Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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marine (suite)

En 1510, Afonso de Albuquerque*, pour le compte du Portugal, s’empare de Goa, et, en 1511, les Portugais gagnent les Moluques (Ternate). Présents à la fois au Cap, à Madagascar, au Siam, dans les Célèbes et au Japon, ils s’assurent le monopole du commerce des épices. Au même moment, pour le compte de l’Espagne, Magellan*, en 1520, contourne l’Amérique du Sud et atteint les Philippines (1521), tandis que Hernán Cortés* débarque au Mexique (1519), Francisco Pizarro au Pérou (1531) et que Diego de Almagro commence la conquête du Chili (1535). Il faut attendre plus de vingt ans pour que les nouveaux circuits commerciaux s’organisent. Mais l’arrivée à Lisbonne ou à Séville de l’or et des épices marque une date de l’histoire économique, à partir de laquelle l’axe principal du commerce se déplacera de la Méditerranée dans l’Atlantique au profit d’abord des marines ibériques.

Le xvie s. portera la marque de la suprématie navale espagnole voulue par Charles Quint. Mais elle déclinera rapidement sous Philippe II et sera consacrée par l’échec de l’expédition navale que l’Espagne envoie contre l’Angleterre en 1588. Sur les 130 navires de l’Invincible Armada, 65 sont détruits par les Anglais. Ce désastre marque la fin de la flotte espagnole, qui, de cette époque de grandeur, ne conservera que sa fière devise : Te regere imperio fluctus, Hispania memento.

Les progrès techniques au Moyen Âge

Vers la fin du Moyen Âge les progrès techniques se manifestent dans le domaine de la construction navale et de la navigation. Les arsenaux se développent, tel celui de Saint-Marc à Venise et, en France, celui du Clos de galées, créé par Philippe IV le Bel en 1294. Les coques sont désormais plus solides, car les couples et la membrure sont plus serrés. Le gréement progresse également grâce à l’emploi combiné de la voile carrée et de la voile latine. Au xiiie s., le gouvernail est désormais axial (gouvernail d’étambot), ce qui assure au navire de bonnes qualités évolutives.

En ce qui concerne la navigation, l’emploi de la boussole se généralise, ainsi que celui des portulans. Ces derniers, réalisés en projection plate par les navigateurs génois et vénitiens des xiiie et xive s., sont de véritables cartes marines où les côtes sont dessinées avec une approximation suffisante pour la navigation courante. Depuis la publication, en 1252, des tables Alphonsines, la navigation astronomique est devenue possible avec l’arbalète, le bâton de Jacob et l’astrolabe, qui permettent de prendre des hauteurs d’astres au moins au degré près.

Tous ces perfectionnements scientifiques et techniques annoncent l’abandon prochain des routes côtières ; ils permettront les voyages et les découvertes dans l’Atlantique, dont Christophe Colomb sera le pionnier.

Caraques et galions

La caraque désigna d’abord un bâtiment en usage à Venise au xive s. sur lequel on ne possède que des renseignements fragmentaires et contradictoires. Elle évolua ensuite vers un type de navire grand, très haut sur l’eau et gros porteur, dont l’apogée se situe au xviie s., où l’on trouve des caraques de 2 000 tonneaux et plus. Ces navires ont servi au commerce des Antilles espagnoles et des Indes portugaises. Finalement, le terme de caraque est devenu un nom générique pour qualifier les bâtiments capables de transporter un fret très important à travers les océans.

Quant au galion, c’est essentiellement un navire de haut bord, bien qu’on ait d’abord appelé de ce nom les petits bâtiments à voiles et à rames qui escortaient les escadres. À la fin du xvie s., le galion était un navire plus fin et plus rapide que la nef, possédant en général deux ponts. À partir du galion de Venise, perdu en 1569 dans le port de Malamocco, le mot désigne jusqu’au xviie s. le bâtiment de guerre par excellence : ce sont les galions qui apportent en Espagne l’or du Mexique et d’Amérique du Sud.


L’ère des grandes rivalités maritimes

Durant cette période où se constituent en Europe les nations modernes, le facteur naval s’affirme comme un élément primordial de leur puissance et de leur politique. Aussi assiste-t-on à une véritable compétition entre elles pour posséder par la supériorité navale la maîtrise de la mer, gage de leur expansion commerciale. Cette lutte se passe au moment où, pour la première fois dans l’histoire, les flottes de guerre se différencient nettement des autres marines et s’affrontent désormais en de véritables batailles d’escadres. Elle aboutit au milieu du xviiie s. à l’établissement d’une hégémonie incontestée de la marine britannique, que la Grande-Bretagne réussira à maintenir jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale.


La grande époque de la marine hollandaise

Les origines de la marine hollandaise se confondent avec celles d’un pays dont la vie dépend étroitement de la mer, tant par ses pêcheries que par son commerce.

Unis à l’Espagne, les Pays-Bas connaissent au xvie s. une très grande prospérité ; leur marine assure alors la plus grande partie du trafic des ports anglais, et Anvers, centre de redistribution des produits d’outre-mer importés par les Espagnols, est l’un des ports les plus actifs du monde. Aussi, quand éclate en 1568 et en 1572 le soulèvement des Pays-Bas contre la métropole espagnole, ce sont les Gueux de la mer des provinces protestantes du Nord qui mènent le combat et affirment leur indépendance (1579). Pour les nouvelles Provinces-Unies, les intérêts commerciaux et maritimes occupent la première place ; à la fin du siècle, Anvers est nettement supplanté par Amsterdam. Une foule d’émigrés venus d’Espagne se réfugie dans les Provinces-Unies et enseignent aux marins hollandais le chemin des colonies espagnoles et portugaises. Entre 1580 et 1650 s’affirme la suprématie de la marine commerciale hollandaise : avec plus de 10 000 navires et près de 160 000 marins, celle-ci assure alors les quatre cinquièmes du trafic mondial. En 1602 est créée la Compagnie des Indes orientales (Oost-Indische Compagnie), qui domine un vaste empire marchand dans l’Asie du Sud-Est, et en 1621 celle des Indes Occidentales (West-Indische Compagnie), qui vise à accaparer le commerce américain. Cette prodigieuse expansion, d’où naîtra l’empire* colonial néerlandais, suscite bien des rivalités. Pour protéger leur commerce, les Hollandais arment une flotte de guerre qui est conduite au combat par des amiraux de grande classe, tels que Piet Heyn (ou Hein) [1577-1629], Maarten Tromp (1598-1653) et surtout Michiel de Ruyter (1607-1676). Après avoir éliminé toute menace du côté de l’Espagne, dont Tromp détruit la flotte à la bataille des Dunes (1639), les Hollandais devront affronter avec l’Angleterre et la France des adversaires autrement redoutables.