Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Maroc (suite)

À partir du xve s., le Maroc se referme sur lui-même. Il ne reçoit qu’indirectement les influences turques, puissantes en Tunisie et en Algérie par suite de l’occupation ottomane. Coupé de l’Orient, et ne pouvant plus interroger l’islām espagnol, qui a vécu, il se stérilise et donne vite des signes de décadence. L’afflux de Maures, chassés par les Rois Catholiques, renforce les traditions et accroît les goûts conservateurs. Les architectures n’en demeurent pas moins de qualité, avec des traits constants d’archaïsme. Sous les Sa‘diens, Marrakech retrouve son ancien rôle de foyer d’art : la mosquée Bāb Dukkāla (1557-58), la medersa d’ibn Yūsuf (1564-65), les tombeaux des princes sont de précieux témoins de l’activité des xvie et xviie s. Sous les ‘Alawītes, le centre de l’empire se transporte à Meknès. À côté du beau minaret de la Zaitūna (xviie s.), aux étages décorés de niches aveugles, d’énormes édifices en pisé, et qui ne sont plus guère que ruines, prouvent le goût du colossal et l’ambition des sultans. L’art palatial donne, au cours des derniers siècles, ses œuvres les plus valables. Innombrables sont alors à Rabat, à Meknès, à Marrakech, à Fès, à Salé et dans les campagnes les somptueux et immenses châteaux qui groupent, dans un vrai dédale, harem, salles d’apparat, jardins attractifs et places publiques. On reconnaît en eux, malgré le désordre du plan, l’héritage des vieux palais andalous, dont l’imitation fidèle se trouvait déjà dans des demeures plus anciennes, surtout à Fès (xiii-xive s). Dans l’Atlas, les casbahs opposent au charme un peu désuet de ces résidences leur allure imposante et farouche, leur style presque soudanais.

Si, dans les arts mineurs, le Maroc n’a que rarement pu rivaliser avec l’Orient musulman, il faut rendre justice au travail des menuisiers, déjà évoqué ; à celui des bronziers, auquel nous devons les belles portes des mosquées et des medersa (‘Aṭṭārīn de Fès, 1342) et de plus rares objets mobiliers (lustres). Les ateliers de textiles ont produit des tissus remarquables, parmi lesquels les lampas à fil d’or de Fès. Les céramiques, toujours prisées, sont, malgré leur franchise, trop souvent méjugées en comparaison de celles d’Espagne ou d’Iran. Enfin, les tapis de l’Atlas se signalent par leur originalité, due aux traditions berbères, tandis que ceux des villes subissent l’influence indirecte de la lointaine Anatolie.

J.-P. R.

 H. Terrasse, l’Art hispano-mauresque des origines au xiiie siècle (Van Oest, 1936). / G. Marçais, l’Architecture musulmane d’Occident (Arts et métiers graphiques, 1955). / M. Sijelmassi, la Peinture marocaine (Arthaud, 1972). / A. Sefrioui et X. Richer, Lumières du Maroc (Delroisse, 1975).

maronite (Église)

Église catholique, de tradition syriaque, issue de l’ancien patriarcat d’Antioche.


Depuis le xie s., son principal foyer et son centre institutionnel (patriarcat maronite d’Antioche et de tout l’Orient) se sont établis dans la montagne libanaise. Le nombre de ses fidèles peut être estimé à 1 500 000, résidant pour moitié au Liban et pour moitié répartis à travers le monde, notamment au Brésil, en Argentine et aux États-Unis.


L’histoire

L’Église maronite tire son nom du monastère établi sur la tombe de l’ascète saint Maron († v. 410), dans la région d’Apamée (Syrie centrale). Cet important monastère devient au vie s. le principal foyer de la fidélité aux décisions du concile de Chalcédoine et de la lutte contre les monophysites. Une lettre au pape Hormisdas, en 517, fait état du massacre de 350 moines. Il semble que, durant la longue vacance du patriarcat orthodoxe (chalcédonien) d’Antioche (609-742), les chrétiens attachés à l’orthodoxie définie à Chalcédoine mais répugnant à l’adoption des usages byzantins (melkites) aient pris l’habitude de considérer comme leur chef légitime le supérieur du monastère de Saint-Maron. Par fidélité aux usages ancestraux, et sans doute aussi à la christologie définie dans des documents promulgués sous Héraclius (Ecthèse de 638) à la veille de l’invasion arabe mais condamnés par la suite (681) comme entachés de monothélisme, les maronites se constituent en patriarcat autonome au cours de la première moitié du viiie s. (témoignage de Denys de Tell-Mahré conservé dans la Chronique de Michel le Syrien, v. 1190).

Hormis quelques rares documents, les maronites n’émergent dans l’histoire qu’au temps des croisades. Ils sont alors regroupés en majorité dans les montagnes et les gorges profondes du nord du Liban (Qadīcha), à Chypre et dans les régions d’Alep et d’Antioche, entretenant de bons rapports avec les Francs. C’est alors qu’ils proclament leur communion dans la foi avec l’Église de Rome (v. 1180) et reconnaissent la juridiction suprême du pape. Leur patriarche Jérémie al-Amsiti († 1230) prendra part au 4e concile du Latran (1215), où ses droits sont officialisés, mais le titre de « patriarche d’Antioche » ne sera reconnu définitivement qu’à partir du pape Paul V (1608). En 1440, le patriarche Jean al-Jaji établit la résidence patriarcale au monastère de Qonnubin (Dayr Qannubīn) dans la gorge de la Qadīcha, au-dessous de Dimān, qui deviendra en 1900 la résidence estivale, le siège patriarcal ayant été transféré au xixe s. à Bkerké, à une quinzaine de kilomètres au nord de Beyrouth.

Les relations avec l’Occident se multiplient au cours du xvie s., notamment par l’intermédiaire des Franciscains, puis des Jésuites (légation de Giambattista Eliano et Tomaso Raggio, 1578-79) ; elles se renforcent encore avec la création du collège maronite de Rome (1584), qui formera désormais l’élite du clergé maronite jusqu’à la création du séminaire interrituel de Ghazīr (1845, transféré à Beyrouth en 1875 et devenu l’université Saint-Joseph). Un synode, dit « synode du Mont-Liban », tenu au monastère de Loyze (Lūwayze) sous la présidence de Giuseppe Simone Assemani, légat du Saint-Siège (30 sept. - 2 oct. 1736), donne enfin à l’Église maronite l’organisation qu’elle a gardée jusqu’à nos jours. Avec les Druzes, et en dépit des persécutions dont ils sont l’objet de la part de ces derniers entre 1840 et 1860, les maronites ont joué un rôle important dans la constitution d’une nation libanaise reconnue par les puissances en 1861. Depuis l’indépendance (1943), le président de la république du Liban a toujours été choisi parmi les maronites.