Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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management (suite)

Rentabilité, critère de la bonne gestion

Pour un bon manager, le rôle de l’entreprise est de créer de la richesse. Qu’elle fournisse des emplois à des hommes, dans un cadre épanouissant, est une nécessité fondamentale, mais nullement antinomique avec la notion de profit. Les services publics, dont le rôle est d’assurer un « service » pour l’ensemble de la collectivité, se heurtent à cette difficulté : comment mesurer leur efficacité, comment éviter le gaspillage, comment décider de la valeur de tel ou tel investissement, en dehors d’une référence à un critère de rentabilité et dans une situation de monopole ? Les valeurs produites par l’entreprise doivent être supérieures aux valeurs consommées. L’aptitude de l’entreprise à créer du profit mesure sa contribution au développement général. Si ce profit est nul, l’entreprise est considérée par le management moderne comme un parasite de la société. Le profit engendré par les progrès réalisés permet de rémunérer toutes les parties prenantes de l’entreprise (actionnaires, personnel, fournisseurs, État) et de financer les progrès à venir.

Il est en principe pur dans sa source, puisque prélevé sur personne, mais acquis grâce aux efforts réalisés. Sa destination est également utile, puisqu’en milieu concurrentiel il s’agit d’investir en moyens techniques et commerciaux, de former les hommes, etc.

Pour respecter cette règle du profit, le management doit mettre en place les outils de gestion nécessaires. Une comptabilité saine, des centres de profil bien étudiés, des chiffres rapidement disponibles (utilisations multiples de l’ordinateur et des systèmes de gestion intégrés) permettent seuls au manager de prendre les décisions rentables, de supprimer des activités en perte ou en stagnation, de développer des possibilités. De l’artisanat, encore proche de nous, persiste ce goût du chef-d’œuvre, de la performance technique, satisfaisante pour l’esprit, agréable à contempler et trop souvent inutilement coûteuse. Née en partie de cette constatation, l’analyse des valeurs a permis dans tous les cas d’abaisser les prix de revient de façon spectaculaire.


Confiance en l’homme

Les grandes entreprises modernes ne peuvent plus vivre ni se développer si leurs managers ne font pas confiance aux hommes qu’ils ont choisis. Confiance en l’homme, droit à l’erreur et jugement sur les résultats à partir de la fixation d’objectifs précis et mesurables par des centres de profit sont les fondements d’une décentralisation efficace et d’un allégement des structures. La contrepartie de cette liberté d’action est la sanction appliquée en cas d’échec, qui joue en principe à tous les échelons et notamment aux échelons élevés : perte de capital pour les actionnaires, licenciement pour le directeur général, etc.


Conscience de l’évolution

Qu’on le veuille ou non, le monde est entraîné dans un processus d’évolution qui semble irréversible. Cet environnement suppose que les hommes qui ont le pouvoir de décision sachent prévoir à court et à long terme, et agissent plus en fonction d’un devenir prévisible qu’en fonction d’un modèle recopiable du passé. Les orientations, mêmes planifiées, doivent pouvoir être flexibles : les hommes et les structures ne sont plus mis en place pour une génération ; ils doivent, eux aussi, s’adapter, être mobiles. C’est ainsi que le bon produit est celui qui convient à un moment donné, pour un public donné, mais il n’y a pas de produit parfait en soi.


Management et anti-management

Les styles de direction traditionnels sont variés et ne possèdent pas l’efficacité du management, si souvent difficile à mettre en place malgré son apparente évidence.


Direction empirique traditionnelle

• Le patron centralise entre ses mains toutes les décisions, des plus grandes aux plus petites. Son information se limite à quelques conseils demandés à ses pairs, à de proches collaborateurs, jamais à des spécialistes extérieurs. C’est lui qui détient l’information, qui a accès aux chiffres. Il décide plus en fonction de son flair, des habitudes de l’entreprise qu’à partir d’une stratégie. Il improvise.

• L’entreprise vit sur des règles non écrites, constituant une sorte de droit coutumier. L’organigramme est flou ; chacun remplit au mieux ses fonctions, sans qu’on sache toujours qui fait quoi.

• Le jugement sur les hommes est fonction de leur comportement, de leur loyauté à la maison, de leur habileté à sentir les goûts du patron.

• Le maintien du patrimoine, la permanence des structures mises en place sont plus importantes que la croissance. Les banques, les actionnaires font peur.

• L’antimarketing est la règle : on fabrique ce qu’on sait faire, et la primauté est presque toujours donnée à la technique.


Direction bureaucratique

Elle a sur la précédente quelques vertus non négligeables de rigueur scientifique, de souci de clarté, mais elle est marquée par trop de rigidité. Elle a été l’apanage des administrations publiques, puis des grandes entreprises privées.

• Des structures rigides sont mises en place afin de préserver le personnel de l’arbitraire et du favoritisme. Ce principe est sain ; mais, poussé à l’extrême, il conduit à la sclérose des structures, au jugement « à l’ancienneté », au souci de conformité des rémunérations par castes, à l’appropriation des fonctions : on ne licencie personne, sauf pour faute grave, toujours difficilement prouvable ; on ne supprime pas de postes, ceux qui les tiennent n’ayant pas démérité ; etc.

• La recherche du monopole est la règle, ce qui supprime la sanction par la pression de la concurrence.

• Toutes les décisions sont centralisées ; le souci d’atteindre à la perfection, d’éviter les erreurs conduit au téléguidage des échelons inférieurs. Les décisions, qui ont presque force de loi, doivent emprunter toute l’échelle hiérarchique pour être mises en œuvre, et les informations remontent mal depuis la base.

• La hiérarchie est infaillible ; elle se recrute d’ailleurs dans les écoles spécialisées ; le diplôme confère des droits qui sont acquis, sauf comportement aberrant : il importe autant que l’expérience.

• Le conservatisme prime tout ; les innovations gênent, car elles n’ont pas de place dans la structure ou les budgets ; on se défend sans attaquer.