Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

mariage (suite)

• Les régimes séparatistes se caractérisent par l’absence de masse commune. Le type en est la séparation de biens : chaque époux garde la propriété, l’administration et la jouissance de ses biens, soit antérieurs au mariage, soit acquis postérieurement. Chaque conjoint assume dans les charges du mariage une part proportionnelle à ses ressources. Ce régime peut se trouver applicable de deux manières : soit que les époux aient choisi dès leur contrat de mariage d’être mariés sous ce régime : c’est la séparation de biens conventionnelle ; soit que l’un des époux ait démontré devant le tribunal que le maintien de la communauté met ses intérêts en péril, à cause du désordre des affaires de l’autre, de son inconduite ou de sa mauvaise administration. C’est la séparation de biens judiciaire.

• Les régimes communautaires et les régimes séparatistes peuvent être combinés. Ainsi, la séparation de biens peut comporter l’adjonction d’une société d’acquêts, ce qui atténue le caractère séparatiste du régime. La loi de 1965 réglemente le régime de la participation aux acquêts, qui fonctionne pendant toute la durée du mariage comme une séparation de biens, chaque époux devant être à la dissolution associé aux acquêts réalisés par l’autre, et le même droit appartenant à ses héritiers.


Le statut matrimonial de base ou régime matrimonial primaire

Au régime matrimonial, qui a été choisi par les époux ou qui leur est imposé en cas de carence de leur part, viennent se superposer un certain nombre de règles impératives que la loi impose aux époux quel que soit leur régime matrimonial et auxquelles on donne le nom de régime matrimonial primaire.

• La loi a reconnu à tous les époux des pouvoirs individuels de gestion : chacun des époux à pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage et l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement ; chacun d’eux peut ouvrir un compte de dépôt ou de titres.

• Elle exige pour certains actes l’intervention des deux époux : achats à tempérament, actes de disposition concernant le logement de la famille et les meubles meublants.

• Le juge peut interdire certains actes contraires à l’intérêt de la famille ou ordonner toutes mesures conformes à cet intérêt.

• Chacun des époux peut percevoir ses gains et salaires (chez la femme, on les appelle biens réservés) et les gérer librement après s’être acquitté de sa contribution aux charges du ménage.

A. V. et M. C.

➙ Enfant / Famille / Femme / Filiation / Nuptialité et divorcialité.

 R. Savatier, la Communauté conjugale nouvelle en droit français (Dalloz, 1970). / M. Delmas-Marty, le Mariage et le divorce (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1972). / G. Cornu, les Régimes matrimoniaux (P. U. F., 1974).


La sociologie du mariage

Peu d’institutions paraissent aussi naturelles que le mariage. Sa signification semble relever de l’évidence, et l’on imagine volontiers que ses principales caractéristiques se retrouvent, à des nuances près, identiques dans toutes les sociétés.


Généralités

Un des mérites de l’ethnologie est d’avoir dénoncé cette illusion. Contrairement à ce que suggère le sens commun, la forme de nuptialité que nous pratiquons n’est pas une variante d’un archétype unique. Nous avons désormais reconnu des modèles matrimoniaux qui s’écartent considérablement du nôtre et sur des points que nous considérons comme essentiels. Force nous est d’admettre que notre type de mariage est un système particulier parmi des centaines d’autres.

Un autre apport de l’ethnologie a été de souligner le fondement avant tout social du mariage. « La multiplicité des systèmes matrimoniaux, la rigueur et l’irrationalité apparente des interdits, tout devient clair, dit Claude Lévi-Strauss*, à partir du moment où l’on pense qu’il faut que la société soit. » Les règles du mariage sont des règles d’échanges qui font partie de la grande « fonction de communication » qu’est la société.

Les caractéristiques d’un système matrimonial dans une société donnée sont donc étroitement liées à la structure globale de cette société et, d’une certaine manière, l’expriment. D’où la singularité de chaque modèle de nuptialité. Il faut pourtant bien tenter de définir le mariage ou, du moins, de le distinguer des autres formes d’union. Les ethnologues reconnaissent généralement quatre fonctions qu’ils considèrent comme nécessaires et suffisantes, lorsqu’elles se trouvent réunies, pour qu’il y ait véritablement mariage : l’existence de relations sexuelles régulières ; la procréation ; la coopération économique et enfin l’« élevage » et l’éducation des enfants.

Définir, par rapport à ce dénominateur commun, notre propre modèle matrimonial comporte une part d’arbitraire. C’est que, en réalité, notre système est la résultante d’apports successifs et, en principe, peu conciliables. La tradition germanique en est probablement le substrat. Le mariage y était avant tout l’alliance de deux familles, alliance décidée en fonction d’une stratégie familiale dont les parents étaient les seuls juges. Le droit romain, dont l’influence ne s’est fait sentir que progressivement, a introduit l’idée de libre consentement des conjoints. Dans l’une et l’autre de ces deux sociétés, le mari avait autorité sur sa femme. L’Église catholique devait confirmer cette prééminence de l’homme, mais son apport principal fut la règle de l’indissolubilité, règle très tôt proclamée, mais qui ne passa que lentement dans les mœurs. Vers la fin du Moyen Âge, le mariage se présentait en France comme une institution destinée, sous l’autorité de l’époux, à la « reproduction » dans tous les sens du terme, c’est-à-dire à la procréation et à la transmission d’un patrimoine matériel et culturel. L’apparition de l’« amour courtois » au xiie s. ne devait avoir, dans l’immédiat, que peu d’incidences sur l’institution matrimoniale. Relation affective intense, lien de fidélité absolue et vécu dans légalité, l’amour courtois restait, en principe au moins, spirituel et de toute façon excluait le mariage. On ne pouvait épouser Iseut.