Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Mali (république du) (suite)

La politique économique et les échanges

L’essentiel des 3 000 km de pistes permanentes et les 800 km de routes bitumées sont concentrés dans la région centrale et méridionale, où les biefs navigables du Niger se raccordent au chemin de fer Dakar-Niger (645 km en territoire malien) : la plus grande partie du commerce extérieur malien transite par le Sénégal et le port de Dakar, bien que le trafic routier en direction d’Abidjan et de la Côte-d’Ivoire ait crû en importance relative depuis l’indépendance.

De 1960 à 1968, le gouvernement d’orientation socialiste du président Modibo Keita s’était efforcé de se dégager de la dépendance extérieure en créant une entreprise commerciale d’État, la S. O. M. I. E. X. (Société malienne d’importation et exportation), destinée à prendre le relais du grand commerce étranger, et en multipliant les entreprises industrielles d’État, destinées à substituer une production nationale aux importations et réalisées principalement grâce au concours des pays socialistes (conserverie, tabac et allumettes, huileries, sucrerie, cimenterie, céramique, usine textile de Ségou, abattoirs de Gao et de Bamako). Ces industries sont presque toutes établies dans les régions de Bamako et de Ségou, points d’arrivée au moindre coût des matières premières énergétiques (fuel) importées.

La politique d’indépendance économique du président Modibo Keita, exprimée par ailleurs par la création du franc malien en 1962, s’est heurtée à des difficultés tenant à la situation géographique du Mali (impossibilité de contrôler les frontières et le commerce extérieur, particulièrement dans le domaine du commerce « traditionnel » du bétail et du poisson séché [la moitié en valeur des exportations en 1963]) et à son retard économique (difficultés de fonctionnement des industries, dépendantes de l’étranger pour leur équipement, leurs sources d’énergie et une partie de leurs matières premières, difficultés d’approvisionnement en matières premières locales, insuffisance des marchés d’écoulement).

Le changement de régime en 1968 n’a pas apporté de modifications majeures dans une situation caractérisée par le déséquilibre de la balance des comptes (charges des emprunts d’équipement) et du commerce extérieur, dont le déficit, passé de 4,2 milliards de francs maliens en 1964 à 11,6 milliards en 1968, a été ramené à 3,5 milliards en 1970. Le secteur nationalisé a été maintenu et, simplement, l’économie a été ouverte à des initiatives privées (création par le groupe Agache-Willot d’une deuxième usine textile, avec participation de l’État malien). Le commerce avec la zone franc est resté prépondérant (50 p. 100 des exportations vers la Côte-d’Ivoire et le Sénégal ; 10 à 15 p. 100 vers la France ; aux importations, 30 p. 100 env. fournis par la France, 30 p. 100 par le Sénégal et la Côte-d’Ivoire), mais les échanges avec les pays socialistes sont demeurés importants (20 p. 100 des importations).

Le revenu national par habitant tend à diminuer : le taux global de croissance ne semble pas avoir dépassé 1,8 p. 100 par an de 1960 à 1970 (1,5 p. 100 dans l’agriculture), alors que le taux de croissance démographique était légèrement supérieur.


L’évolution sociale

Pauvre et peu pénétré par l’économie commerciale, le Mali est peuplé principalement de paysans et d’éleveurs vivant en autosubsistance, dans le cadre des collectivités patriarcales et villageoises traditionnelles. Cependant, il possède une bourgeoisie de commerçants traditionnels (Dioulas) qui pratiquent le colportage et aussi le commerce à grande distance (bétail et poisson séché du Niger contre cola des pays forestiers du littoral atlantique). Le nombre des salariés contrôlés demeure réduit (pas beaucoup plus de 1 p. 100 de la population). Cependant, la différenciation sociale s’accentue rapidement, tant dans les villes (formation d’une bourgeoisie de commerçants et de fonctionnaires) que dans les campagnes (dissolution progressive des communautés traditionnelles ; compétition pour la propriété de la terre aiguisée par l’accroissement démographique rapide dans les régions déjà surpeuplées de la vallée du Niger). Le taux de scolarisation est passé de 8 p. 100 en 1959 à 23 p. 100 en 1968. Une école normale supérieure (établissement d’enseignement supérieur) fonctionne depuis 1963 à Bamako.

J. S.-C.


L’histoire

Le Mali n’est entré que tardivement dans l’histoire, mais son peuplement n’en est pas moins très ancien comme en témoigne en nombre d’endroits la présence d’outils aussi bien en pierre taillée pouvant remonter à l’Acheuléen qu’en pierre polie dont les régions sahéliennes sont très riches. Des sites habités par des agriculteurs s’échelonnent à partir de 3000 av. J.-C., mais les vestiges humains restent rares (hommes d’Asselar, 4000 av. J.-C.).

De notre ère datent des pierres levées, des chambres funéraires, des tumuli, principalement dans la zone d’inondation du Niger, qui appartiennent à une civilisation disparue et que l’on n’a pas encore pu convenablement identifier. Les falaises de Bandiagara recèlent aussi des sites d’accès difficiles occupés par d’anciennes populations autour de l’an 1000.

Cultivateurs, pasteurs se sont donc succédé de longue date, vivant en petites communautés en partie repliées sur elles-mêmes, mais les contacts avec le monde méditerranéen à travers le Sahara en vue d’échanges commerciaux sont très anciens.

C’est à leur faveur que s’est développé à la limite du sahel, au milieu de l’ethnie soninké (Sarakoles), l’empire du Ghāna*. On est peu fixé sur son extension, vraisemblablement du moyen Sénégal jusqu’à la zone d’inondation du Niger et du dahar de Tichitt jusque vers le 14e degré de latitude. Al-Bakrī en donne le premier témoignage en 1068, mais celui-ci porte essentiellement sur le souverain et sur la capitale, que l’on croit pouvoir identifier avec le site de Koumbi Saleh (en Mauritanie, tout près de la frontière malienne), où gisent d’importantes ruines de pierres. Là vivaient des commerçants nord-africains, alors que les autochtones devaient se tenir à faible distance dans un habitat en argile. Tegdaoust (Mauritanie), qui fait l’objet de fouilles approfondies depuis 1960, est le site d’une ancienne ville de cet empire (Aoudaghost ?). L’islām pénétra ainsi librement en Afrique noire avant d’être imposé au Ghāna par les conquérants almoravides* (v. 1076). Si ceux-ci ne se maintinrent pas, l’empire fut ébranlé et commença à se dissocier. Le roi de Sosso, Soumangourou Kanté, l’attaqua en 1203, ce qui amena le transfert des commerçants musulmans à Oualata, et en 1240 Soundiata Keita détruisit la capitale, qui ne se relèvera plus, et annexa les territoires.