Marie-Madeleine (sainte) (suite)
Les origines de son culte en Occident sont mal connues ; on n’en trouve aucune trace durant le haut Moyen Âge. Au xe s., on voyait dans la Madeleine une pécheresse repentie. Au xie s., l’abbaye de Vézelay, fondée jadis par Girard de Roussillon, avait été réformée par les moines de Cluny ; dès 1050, sainte Marie-Madeleine était la patronne de l’abbaye, et l’on a des témoignages de la présence de ses reliques à Vézelay dès cette époque. Le pèlerinage qui se développa alors procura à l’abbaye une grande richesse. Pour défendre leurs prérogatives et leurs revenus face aux prétentions des pouvoirs ecclésiastiques et surtout de l’évêque d’Autun, les moines de Vézelay inventèrent l’histoire des reliques de la Madeleine, gage de leur prospérité et fondement moral de leur indépendance.
On distingue quatre versions successives de cette histoire. Pour résumer, sachons seulement que Girard de Roussillon, le fondateur du monastère, ayant appris que le corps de Marie-Madeleine était enterré près d’Aix, aidé par l’abbé de Cluny saint Odon, envoya le moine Badilon chercher les reliques en Provence. C’est grâce aux innombrables pèlerins de la Madeleine que l’abbaye de Vézelay fut rebâtie au xiie s. dans l’état magnifique où elle est demeurée jusqu’à nos jours.
Les papes Étienne IX (1057-58) et Pascal II (1099-1118) accordèrent des privilèges à la basilique et soutinrent les moines contre les évêques d’Autun. Saint Bernard* y prêcha en 1146 la deuxième croisade. En 1267, Saint Louis* s’y rendit en pèlerinage. Mais, dès le xive s., Vézelay fut éclipsée au profit des pèlerinages provençaux.
En effet, selon la légende accréditée par les moines, la Madeleine avait débarqué et vécu en Provence avant d’y être enterrée. Aussi, les Provençaux, à leur tour, vénérèrent plusieurs lieux sanctifiés par la sainte. On distingue trois pèlerinages provençaux en son honneur. Au début du xiiie s., on localisa à la Sainte-Baume la grotte où Marie-Madeleine aurait mené sa vie de pénitence. Joinville rapporte qu’en 1254 Saint Louis, en passant à Aix-en-Provence, s’y rendit en pèlerinage.
Le pèlerinage de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, où le corps de la Madeleine aurait été enterré, est encore plus célèbre et, à partir du xive s., il surpassa Vézelay. Ce sanctuaire reçut la visite des papes d’Avignon, et, en 1332, année faste, on put y voir cinq rois en même temps : Philippe VI de France, Alphonse IV d’Aragon, Hugues IV de Chypre, Robert Ier de Sicile et le roi de Bohême Jean de Luxembourg.
Le dernier est celui des Saintes-Marie-de-la-Mer, en Camargue. Ce n’était, au xiie s., qu’un sanctuaire dédié à sainte Marie de la Mer, mais, au xive s., on voulut y voir l’endroit où Marie-Madeleine et deux autres Marie, Marie Jacobé et Marie Salomé, auraient accosté en Provence. On crut que les corps de Marie Jacobé et de Marie Salomé y étaient enterrés avec celui de leur servante, Sara. C’est pour vénérer le tombeau de cette dernière que, chaque année, les Bohémiens y viennent en pèlerinage.
Sainte Marie-Madeleine est la patronne des parfumeurs, des gantiers, des mégissiers, des gainiers et, bien sûr, des filles repenties. Sa fête, qui se célèbre le 22 juillet, ne fut acceptée dans la liturgie romaine qu’au xiiie s.
P. P. et P. R.
R. L. Bruckberger, Marie-Madeleine (la Jeune Parque, 1952). / V. Saxer, le Culte de Marie-Madeleine en Occident, des origines à la fin du Moyen Âge (Clavreuil, 1959 ; 2 vol.).