcuma pour les orangés et les bruns —, soit du règne animal — tels que la pourpre du murex, le kermès, ou vermillon, la cochenille pour les écarlates, etc. Puis ce furent la découverte de la fuchsine par Emmanuel Charles Verguin (1814-1864) en 1859, la synthèse de l’alizarine par Carl Graebe (1841-1927) et Karl Liebermann (1842-1914) en 1868, la synthèse de l’indigo par Adolf von Baeyer (1835-1917) en 1880, les découvertes de la phénolphtaléine et de la fluorescéine par le même Baeyer en 1871, celles de l’éosine par Heinrich Caro (1834-1910) en 1873 et du vert malachite par Emil Fischer (1852-1919) en 1877, l’établissement de la formule de l’indigo par Baeyer en 1883, etc.

Aujourd’hui, la plupart des colorants sont des dérivés de produits chimiques et surtout de carbures. On est parvenu non seulement à reproduire la presque totalité des matières colorantes naturelles, mais à fabriquer près de 20 000 types de colorants de synthèse, dont 2 000 sont utilisés industriellement.


Théorie des matières colorantes

Un composé organique est coloré dans la mesure où il absorbe sélectivement certaines radiations du spectre visible ; sa couleur est complémentaire des radiations absorbées, l’absorption étant conditionnée par l’arrangement des atomes dans la molécule. Les connaissances récentes sur la structure des atomes permettent de donner de la coloration une explication dynamique où intervient la résonance. Selon ces conceptions, les molécules de colorant oscillent entre deux ou plusieurs structures électroniques, et la théorie moderne de la coloration donne la possibilité, tout au moins dans certaines familles de colorants, de prévoir de façon précise la couleur correspondant à une formule donnée. De toute manière, la nuance du colorant dépend de la complexité du squelette moléculaire et des substituants présents, certains ayant un effet bathochrome, alors que d’autres ont un effet hypsochrome, les premiers déplaçant l’absorption vers les grandes longueurs d’onde, et les seconds vers les petites.

Les premiers travaux sur la constitution des colorants ont été effectués en 1876 par l’Allemand Otto Nikolaus Witt (1853-1915). À la suite de la découverte de la réduction, en milieu alcalin, du nitrobenzène incolore en benzène-arobenzène coloré en rouge, on a attribué l’apparition de la couleur au groupement

Un tel groupement ainsi que d’autres ayant des propriétés analogues sont appelés chromophores, les molécules colorées étant dites chromogènes. Toutefois, ces substances colorées ne sont pas des colorants au sens de la définition. En revanche, si l’on copule par exemple du benzène-diazonium avec la méthylphénylènediamine, on obtient la chrysoïdine, dont le chlorhydrate est un colorant des fibres textiles :

Les deux groupements —NH2 de la diamine ont apporté des propriétés nouvelles, les produits obtenus ayant la propriété de fournir des sels solubles dans l’eau, en même temps qu’ils sont capables de se fixer sur les fibres textiles et que leur couleur se trouve approfondie. Les groupements tels que —NH2 sont dénommés auxochromes. Witt a attribué la qualité de chromophore aux groupes d’atomes comportant une double liaison :

On constata, par la suite, que la disposition des doubles liaisons dans un noyau aromatique suivant les modèles paraquinonique et orthoquinonique pouvait avoir une influence favorable sur l’apparition de la couleur. Les auxochromes proprement dits se réduisent à deux types :
— le groupe aminé : —NH2 et dérivés ;
— le groupe hydroxyle : —OH et dérivés.

On y rattache les groupes sulfonique —SO2H et carboxyle —COOH, qui n’ont qu’une influence faible sur la couleur des molécules, mais qui permettent leur solubilisation dans l’eau et leur transformation en sels ionisables, raison pour laquelle on les appelle ionogènes.


Classification des matières colorantes

On peut envisager la classification des colorants suivant leur constitution chimique, leur méthode d’application en teinture ou leurs emplois.


Classement suivant la constitution chimique

Il repose sur le rangement des colorants par famille chimique dérivant d’un même chromogène. Les principales classes chimiques sont les suivantes :
nitrosés, nitrés, azoïques, du diphénylméthane, du triphénylméthane,
phtaléines, xanthéniques, stilbéniques, cyanine et isocyanine,
phtalocyanine, pyrazoloniques, acridiniques, aziniques, oxaziniques,
thiaziniques, au soufre, thiazoliques, anthraquinoniques, indigoïdes.


Classement suivant la méthode d’application

• Les colorants de cuve, utilisés pour la teinture du coton et de la rayonne, sont des colorants insolubles dans l’eau, dérivés de quinonoïde, d’indigoïde et de thioindigoïde, que l’on réduit au moyen d’hydrosulfite en milieu alcalin pour former un leucodérivé soluble dans l’eau, qui présente de l’affinité pour les fibres cellulosiques et qui, par réoxydation, précipite sous forme de dérivé insoluble dans la fibre.