Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

marine (suite)

• Les convois annuels, ou mudes, quittaient Venise à date fixe pour redistribuer en Europe occidentale les marchandises venant d’Orient et du Levant. Au début de l’année, un ou deux bâtiments se rendaient à Aigues-Mortes et de là en Catalogne. Au mois d’avril, quatre galères partaient pour les Flandres et l’Angleterre. En juillet, un convoi de six à huit galères partait de Venise pour le Levant. Dans la suite, ce furent des navires de 300 à 500 tonneaux qui prirent la relève des galères. Les retours avaient lieu à la mi-décembre, date de la grande foire de Venise.


Les marines nordiques : les Vikings et la Hanse

Connus à l’est sous le nom de Varègues, à l’ouest sous celui de Normands*, les Vikings scandinaves entreprennent à partir du ixe s. des incursions dans la zone de la mer du Nord et de la Manche. Remarquables navigateurs, disposant pour leurs drakkars d’excellents abris dans les fjords norvégiens, ils étendent leurs expéditions jusqu’à l’Espagne (Séville, 844), remontent les fleuves pour piller et ramener du butin. Tel est le cas de Rollon, qui se fait ainsi concéder en 911 l’actuelle Normandie sur les bords de la Seine, d’où ses descendants s’élancent à la conquête de l’Angleterre (1066), s’installent en Sicile (1091), puis à Antioche (1098) et prennent contact avec les marines arabe et italienne. D’autres, partis d’Islande, atteignent à la fin du xe s. le Groenland (Erik le Rouge en 982), puis probablement les côtes du Labrador. À l’est, aux ixe et xe s., les Varègues, partis du golfe de Finlande, descendent les fleuves jusqu’à la mer Noire et rencontrent le monde byzantin.


La Hanse*

Plus tard, la protection du trafic maritime dans la Baltique et la mer du Nord conduit un certain nombre de cités à s’associer pour se garantir contre les pillards de la mer. En 1241 naît la première union entre Lübeck et Hambourg, dont les voiliers contournent la presqu’île du Jylland. Bientôt, la Hanse se transforme sous la direction de Lübeck en une confédération de villes maritimes, qui s’assure le monopole du commerce entre la Baltique et la mer du Nord, reconnu par le Danemark à la paix de Stralsund (1370). Durant tout le xve s., c’est la Hanse qui commercialise les exportations de la Russie et de l’Europe centrale et baltique, tandis que ses comptoirs permanents de Londres, de Bruges et de Bergen ouvrent son commerce sur l’Atlantique et la Méditerranée. Mais ce monopole sera de plus en plus difficilement accepté par les États occidentaux, et la Hanse déclinera au xvie s. devant la montée de la puissance maritime hollandaise.

Les hourques

Au xve s., les hourques sont des navires de charge utilisés notamment par la Hanse dans les Flandres et en Allemagne. Leur taille sera toujours inférieure à celle des nefs et des galions. Elles ont deux ponts et portent six voiles carrées et une voile latine. Les bertins, contemporains des hourques, sont sensiblement de même tonnage. Ils sont solides et bons marins, faits pour affronter les mers du Nord et l’Océan.


La guerre de Cent Ans et la rivalité franco-anglaise

Acquise par Philippe II Auguste en 1204, la Normandie donne à la monarchie capétienne son premier accès à la mer, mais il faut attendre 1294 pour que la France se dote d’une marine avec la création, par Philippe IV le Bel, de l’arsenal du Clos de galées, à Rouen. Cette première marine n’est pas conservée par ses successeurs ; au contraire, quand s’ouvre la guerre de Cent Ans* (1337), la flotte anglaise, organisée par Édouard III, est déjà une marine nationale. Aussi, lorsqu’en 1340 les Flamands révoltés appellent Édouard III à leur secours, ce dernier inflige à la bataille de L’Écluse (Sluis) un désastre à la flotte française, dont 166 vaisseaux sur 200 sont perdus. Libérés de toute menace d’invasion, les Anglais peuvent débarquer à leur guise sur le continent et dominer la France.

Après un remarquable redressement sous Charles V, dont la flotte aux ordres de Jean de Vienne, promu amiral en 1373, réduit les Anglais à la défensive, la marine française est de nouveau négligée. La conséquence en est lourde : en 1415, les Anglais d’Henri V s’emparent de Harfleur (22 sept.), débarquent en Normandie et, marchant sur Calais, anéantissent la chevalerie française à Azincourt (25 oct.). Estimant alors ne plus avoir besoin de marine, les Anglais commettent la grosse faute de la vendre, ce qui, à terme, sauvera le roi de France. Comment ne pas noter que, dans cette longue guerre, les succès terrestres sont le plus souvent le prolongement de victoires navales demeurées pour beaucoup dans l’oubli ?


Les marines des grandes découvertes : Portugal et Espagne

En 1453, la mainmise des Turcs sur Constantinople rend l’islām maître des Échelles du Levant, où aboutit tout le trafic d’épices, de métaux précieux venant d’Inde et d’Extrême-Orient. Éliminées ainsi de la Méditerranée orientale, qui avait été pendant de longs siècles le centre du commerce mondial, les marines de l’Occident doivent chercher de nouvelles voies pour atteindre l’Inde et les épices.

Profitant de nombreux progrès techniques de la construction et de la navigation, des marins portugais et espagnols vont, au xve s., se lancer à l’assaut des océans. (V. Amérique latine.)

La recherche portugaise, inspirée par Henri* le Navigateur, est méthodique : elle vise à découvrir l’Inde au-delà de l’Afrique. En 1445, les Portugais dépassent le cap Vert ; en 1487, Bartolomeu Dias double le « cap des Tempêtes » (cap de Bonne-Espérance), et, en 1498, Vasco de Gama* atteint la côte indienne à Calicut.

Les marins au service de l’Espagne, en cherchant l’Inde au-delà de l’Atlantique, vont créer un immense empire. Dès 1492, Christophe Colomb* part de Palos de Moguer avec trois caravelles et vogue vers les Canaries avant de piquer vers le large ; ainsi aborde-t-il la frange orientale des Antilles, dont il prend possession au nom de l’Espagne, puis revient rendre compte à ses souverains.

C’est alors que ceux-ci obtiennent du pape Alexandre VI, par le traité de Tordesillas en 1494, le partage des mers en deux zones : à 370 lieues à l’ouest des îles du Cap-Vert s’étend le domaine espagnol, et à l’est le domaine portugais.