Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Malaysia (suite)

Sur la côte occidentale se développent ainsi plusieurs petits sultanats, parfaitement indépendants de Malacca et généralement plus prospère. C’est, tout au sud de la péninsule, l’État de Johore, fondé par le dernier sultan de Malacca, et qui fut longtemps comme le dépositaire de la grande tradition qui s’y était réfugiée. Plus au nord se trouvent : l’État de Negri Sembilan, fédération de « neuf pays » dirigée par un yang di-pertuan besar, élu selon un système d’inspiration minangkabau ; l’État de Selangor, dont les sultans avaient beaucoup de sang bougi ; l’État de Perak, où l’implantation chinoise est ancienne ; l’État de Kedah, qui s’enrichit longtemps du commerce du poivre (plantations de l’île de Langkawi) et où l’influence du Siam voisin s’est longtemps fait sentir. Sur la côte orientale se développent parallèlement trois autres sultanats, mais qui, plus à l’écart du grand commerce, s’intéressent davantage aux défrichements et à la riziculture : Pahang, Trengganu et Kelantan ; moins cosmopolites que ceux de la côte ouest, ils restent plus fidèles aux vieilles traditions malaises (cf. le théâtre d’ombres de Kelantan) et donneront l’impression de nos jours d’être plus conservateurs.

Carrefour obligé de tout le commerce malais, la péninsule subit tous les contrecoups de la conjoncture internationale. Au début du xviie s., le sultan d’Aceh (nord de Sumatra) essaie d’imposer son hégémonie et réduit en vassalité Pahang, Kedah et Johore, mais il ne parvient pas à s’emparer de Malacca (dernière tentative en 1629). Au xviiie s., les Bougis installés à Riau essaient à leur tour d’exercer une sorte de suzeraineté, mais, d’une façon générale, les divers sultanats demeurent autonomes, et l’idée de la « fédération » sera pour une bonne part le fait des Britanniques.

Comme principal témoignage de cet épanouissement, nous avons la masse considérable de la littérature malaise, textes religieux, chroniques, longs poèmes, coutumiers, codes maritimes et commerciaux. Les deux principaux centres de rédaction furent Johore et Aceh, ce qui prouve une fois de plus que les deux rives du détroit participaient alors d’une seule et même culture. Un roman surtout, le célèbre Hang Tuah (c’est le nom du héros), rédigé au xviie s., nous donne une excellente idée de la vie aventureuse et galante que l’on pouvait vivre alors à la cour d’un de ces sultans.


L’emprise britannique (xixe-xxe s.)

Les Hollandais ne sont intervenus qu’épisodiquement dans les affaires de la péninsule (1641, installation à Malacca ; 1785, intervention maritime dans l’archipel de Riau). Les Anglais n’agissent également que très progressivement. En 1786, Francis Light se fait céder l’îlot de Penang ; en 1795, les Anglais remplacent les Hollandais à Malacca ; en 1819, sir Thomas Stamford Raffles, expulsé de Java, « fonde » Singapour pour assurer à la Grande-Bretagne un relais bien situé sur la route de l’Extrême-Orient. Pourtant, le gouvernement de Londres s’en tient longtemps à ces trois settlements, et ce n’est pas avant 1874 qu’il se décide à intervenir au Perak (en profitant d’une rivalité entre Chinois et Malais) et à signer le traité de Pangkor ; l’année suivante, un fonctionnaire britannique est assassiné et une intervention armée est décidée. Petit à petit, des résidents sont placés à côté des sultans, et, en 1895, le résident général, Frank Swettenham, décide de créer la « fédération de Malaisie » (Federated Malay States), composée des États de Negri Sembilan, Pahang, Perak et Selangor (les États de Kedah, Perlis, Kelantan et Trengganu restant vassaux du Siam jusqu’en 1909).

En 1841, l’aventurier James Brooke, surnommé plus tard « rajah Brooke », se taille au Sarawak une vaste principauté (avec des territoires qui lui sont concédés par le sultan de Brunei) ; ses descendants (the white rajahs) l’administreront pour leur propre compte jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Quant à la région actuelle de Sabah (Bornéo-Septentrional), elle passe sous l’autorité de la British North Borneo Compagny (1882), qui l’administre jusqu’en 1942.

Sur le plan économique, l’arrivée des Anglais se traduit par la mise en valeur de deux grands produits d’exportation : l’étain et le caoutchouc, qui, de nos jours encore, constituent des denrées de première importance. L’étain était exploité avec des procédés traditionnels depuis longtemps par les Chinois ; la mécanisation et l’ouverture des marchés occidentaux permettent une accélération considérable de la production (6 500 t en 1850 ; 51 400 t en 1913). D’autre part, l’hévéaculture, introduite à partir de 1890, connaît de très gros succès (développement de l’automobile au début du xxe s.) ; pour faciliter l’exploitation des plantations, les Anglais font venir du sud de l’Inde une importante main-d’œuvre, en majorité tamoule, destinée à saigner les arbres et à récolter le latex.

La crise mondiale de 1929 touche particulièrement l’économie malaise (effondrement des prix des matières premières), et ses répercussions se font sentir sur la société. Néanmoins, les revendications des « nationalistes » sont sans doute moins vives qu’en Indonésie, et, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, la prise de conscience ne fait que commencer. À l’« élite », formée au Malay College de Kuala Kangsar (« The malay Eton »), ouvert dès 1905, et très anglophile, s’oppose une certaine intelligentsia autochtone, formée sur les bancs du Sultan Idris College.


L’occupation japonaise et l’indépendance

Décidés à défendre leur empire extrême-oriental contre la menace japonaise, les Anglais ont fait à Singapour des travaux considérables, mais leur flotte est mise hors de combat dès le début des hostilités, et les Japonais conquièrent la péninsule en moins de deux mois (capitulation de Singapour : 15 févr. 1942). Une partie de la population, et notamment les Chinois, particulièrement malmenés par le nouvel occupant, gagnent les jungles toutes proches afin d’organiser une résistance, que les Anglais essaient de soutenir en sous-main.