Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Mangin (Charles) (suite)

L’Empire colonial, pour lui, c’est non seulement le prolongement de la présence et du rayonnement de la France, mais aussi un immense réservoir d’hommes pour pallier en Europe la faiblesse de sa démographie face à la menace grandissante de l’Allemagne : tel est le thème qu’il développe dans son premier livre, la Force noire (1910). Sociologue très averti des problèmes de la psychologie africaine, il discerne aussi le rôle essentiel que joueront dans leur propre pays les cadres noirs des troupes coloniales, en qui il voit les intermédiaires naturels entre le monde africain et le monde moderne.

Il prouvera leur valeur dans les opérations qu’il conduit au Maroc en 1912 contre le prétendant al-Hiba, qu’il chasse de Marrakech, et en 1913 au Tadla. Quand éclate la Première Guerre mondiale, général depuis un an, il commande à Laon la 8e brigade, engagée bientôt dans la région de Namur. Dès le 31 août 1914, il est mis à la tête de la 5e division, avec laquelle il se battra jusqu’en avril 1916. Le mois suivant, il prend devant Douaumont le commandement du 11e corps et y réussit si bien qu’à la fin de l’été son autorité s’étend pratiquement à l’ensemble de la rive droite de la Meuse. Après avoir brisé les ultimes assauts allemands sur Souville (juill.), il prépare méthodiquement les deux fameuses contre-offensives du 24 octobre et du 15 décembre 1916, dont les succès marqués par la reconquête de Douaumont, de Vaux, de Louvemont et de Bezonvaux consacrent la victoire française de Verdun.

Placé par Nivelle* à la tête de la VIe armée en janvier 1917, il se donne à fond à la préparation de l’offensive du 16 avril sur le Chemin des Dames. Son échec entraîne sa mise en disponibilité. Blanchi par un conseil d’enquête que préside Foch*, Mangin est rappelé au front par Clemenceau et accepte, en décembre, de reprendre le commandement d’un corps d’armée (le 9e). Avec cinq divisions et des chars rassemblés en hâte, il brise en juin 1918 la poussée allemande sur le Matz et sauve Compiègne. Le 18 juillet, à la tête de la Xe armée, c’est lui qui lance de la forêt de Villers-Cotterêts la célèbre contre-offensive qui marque la reprise — cette fois définitive — de l’initiative des opérations par les armées de Foch.

Libérateur de Soissons (2 août 1918), Mangin lance ses forces à l’attaque sans laisser aucun répit à son adversaire et entre à Laon le 13 octobre après avoir franchi la ligne Hindenburg. Son armée est alors retirée du front et concentrée aux ordres de Castelnau* dans la région de Toul pour monter en Lorraine l’offensive finale, prévue pour le 14 novembre et que l’armistice rendra inutile. Mais c’est aux troupes de Mangin que reviendra l’honneur d’entrer à Metz le 19 novembre, puis d’occuper la Rhénanie, où le général installe à Mayence son quartier général. En 1919, il paraît au sommet de sa carrière, mais son prestige fait un peu peur, et l’on craint à Paris qu’il ne se lance dans une politique d’annexion de la rive gauche du Rhin que les Alliés n’accepteraient pas. Aussi doit-il quitter la Xe armée à la fin de 1919, et, après avoir effectué une mission en Amérique du Sud (1920), il est nommé inspecteur général des troupes coloniales, fonction qu’il occupera jusqu’à sa mort.

Dans cette demi-disgrâce, il écrira plusieurs ouvrages : Comment finit la guerre (1920), Autour du continent latin avec le « Jules-Michelet » et Des hommes et des faits (1923), Regards sur la France d’Afrique (1924). Ses lettres de la Première Guerre mondiale ont été publiées en 1951.

P. A. V.

 C. Bugnet, Mangin (Plon, 1934).

maniaco-dépressive (psychose)

Affection mentale d’évolution intermittente ou cyclique, caractérisée par la survenue, au cours de l’existence du malade, d’un nombre variable d’accès successifs d’excitation (manie aiguë) et de dépression (mélancolie aiguë).



Concept clinique de dérèglement de l’humeur

Pour comprendre la psychose maniaco-dépressive, il est indispensable de définir le dérèglement neuropsychique fondamental qui la caractérise. Dans le cadre des grandes fonctions mentales, il est classique d’individualiser l’humeur, encore appelée thymie. Celle-ci peut se définir comme le tonus affectif de base dont le niveau détermine pour chacun d’entre nous la gaieté et l’enthousiasme, d’une part, la tristesse et le découragement, de l’autre. Au sens commun, « avoir bon moral » signifie que l’on demeure optimiste et dynamique. Au contraire, « ne pas avoir le moral » implique le pessimisme ou l’abattement. Chez le sujet normal, l’humeur est variable, mais dans des limites acceptables. Chacun, sauf exception, passe au cours de sa vie par des périodes d’euphorie ou de tristesse, qui, d’ailleurs, dépendent des circonstances et du milieu environnant. Les oscillations de l’humeur entre les deux pôles du plaisir de vivre et du déplaisir, de l’agréable et du désagréable, de l’« allant » et de l’inertie sont donc fréquentes même chez des individus normaux. En revanche, dans la psychose maniaco-dépressive, les variations de l’humeur atteignent un degré franchement anormal, souvent même catastrophique. Le dérèglement de l’humeur peut se faire dans deux sens opposés, d’aspect radicalement différent : soit l’excitation psychomotrice euphorique, appelée maniaque, soit la dépression psychomotrice profonde, appelée mélancolique. En fait, manie et mélancolie ne sont que l’expression d’un même désordre fondamental de l’humeur, l’hyperthymie, ou dysthymie. Il faut savoir que le terme maniaco-dépressif s’applique aussi à des malades qui ont uniquement des accès mélancoliques (dépressifs) ou qui n’ont que des accès maniaques (excitation). Cette extension du concept de psychose maniaco-dépressive à ces cas unipolaires (seulement excitation maniaque ou seulement dépression mélancolique) traduit simplement l’idée que la nature profonde du trouble est la même et surtout que le bouleversement porte sur la même fonction neuropsychique : l’humeur.

Fait fondamental, dans l’intervalle des accès dépressifs ou maniaques, le sujet a une humeur sensiblement normale avec un comportement social parfaitement adapté. La psychose maniaco-dépressive est une psychose intermittente, ce qui la différencie des psychoses chroniques telles que la schizophrénie* et les délires*.