Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

maniaco-dépressive (psychose) (suite)

Espoirs thérapeutiques

Le pronostic et la thérapeutique des psychoses maniaco-dépressives véritables ont été transformés par la réintroduction des sels de lithium. Ces derniers, connus et déjà appliqués (mais maladroitement) depuis plusieurs dizaines d’années, ont enfin retrouvé dans un passé plus récent une vogue très justifiée par le nombre et la qualité des résultats obtenus. Les auteurs scandinaves et anglo-saxons ont contribué à leur découverte. Le lithium, que l’on peut comparer au sodium, au magnésium, au calcium, existe dans l’organisme à l’état normal en très petites quantités. Sur le plan thérapeutique, on utilise le carbonate, le citrate, le sulfate et le gluconate de lithium. La voie d’administration est la voie buccale en comprimés ou en ampoules. Il est d’usage de faire un bilan préalable, clinique et biologique, puis de surveiller le taux de lithium dans le sang de manière régulière. Le lithium est surtout efficace pour prévenir les rechutes ou les nouveaux accès. Mais il a d’indiscutables effets curateurs, surtout dans les accès maniaques. Les formes de psychoses maniaco-dépressives qui sont les plus spectaculairement modifiées dans leur évolution sont celles qui comportent l’alternance d’accès d’excitation et d’accès dépressifs, et celles qui ne se traduisent que par des accès d’excitation. Les formes dont les accès sont toujours dépressifs sont moins nettement jugulées. Mais le gluconate de lithium leur sera peut-être plus spécialement réservé dans l’avenir. Quoi qu’il en soit, on peut associer au lithium des antidépresseurs, des tranquillisants ou des neuroleptiques, surtout dans le dessein de traiter une phase aiguë.

Outre le lithium, il existe un stabilisateur de l’humeur très différent, le dipropyl-acétamide, qui a tout son intérêt dans les cyclothymies mineures et dans tous les cas où le lithium n’a pu être appliqué.

Ces deux médicaments, le lithium et le dipropyl-acétamide, permettent actuellement de contrôler efficacement l’évolution de 90 p. 100 des cas de psychose maniaco-dépressive. Dans les cas les plus favorables, les cycles s’effacent presque complètement ; les hospitalisations, autrefois si fréquentes, deviennent de plus en plus rares.

Une légère correction de traitement suffit pour maintenir les malades en activité ou à un bon niveau d’adaptation socio-professionnelle.

L’indication du lithium dépend surtout de la fréquence des accès. Si ces derniers sont rares, on peut se contenter d’un simple traitement classique de chaque phase aiguë : électrochocs et antidépresseurs en cas de dépression, neuroleptiques en cas d’accès maniaque. En revanche, si les accès se rapprochent, se précipitent, retentissent gravement sur l’adaptation familiale ou professionnelle, il ne faut pas hésiter à utiliser le lithium ou le dipropyl-acétamide.

G. R.

➙ Psychose / Psychothérapie.

 G. Winokur et coll., Maniac Depressive Illness (Saint Louis, 1969). / E. Kraepelin, Leçons cliniques sur la démence précoce et la psychose maniaco-dépressive (trad. de l’all., Privat, Toulouse, 1970).

manichéisme

Doctrine fondée sur la coexistence des deux principes opposés du bien et du mal.


Pendant longtemps, la connaissance du manichéisme a reposé sur des sources indirectes. Mais, depuis le début de ce siècle, de nombreux textes manichéens ont été progressivement mis au jour. Leur parution a constamment modifié l’image que l’on s’était faite auparavant de la personne de Mani et de son système.


La vie de Mani

Mani, en syriaque Mani hayyá (d’où la transcription grecque Manikhaios, « Mani le Vivant », ou Manês), naquit le 14 avril 215 ou 216 aux alentours de Séleucie-Ctésiphon, dans une famille proche du trône. Le codex d’Oxyrhynkhos a révélé que son père, Pâtik, originaire du sud de la Babylonie, venait d’adhérer à peu près à ce moment à la secte des elkasaïtes. Les adeptes de ce groupe ébionite d’origine judéo-chrétienne, fondé vers 100 apr. J.-C., s’abstenaient de vin, de viande et de tout commerce sexuel. Aucun doute n’est donc plus possible aujourd’hui : le manichéisme est à son origine une dissidence du judéo-christianisme.

Mani a grandi et vécu dans la secte elkasaïte pendant plus de vingt ans (de 219 à 240). Il lui a emprunté de nombreux éléments, même quand, par la suite, il se mit à la combattre. Les sources rapportent qu’il bénéficia de deux « visitations », l’une à douze ans, en 228, l’autre à vingt-quatre ans, en 240 ; ce dernier événement est considéré comme la date de naissance du manichéisme.

Mani prétend alors revenir à l’authentique message d’Elkasaï et convertir la communauté elkasaïte. Il combat les prescriptions alimentaires et rejette le baptême. C’est tout à fait en conformité avec les idées elkasaïtes qu’il se considère alors comme la dernière incarnation du « vrai prophète » qui s’est manifesté avant lui en Adam, Enoch, Sem et Jésus, et même comme le « sceau des prophètes ». En cette attitude, il annonce l’islām et inaugure un mouvement de retour à la révélation primitive, retrouvée à chaque génération en face des infidèles.

Dans les deux « visitations », l’ordre d’annoncer un message aurait été donné à Mani par son « jumeau » (suzugos), son double céleste, son « moi lumineux », son ange protecteur, dont il fut séparé en venant au monde, mais avec lequel il sera identifié de nouveau un jour. Mani se disait appelé à libérer les étincelles de lumière dont les parcelles sont captives dans la matière. Au terme de sa mission, l’Esprit-Saint, le Paraclet devait trouver en lui sa manifestation corporelle. Mais cette prédication de caractère gnostique fut considérée comme une déviation « hellénique » par la secte elkasaïte. Mani dut la quitter, accompagné de son père et de deux disciples.

Il se rendit d’abord en Inde, au Touran, où il passa deux ans. Il revint à Ctésiphon au début du règne de Châhpuhr Ier, qui lui accorda sa protection. Il fit alors de nombreux disciples et organisa des missions dans tout l’Empire sassanide. Après la mort de Châhpuhr (272) et l’avènement de Bahrâm Ier (v. 273), le mazdéisme l’emporte, et les mages, en particulier le magupat Kirdîr, prennent Mani à partie : celui-ci est arrêté et jeté en prison. Commencent alors vingt-six jours d’épreuves qui constitueront la passion de l’Illuminateur ou, pour employer le terme reçu par les manichéens, bien qu’il n’y ait pas eu de mise en croix, sa « crucifixion ». Mani adresse un message d’adieu à son Église et meurt écorché vif en 277 (ou 274 ou 276). Les manichéens consignèrent le récit de ces événements (retour triomphal de Mani après sa dernière pérégrination ; entretien avec le geôlier ; visite du catéchumène Anoshak ; grande prière de Mani à tous les êtres célestes, auxquels il recommande son Église ; agonie en présence des disciples, qui se retirent porteurs de la « lettre du sceau » ; mort devant Uzzaï et deux justes) en des termes qui évoquent directement la passion du Christ.