Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

anticoagulants (suite)

Comment exerce-t-on cette surveillance ? En tenant compte du niveau d’action de l’héparine : celle-ci agit surtout au niveau de la transformation fibrinogène-fibrine. Elle agit aussi au niveau des thromboplastines dans la transformation prothrombine-thrombine. Enfin, à fortes doses, elle agit même sur les plaquettes en empêchant leur agglutination et leur métamorphose visqueuse. Ainsi, par son action antithromboplastique, elle est susceptible d’allonger le temps de Quick (« taux de prothrombine »). Mais, surtout par son action au dernier stade de la coagulation, elle doit être jugée sur des tests de coagulabilité globale : soit le temps de coagulation, qui doit être allongé sans atteindre 30 minutes (mais cette méthode est trop grossière) ; soit le temps de Howell ; soit le thrombo-élastogramme (v. ci-dessus).

L’héparine a un antidote très efficace, le sulfate de protamine.


Les antiprothrombiques ou antivitamine-K

Ils sont dus à une curieuse observation vétérinaire. Schofield, en 1922, fait le rapprochement entre une maladie hémorragique du bétail et sa nourriture à base de trèfle avarié. Boderick, en 1929, trouve un abaissement de la prothrombine dans le sang des animaux atteints de cette affection. Karl Paul Link montre que la dicoumarine du trèfle était responsable de la maladie du bétail, et il en réalise la synthèse en 1941. Le dicoumarol possède deux noyaux coumariniques ; d’autres substances du même groupe sont employées : l’adoisine, le cumétharol, l’éthyldicoumarol, l’acide oxycoumarinyl acétique, la thiocoumarine. Ces substances ont en commun une action assez rapide : début en 6 heures, maximum en 24 heures, fin en 3 jours. D’autres antivitamine-K ont une structure asymétrique. Ce sont : l’acénocoumarol, qui a aussi son maximum d’action en 24 heures et un terme au troisième jour, et la warfarine sodique, dont l’action se prolonge jusqu’au huitième jour.

Une autre famille d’anticoagulants, dite « des indane-diones », est représentée par la phényl-indane-dione. Ces substances agissent, dans la coagulation, au niveau de l’activation des thromboplastines, ainsi que sur la réserve de prothrombine, c’est-à-dire à un stade relativement précoce, plus précoce, en tout cas, que celui de l’héparine. Sur le plan thérapeutique, il n’y a pas de parallélisme obligatoire entre la dose et l’effet anticoagulant. La dose de chaque sujet est établie après une phase d’équilibration, qui est fondée sur le résultat des tests de coagulation. Fait important, il n’y a pas d’accoutumance*, mais certains sujets sont réfractaires, et, en général, ils le sont à tous les anticoagulants de la même famille. Il faut alors changer de famille d’anticoagulant. Signalons que certains médicaments, s’ils sont utilisés dans le même temps, peuvent modifier l’action des coumariniques. Certaines drogues sont antagonistes, tels les corticoïdes, la digitaline, certains antibiotiques, les barbituriques et des antihistaminiques. D’autres sont synergiques : certains psychotropes, l’isoniazide et surtout l’aspirine, qui peut déclencher des hémorragies.

Comment contrôle-t-on un traitement par les antivitamine-K ? Par le temps de Quick, le plus utilisé, mais qui a deux inconvénients (il dose le facteur V [v. coagulation], qui n’est pas influencé par la vitamine K ; il ne dose pas le facteur IX, qui l’est) ; c’est pourquoi beaucoup préfèrent le thrombotest d’Owren, qui teste les seuls facteurs II, VII, IX et X, c’est-à-dire ceux qui dépendent de la vitamine K ; mais il est souvent utile de compléter ce contrôle par un test de coagulation globale (temps de Howell ou test de tolérance à l’héparine, plus sensible). En cas d’hémorragie due aux antivitamine-K, on injecte soit de la vitamine K, soit, pour agir plus vite, la fraction dite « P. P. S. B. » (prothrombine, proconvertine, facteur Stuart, facteur antihémophilique « B ») du sang, préparé par les centres de transfusion sanguine.

Tests de contrôle des traitements anticoagulants

Le temps de Howell est le temps de coagulation d’un plasma décalcifié, puis recalcifié : c’est le « temps de coagulation » global, la décalcification permettant de prélever le sang au lit du malade et de faire l’examen en laboratoire.

Le temps de Quick, ou temps de prothrombine, permet, par comparaison avec un plasma normal, de déterminer un « taux de prothrombine en pourcent » : c’est le temps de coagulation d’un plasma oxalaté, puis recalcifié en laboratoire et additionné d’un excès de thromboplastine. En réalité, le temps de Quick mesure non seulement la prothrombine (facteur II), mais aussi la proaccélérine (facteur V), la proconvertine (facteur VII) et le facteur Stuart (facteur X). Il n’analyse donc pas tous les facteurs touchés par les antivitamine-K, alors qu’il tient compte de la proaccélérine, qui n’est pas touchée par celles-ci.

Le test d’Owren ou thrombotest, au contraire, analyse rigoureusement les quatre facteurs touchés par les antivitamine-K (prothrombine, proconvertine, antihémophilique « B », facteur Stuart). Malheureusement, le thrombotest nécessite l’emploi d’un réactif spécial (mélange de céphaline, de thromboplastine et de chlorure de calcium), si bien que de nombreux praticiens s’en tiennent au temps de prothrombine.

Le thrombo-élastogramme est la meilleure méthode, mais elle nécessite un appareillage. Le sang est contenu dans une cuve (maintenue à 37 °C) qui subit des mouvements alternatifs de rotation axiale, d’une amplitude de 4° 45′. Dans cette cuve plonge un cylindre suspendu à un fil supportant un miroir. Ce miroir réfléchit sur un papier enregistreur un faisceau lumineux. Tant que le sang reste fluide, le cylindre reste immobile et le papier enregistreur inscrit une droite. Quand la fibrine se forme, les filaments qui apparaissent tendent à solidariser la cuve et le cylindre : celui-ci se met à osciller, et le miroir reflète un pinceau mobile dont les points extrêmes s’inscrivent sur le papier enregistreur sous forme de deux courbes symétriques s’écartant de part et d’autre de l’axe de la ligne de départ. Si on poursuit l’exploration assez longtemps, on observe la redissolution du caillot (fibrinolyse).

Le tracé a été analysé et codifié en un certain nombre de constantes qui sont chacune le reflet d’une fonction donnée de la coagulation. Cette méthode est excellente pour déceler les tendances à l’hypercoagulabilité, que les tests classiques caractérisent mal, ainsi que pour surveiller les traitements anticoagulants, surtout à action terminale, comme l’héparine.