Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Mannheim-Ludwigshafen (suite)

La ville compte 330 000 habitants. Sur une population active de 210 000 personnes, l’industrie en emploie 90 000. La construction de véhicules et de machines arrive en tête avec 35 p. 100 des effectifs ; l’industrie électrotechnique suit avec 19 p. 100. Malgré la proximité de Ludwigshafen, la chimie emploie encore 10 100 travailleurs. Le secteur tertiaire repose en partie sur l’industrie. Mannheim est le centre commercial pour une population de 1,5 million d’habitants. Le trafic du port s’élève à 9,7 Mt.

Les activités culturelles contribuent à donner de la ville une bonne image de marque. Mannheim possède le premier théâtre municipal créé en Allemagne : l’actuel Nationaltheater, construit en 1778 et géré par la ville à partir de 1839. L’orchestre continue une tradition vieille de trois cents ans. Bibliothèques, musées et expositions attirent un public régional et international. La Wirtschaftshochschule (École supérieure d’économie) a été transformée en université malgré la proximité d’Heidelberg. Le dynamisme urbain, enfin, se traduit par la construction du nouveau quartier de Vogelstang, destiné à abriter 20 000 habitants.


Ludwigshafen

Au début du xixe s., on ne trouvait qu’un fortin à l’emplacement de la ville actuelle (sur la rive gauche du Rhin, dans l’actuelle Rhénanie-Palatinat). En 1820, un commerçant y acheta, pour établir un entrepôt, 2 ha de terrain. Par la suite d’autres commerçants se fixèrent sur les terres sises à l’ouest du Rhin et qui appartenaient au roi de Bavière, pour y faire le trafic des tabacs américains ainsi que des vins du Rhin. Ces commerçants obtinrent des communes sur lesquelles étaient installés leurs entrepôts le droit de créer une commune autonome. Ludwigshafen, en l’honneur du roi de Bavière et du port rhénan naissant, fut ainsi créée en 1843, puis érigée au rang de ville en 1859. La navigation moderne sur le Rhin devait, cependant, être la cause décisive de l’essor de la ville.

Le destin de la commune changea avec le refus de la municipalité de Mannheim d’accorder un terrain près de Friesenheim au commerçant et industriel F. Engelhorn ainsi qu’à son associé le chimiste A. Clemm. Dix jours après, la commune de Ludwigshafen vendit à ces derniers 13 ha de terrain, où s’établit la « Anilin-fabrik », d’où devait sortir la Badische Anilin- und Soda-Fabrik » (BASF). D’autres entreprises vinrent s’installer à Ludwigshafen, mais c’est la BASF, avec ses 48 000 salariés (le groupe en compte 90 000), qui domine. L’usine est un monde à part. Elle est reliée par pipe-line aux raffineries de Mannheim. Le port joua un rôle déterminant. Le charbon de la Ruhr, où la BASF possédait la mine Concordia, fut à la base de l’industrie chimique. Mais, depuis 1963, la BASF s’oriente vers l’utilisation des dérivés du pétrole. Elle exprime une puissance considérable. Grâce à elle, Ludwigshafen est la première ville industrielle de Rhénanie-Palatinat. L’industrie occupe 63 p. 100 des actifs.

La ville a pu passer pendant longtemps pour un satellite de Mannheim. Ce n’est plus vrai. Un important effort de restructuration a été entrepris. La ville s’est créé un centre (à proximité de la gare, où le trafic se dirige sur quatre niveaux vers la city), qui a été rendu attractif grâce à la construction d’une « maison » de la culture (Neuer Pfalzbau), d’une bibliothèque, d’un théâtre. Dans le nord-ouest de la ville, la Friedrich-Ebert-Halle sert aux congrès, aux réunions de masse ainsi qu’aux expositions. La périphérie voit l’extension des cités-jardins. L’évolution récente a permis à la ville (176 000 hab.) d’augmenter son degré d’autonomie face à Mannheim.

F. R.

➙ Bade-Wurtemberg / Chimiques (industries) / Rhénanie-Palatinat.


L’école musicale de Mannheim

Mannheim a joué un rôle important dans l’histoire de la musique du xviiie s. en raison de l’orchestre du duc Charles-Théodore et des musiciens qui travaillèrent pour lui ; ce sont eux que l’on désigne couramment sous le nom d’école de Mannheim.

L’ensemble musical créé par l’Électeur Charles-Philippe (1716-1742) connut un grand développement sous le règne de son fils Charles-Théodore, qui résida à Mannheim de 1743 à 1778 ; dès son accession aux affaires, celui-ci engagea le maître tchèque Jan Václav Stamic (germanisé en Johann Stamitz). Les témoins de l’époque parlent du nouvel orchestre en termes dithyrambiques ; Charles Burney (1726-1814) évoque une « armée de généraux » dont chaque membre est aussi qualifié pour concevoir le plan de la bataille que pour se battre lui-même. Christian Friedrich Daniel Schubart (1739-1791) dit que ses forte sont des coups de tonnerre et ses pianissimi comme la légèreté de la brise printanière, mais souligne surtout la nouveauté et la puissance de son crescendo.

Il nous est difficile, aujourd’hui, de déterminer si c’est le style instrumental des musiciens venus de Bohème qui influença les compositeurs ou si, au contraire, c’est l’écriture de ceux-ci qui influença le style d’interprétation de l’orchestre. Il est certain que l’école de Mannheim fut le creuset de l’esthétique symphonique nouvelle. À Mannheim, le quatuor des cordes, où dominent les premiers violons, devient prépondérant, cependant que les vents se voient attribuer un rôle de timbres et de pédales. Les paliers dynamiques de la polyphonie (Terrassendynamik) sont remplacés par les oppositions violentes entre ff et pp, ainsi que le crescendo ou le diminuendo expressifs.

Il est facile de comprendre ce qu’un tel style instrumental, surtout lorsqu’il est joint à un développement de la virtuosité, peut apporter à la symphonie naissante, c’est-à-dire essentiellement à l’application de la forme sonate dans le domaine de la musique d’orchestre. L’école de Mannheim a largement contribué à la création de la symphonie préclassique et classique. Il semble bien que c’est cet orchestre, composé de 10 premiers violons, 10 seconds, 4 altos, 4 violoncelles, 4 contrebasses, les vents par deux et les timbales, qui a introduit la suprématie de l’homophonie, la périodicité régulière des thèmes et la nécessité d’un deuxième thème. À moins que ce ne soient les œuvres des musiciens de Mannheim qui aient façonné l’orchestre et qui lui aient donné sa forme résolument nouvelle ; celle-ci sera rapidement copiée partout le monde musical, et d’abord par les grands centres comme Vienne, Londres, Milan et Paris.