Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Maine-et-Loire. 49 (suite)

L’est est plus ouvert, plus lumineux. Au nord de la Loire, l’Anjou blanc, ou Baugeois, coupé par une côte crayeuse, associe à une dépression marneuse (prairies, pommiers) un revers de placages argilo-siliceux plus ingrats (forêts de Baugé, de Chandelais). Des sables couverts de landes, de forêts (Chambiers), de pinèdes annoncent le Maine. Au sud de la Loire, le Saumurois a bien des affinités avec le Baugeois. Une ondulation tectonique « armoricaine » O.-N.-O. - E.-S.-E., dans l’axe du fleuve, ramène la côte crétacée entre une plaine herbagère et des plateaux boisés (forêts de Milly, de Fontevrault). Mais le pays est plus riant. Une grande fracture et la dissection des craies par l’érosion multiplient les expositions au midi. Sous ses chaudes affinités aquitaines, le Saumurois rassemble 80 p. 100 du vignoble d’Anjou, la plupart de ses grands crus : chenins blancs des côtes de Saumur, cabernets rosés du Layon, de l’Aubance, du Thouet, cabernets rouges des coteaux de Loire. Doué-la-Fontaine s’entoure de roseraies et de pépinières, les hauts de Gennes élèvent le lapin angora pour sa laine, d’anciennes carrières de craie tuffeau abritent les premières champignonnières de France (70 p. 100 de la production nationale).

Les vallées ajoutent aux contrastes. Si, en Segréen, la Mayenne ne creuse qu’un étroit sillon dans le massif ancien, les deux autres branches de la Maine, Sarthe et Loir, drainent de plantureuses prairies. La Loire, surtout, appose sa marque à l’Anjou. Libérée des raides escarpements crayeux qui la contenaient en Touraine, elle développe en Vallée d’Anjou (35 000 ha) ses opulents terroirs : fraîche coulée d’herbages au nord, le long de l’Authion, cultures délicates au centre, du Bourgueillois à Angers, primeurs de serre et de plein champ (oignons, carottes, haricots, melons, fraises), porte-graines, tabac, pépinières, hortensias bleus. Aux prises, plus bas, avec le socle, elle baigne encore de hauts versants pittoresques (« Corniche angevine », Champtoceaux), couverts de vignobles réputés (Coulée de Serrant, muscadet).

Partagé dans son économie, le département de Maine-et-Loire l’est aussi dans ses convictions. Prisonnier de son bocage, difficile d’accès, l’ouest a gardé dans son respect du maître propriétaire et du prêtre de fortes traditions conservatrices (Vendée catholique et royaliste de 1793, défense de l’école libre). L’est, plus avancé, a accueilli à Saumur le protestantisme et en Baugeois le radicalisme.

Le département n’en a pas moins une forte cohérence. Articulé sur la confluence du réseau de la Maine en Loire, il est, autour de sa vieille capitale, Angers (142 966 hab.), un département bien centré. Structuré, au niveau sous-jacent, sur deux villes actives, Cholet (54 017 hab.) et Saumur (34 191 hab.), il est bien hiérarchisé. Ses productions agricoles, servies par la douceur, légendaire depuis J. du Bellay, de son climat et la diversité de ses combinaisons culturales (bovins [500 000 têtes ; 5 Mhl de lait], vins [1 Mhl], fruits [130 000 t], légumes [100 000 t], cultures spécialisées), font son image de marque. Il compte 49 000 emplois primaires sur 253 000, soit 19 p. 100. Il s’est aussi industrialisé : 98 000 emplois, soit 39 p. 100. À ses activités traditionnelles (tissage du lin et du coton, confection, chaussures en Choletais, mines de fer de Segré, ardoisières de Trélazé et du Segréen [90 p. 100 de la production française], laiteries, conserveries, liqueurs) se sont, depuis vingt ans, ajoutés des apports du dehors — de décentralisation parisienne surtout (14 000 emplois, soit 16 p. 100 du total), attirés par l’abondance et les bas coûts d’une main-d’œuvre prolifique (natalité : 19 à 20 p. 1 000) et docile : mécanique et électronique à Angers, à Cholet, à Saint-Pierre-Montlimart, pneumatiques à Cholet, supports de caoutchouc à Segré, tannerie à Château-neuf-sur-Sarthe, chaussures en Choletais et à Jarzé. Le secteur tertiaire (106 000 emplois, soit 42 p. 100) s’anime de transactions marchandes (foires, vins, marché-gare d’Angers) et du tourisme (Angers, Saumur, Cunault, Fontevrault, plages de Loire).

Les problèmes du département tiennent à ses formes d’évolution. La concentration foncière élimine à la campagne de nombreuses exploitations, tombées en quinze ans (1955-1970) de 40 000 à 29 000 (– 27 p. 100). Équipement et encadrement tertiaire sont insuffisants. Le marché de l’emploi suit mal la progression démographique. Il est d’autant plus lourd (de 3 000 à 4 000 demandes en permanence) que l’Angevin émigre peu (11 000 départs entre 1954 et 1968 pour un solde naturel de 77 000). Jeune (37 p. 100 du « moins de vingt ans » contre 32 en France), mais trop riche en hommes pour ses possibilités intrinsèques, le département de Maine-et-Loire bénéficie du régime maximal des aides de l’État au développement.

Y. B.

➙ Angers / Anjou / Loire (Pays de la) / Saumur.

Maistre (Joseph de)

Homme politique, écrivain et philosophe savoisien (Chambéry 1753 - Turin 1821).


Issu d’un milieu très imprégné de catholicisme, élève des Jésuites, il fait son droit à Turin. Membre du sénat de Savoie et aussi d’une loge maçonnique, il applaudit aux idées nouvelles et antiféodales : son Éloge de Victor-Amédée III, duc de Savoie, roi de Sardaigne (1775) est un réquisitoire contre l’Inquisition. Mais « le sens de sa responsabilité de caste, l’instinct de la continuité sociale et de la perpétuité des institutions, l’attachement à ces assises sur lesquelles reposaient la complexité même de son devoir et la dignité même de sa vie : tout cela faisait barrière entre l’âme de De Maistre et les assauts de cette terrible contemporaine, libertine et subversive, qui fièrement se dénommait la Raison » (G. Goyau).

Après l’invasion de la Savoie par les Français en septembre 1792, Joseph de Maistre émigre. Un moment fixé à Lausanne, il y fréquente de nombreux émigrés et prêtres non jureurs français. Il connaît là son « chemin de Damas ». Désormais, il va être le héraut et le théoricien de la Contre-Révolution. Les Lettres d’un royaliste savoisien à ses compatriotes (1793) et les Considérations sur la France (1796) développent déjà ce qui constituera l’essentiel de la pensée de De Maistre : l’histoire des hommes menée par la Providence ; les fins providentielles de l’attentat commis par l’« homme révolutionnaire » contre Dieu son souverain ; le caractère « satanique » de la Révolution ; les conséquences inéluctables des révoltes de l’esprit humain. À la Raison, chère aux philosophes et aux idéologues, de Maistre oppose le sens commun, la foi, l’intuition de la conscience intellectuelle.