Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Marie-Antoinette (suite)

Au milieu de courtisans gagnés par ses beaux-frères ou par son cousin, le duc d’Orléans (Louis Philippe Joseph), et qui colportent sur elle les plus infâmes ragots, elle sait ne devoir compter que sur elle-même. Elle a pris la mesure de Louis XVI. Elle le connaît bon et tendre ; elle ne se dissimule pas son incapacité politique. Au soir des journées d’Octobre, elle le dépeint d’un trait à un de ses correspondants : « J’ai vu la mort de près. On s’y fait monsieur le comte [...]. Le roi a une grâce d’état ; il se porte aussi bien que si rien n’était arrivé. »

Elle sera donc, pour reprendre le mot de Mirabeau, « le seul homme de la famille ». Un homme d’État ?


L’Autrichienne ou l’aristocrate réformatrice ?

La crise du printemps et de l’automne 1789 l’a instruite. Marie-Antoinette se révèle une femme d’action, « un caractère ». Elle n’est pas d’un bout à l’autre l’ennemi acharné de la Révolution. Elle comprend la nécessité de quelques réformes pour que le tiers ne bascule pas tout entier dans le camp des ennemis de la monarchie. Elle a admis et conseillé le doublement du tiers aux États généraux. Elle est l’inspiratrice du discours royal du 23 juin, qui sera le bréviaire des royalistes réformateurs. Ceux-ci rediront longtemps « la sagesse » d’une liberté mesurée offerte ce jour-là par le roi à son peuple. Marie-Antoinette ne comprendra pas que cette tentative est venue trop tard.

Elle est aristocrate ; sa situation la rend aveugle à l’immense aspiration du peuple à la dignité humaine. Elle ne connaît ni le paysan, que met en branle l’injustice des droits seigneuriaux, ni l’artisan des villes, qui souffre de la faim et veut l’égalité des jouissances. Pour elle, la Révolution est l’affaire de quelques chefs de factions qui, achetés à prix d’or, peuvent calmer les masses populaires que, la veille encore, ils agitaient. Avant d’être la victime de l’an II, Marie-Antoinette l’est d’abord des illusions de son ordre et de sa classe.

Aveugle, elle l’est plus encore qu’aucun autre aristocrate français. Elle est autrichienne. Elle a voulu, elle n’a pas su ou pu devenir française. D’un ministre possible, elle dira : « C’est une tête à l’envers, un vrai Français [...]. » Dans une lettre confidentielle, elle se réjouira même de ne pas être française (M. Reinhard).

Les Français lui lancent à la tête son origine comme une injure. C’est qu’au milieu de l’Europe hostile des rois Marie-Antoinette est l’image vivante, pour les révolutionnaires, de la trahison des aristocrates. Et, de fait, il y a très tôt collusion entre elle, sa famille et les princes sur le point de se coaliser pour abattre une France révolutionnaire subversive de tout l’ordre social existant en Europe. Mais jusqu’à la fuite à Varennes (juin 1791), dont elle est l’instigatrice, l’alliance n’est pas sans réserve. La reine a découvert que le jeu des puissances étrangères, comme celui des émigrés, n’est pas sans arrière-pensée et qu’il peut s’exercer contre le roi et ses enfants.

Elle ne se décide à aller plus loin qu’après Varennes. Désormais, elle ne voit sa sauvegarde que dans le coup de force étranger. Aussi, quand éclate la guerre de 1792, fournit-elle des plans qui doivent faciliter la pénétration étrangère. De même que le roi, elle n’est pas au-dessus de la mêlée ; elle défend avec sa famille la société à laquelle elle appartient, c’est-à-dire l’Ancien Régime, fondé sur le privilège.

Il reste l’éminente dignité de la femme devant le Tribunal révolutionnaire, puis devant le bourreau. Mais, au moment où Marie-Antoinette est exécutée (16 oct. 1793), il y a tout un peuple qui souffre et se sacrifie pour défendre la liberté contre ceux que la reine a appelés de ses vœux.

J.-P. B.

➙ Louis XVI / Révolution française.

 S. Zweig, Marie-Antoinette (Grasset, 1933). / J. Mazé, Louis XVI et Marie-Antoinette (Hachette, 1949-1951 ; 2 vol.). / F. Valmont, Marie-Antoinette, la reine frivole, la reine tragique (Gallimard, 1958). / S. Flaissier, Marie-Antoinette en accusation (Julliard, 1967). / G. Hupin, Marie-Antoinette, victime de la subversion (Nouv. Éd. latines, 1972).

Marie-Madeleine (sainte)

Pénitente (ier s.).


Les hagiographes et les exégètes contemporains ont éclairci un des points les plus obscurs de l’histoire du culte des saints, celui de sainte Marie-Madeleine.

Il y a d’abord la confusion très ancienne de trois personnages de l’Évangile, qui sont cependant bien distincts dans les textes scripturaires et dont la tradition chrétienne a fait une seule personne, Marie-Madeleine, pécheresse repentie. En réalité il s’agit d’une sainte femme de la suite de Jésus, Marie de Magdala (une ville située sur la rive du lac de Tibériade), dont on a fait Marie-Madeleine et dont rien ne laisse supposer qu’elle eut des mœurs relâchées. On la voit assister à la mise au tombeau du Christ, et c’est à elle que Jésus apparaît après sa mort sous l’aspect d’un jardinier.

Le second personnage est une pécheresse : saint Luc, sans nous donner son nom, rapporte qu’au cours du repas que fit Jésus chez Simon le Pharisien celle-ci, « se plaçant alors tout en pleurs à ses pieds, se mit à les lui arroser de ses larmes puis à les essuyer avec ses cheveux, les couvrant de baisers, les oignant de parfum ». Jésus loua son action et lui remit ses péchés.

La troisième femme, enfin, est Marie de Béthanie, la sœur de Marthe et de Lazare ; le seul trait commun avec la précédente réside en ce qu’elle parfuma le Seigneur la veille des Rameaux, mais c’était là une coutume juive très répandue et nullement originale. Très tôt, les Pères de l’Église et la liturgie de la messe de sainte Marie-Madeleine ont confondu les trois femmes en une seule. C’est le pape saint Grégoire* le Grand qui commit cette erreur et qui imposa cette tradition à tout l’Occident. Saint Thomas d’Aquin, toutefois, distingua bien les différentes personnes, mais les prédicateurs, adeptes de l’unité, répandirent leur croyance, qui triompha facilement de la croyance opposée, qui n’était partagée que par quelques moines érudits.

En Orient, la Madeleine jouit très tôt d’un véritable culte, les Byzantins croyant que son tombeau se trouvait à Éphèse ; c’était le but d’un pèlerinage très fréquenté ; plus tard, en 887, l’empereur Léon VI le Philosophe fit venir ses reliques à Constantinople dans un monastère qu’il avait fondé.