Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

marine (suite)

On lit, à travers ces chiffres, toute l’évolution d’une activité qui a cessé d’être dominée par les vieilles maisons nationales d’armement qui avaient ouvert le monde au commerce européen au xixe s. Le transport maritime voit s’affirmer la puissance de nouveaux acteurs : les États d’abord, dont l’intervention est lisible surtout dans la poussée spectaculaire de l’Europe de l’Est depuis une dizaine d’années ; les groupes internationaux, ceux du pétrole, ceux de la sidérurgie ou de l’exploitation minérale ou ceux de l’armement. Nous ne sommes plus à l’âge des vieilles aristocraties de la mer, installées dans des hôtels du xviiie s., le long des quais de l’Europe du Nord-Ouest. Le commerce maritime est de plus en plus façonné par une poignée de grands armateurs au style flamboyant qui commandent à leur flotte depuis quelque yacht ancré en Méditerranée tels Stavros Spiros Niarchos, Aristote Onassis pour ne citer que les plus connus. La société dans laquelle ils opèrent n’a pas de frontière. C’est sans doute dans le domaine des affaires de la mer que les structures capitalistes nationales ont perdu le plus d’influence depuis la fin de la guerre.

P. C.

 G. Alexandersson et G. Norstrom, World Shipping. An Economic Geography of Ports and Seaborne Trade (New York, 1964). / A. Vigarié, la Circulation maritime (Génin, 1968).

Marīnides

Dynastie marocaine.



Les origines des Marīnides

Les Marīnides (ou Mérinides), tribus berbères de la race des Zenāta, opposés aux Arabes hilāliens, sont d’abord au service des Almohades. Mais, au début du xiiie s., ils profitent de l’affaiblissement des Almohades pour se retourner contre eux et constituer une dynastie qui durera près de deux siècles.

Dès 1216, ils engagent une série de razzias qui leur assurent progressivement le contrôle de la plus grande partie du Maroc septentrional. Battus par les Almohades près de Fès en 1244, ils reviennent à la charge sous la direction de l’émir Abū Yaḥyā (1244-1258). Après avoir consolidé ses forces militaires et son autorité morale, celui-ci s’empare en 1248 des villes de Meknès, de Fès, de Taza, de Rabat et de Salé. Son successeur, Abū Yūsuf Ya‘qūb (1258-1286), exploite les dissensions internes des Almohades pour prendre leur capitale Marrakech (sept. 1269) et mettre un terme à leur dynastie.

Les Marīnides tentent alors de reconstituer sous leur égide l’Empire almohade, qui, à son apogée, englobait l’ensemble du Maghreb et l’Andalousie. Ils doivent pour cela imposer leur autorité aux musulmans d’Espagne et réduire les deux dynasties des ‘Abdalwādides et des Ḥafṣides — qui se sont constituées en 1235 et en 1230 respectivement dans le Maghreb central et en Ifrīqiya.


Les Marīnides et l’Espagne

Très vite, les Marīnides entreprennent des expéditions en Espagne. Présentée comme une guerre sainte, la lutte contre les chrétiens accroît le prestige de la dynastie. Ces considérations, ajoutées aux appels des Naṣrides de Grenade contre les menaces du roi de Castille, décident Abū Yūsuf Ya‘qūb à franchir le détroit de Gibraltar. Le sultan marīnide bat les chrétiens en 1275 et écarte pour un temps le danger qui pèse sur le royaume de Grenade. Mais sa volonté d’hégémonie envenime ses rapports avec les Naṣrides, qui, pour se protéger contre les Marīnides, s’entendent avec le roi de Castille Alphonse X*.

Cette entente avec les chrétiens ne résiste pas à l’esprit de la « Reconquista », qui anime alors les souverains de la Péninsule, et les Naṣrides ne tardent pas à appeler à leur secours les Marīnides. Ceux-ci franchissent de nouveau le détroit de Gibraltar et reprennent en 1333, sous la direction de ‘Abd al-Malik, l’un des fils du sultan Abū al-Ḥasan (1331-1349), Gibraltar, occupé par les Castillans depuis 1309. À la mort de ‘Abd al-Malik, Abū al-Ḥasan dirige lui-même une nouvelle expédition, qui succombe au río Salado en 1340 devant la coalition des forces de la Castille et du Portugal. À la suite de cette défaite, qui modifie nettement le rapport des forces en faveur des chrétiens, les Marīnides se replient sur le Maroc et abandonnent définitivement leurs ambitions sur l’Espagne.


Les Marīnides et le Maghreb central

Parallèlement à ces entreprises espagnoles, les Marīnides manifestent leur volonté d’hégémonie sur le Maghreb central et l’Ifrīqiya. Ils dirigent d’abord leurs attaques contre leurs voisins immédiats, les ‘Abdalwādides de Tlemcen, dont ils envahissent le royaume à plusieurs reprises. En 1299, Tlemcen est soumise à un blocus qui durera plus de huit ans. Cette ville n’est pourtant occupée qu’en 1337 sous Abū al-Ḥasan et reste sous la dépendance marīnide pendant le règne de son fils Abū ‘Inān (1349-1358).


Les Marīnides et l’Ifrīqiya

Après la chute de Tlemcen, les Marīnides se retournent contre les Ḥafṣides, avec lesquels ils semblent, jusque-là, entretenir des rapports assez cordiaux. Les sultans de Fès se présentent comme les protecteurs du royaume de Tunis contre les ‘Abdalwādides et prennent même souvent pour femmes des princesses ḥafṣides. Cela n’empêche pas Abū al-Ḥasan, pour établir son hégémonie sur tout le Maghreb, de conquérir Tunis et d’envahir l’Ifrīqiya en 1347. Mais, l’année suivante, son armée succombe à Kairouan devant la coalition des tribus arabes.


Le déclin et la chute des Marīnides

Cette défaite ternit le prestige des Marīnides, qui s’engagent alors dans la voie de la décadence. Repliés sur le Maghreb occidental, ils n’arrivent pas à s’imposer à l’ensemble de la population. Les tribus arabes sont de plus en plus turbulentes, les impôts rentrent mal, et les sultans perdent leur pouvoir au profit de leurs vizirs. Ceux-ci sont les représentants d’une véritable caste de hauts fonctionnaires qui finit par avoir la main sur tout le royaume, allant jusqu’à désigner les sultans eux-mêmes. Choisis parmi les mineurs ou les débiles, ces derniers sont soumis à une étroite tutelle. La moindre réserve peut entraîner leur renversement, voire leur assassinat. C’est ainsi que les sultans Abū Salīm (1359-1361) et Abū Ziyān (1361-1366) sont tour à tour assassinés en 1361 et en 1366.