Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Madrid (suite)

Jusqu’au milieu du xixe s., Madrid demeure contenue à l’intérieur de ces murailles, bien que sa population ait continué à croître grâce à ses fonctions de capitale. Mais le rythme de croissance est nettement ralenti : 130 000 habitants vers 1723, 217 000 en 1843. Le déclin de l’Espagne explique cette relative stagnation. C’est alors que se révèle la très médiocre situation de la ville : certes, elle se trouve à quelques kilomètres au nord du centre géographique de la Péninsule, dans une position qui peut paraître avantageuse à un État fortement centralisateur. Mais elle occupe de ce fait le cœur d’une Espagne intérieure pauvre qui, passé la courte apogée du « Siècle d’or », n’a cessé de décliner, alors que toute l’activité économique se concentrait dans quelques provinces périphériques : région vasco-cantabrique, Catalogne, Levant. Sans doute Madrid se trouve-t-elle dans la large gouttière du Tage, qui borde au sud la Cordillère centrale ibérique, au débouché des principaux cols qui ouvrent l’accès aux routes de la Galice et de la côte cantabrique, ainsi qu’à proximité de l’ensellement qui, par les monts Ibériques, permet de gagner l’Aragon et la Catalogne ; sans doute aussi communique-t-elle aisément avec Lisbonne par la vallée du Tage, avec le Levant par le seuil de la Manche orientale, avec l’Andalousie par la Manche et le défilé de Despeñaperros. Mais si le choix de Philippe II avait fait de Madrid le point de convergence, que rien ne désignait particulièrement, de toutes ces routes, la ville ne devait pas en tirer un grand bénéfice, car de ce réseau de routes qui s’était noué autour de la capitale, aucune ne constituait de grand axe de circulation. C’est vers la mer que se tournaient les grands foyers de l’activité économique et non vers la Meseta, pauvre et difficile d’accès. Ainsi Madrid se trouvait-elle à une croisée de chemins délaissés par les grands courants d’échanges.

Après 1850, Madrid connaît de nouveau une croissance rapide : elle passe de moins de 250 000 habitants à 512 000 en 1897 et atteint le million en 1935. Après un arrêt pendant la guerre civile, à la fin de laquelle elle ne compte encore que 1 074 938 habitants, la croissance reprend à un rythme encore plus rapide : 1 471 013 en 1950, 2 028 091 en 1960, et les 3 millions sont dépassés en 1969. Ce spectaculaire accroissement a entraîné une considérable extension de la ville : dès 1860, les murailles de 1635 sont démolies pour faire place à de larges avenues, et un plan en damier sert de cadre au développement de l’Ensanche, qui enveloppe la vieille ville au nord, à l’est et au sud. Immédiatement au-delà, les faubourgs où s’entassent les immigrants pauvres s’étirent le long des grands axes routiers : route de Burgos avec Cuatro Caminos et Tetuán, route de Valence avec Puente de Vallecas, route de Tolède et d’Estrémadure. Puis les vides laissés entre ces faubourgs se remplissent, et la zone bâtie continue de progresser jusqu’à englober les communes d’Aravaca au N.-O., Fuencarral au nord, Hortaleza au N.-E., Barajas et Canillejas à l’est. Vicálvaro et Vallecas au S.-E., Villaverde au sud et les deux Carabanchel au S.-O. Au total, le « Municipio » de Madrid couvre aujourd’hui 607,09 km2, et toutes les communes situées dans une aire de 30 km de rayon entrent dans son orbite.

Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette étonnante croissance. C’est d’abord la construction du réseau ferré à partir de 1850 ; disposé en étoile autour de Madrid, il facilite les relations avec les régions périphériques et permet d’établir quelques industries. Cela renforce l’attrait de la ville et l’immigration, qui est de loin le facteur de développement le plus important : les Castilles, le Léon et plus récemment l’Andalousie et l’Estrémadure ont dirigé de très forts courants de ruraux en quête de travail vers la capitale. Cet afflux de population qui s’est accru de façon impressionnante après 1940, atteignant le chiffre record de 49 000 en 1964, a stimulé la vie économique de la ville : les activités se sont diversifiées, et de nouvelles industries ont été créées. À son tour, cette croissance, aidée par le spectaculaire démarrage économique de l’Espagne à partir de 1959, a encouragé l’immigration et favorisé l’expansion urbaine.

Ainsi, Madrid est devenue une grande métropole aux fonctions multiples. Mais elle conserve de son traditionnel rôle politique une très nette prépondérance des activités tertiaires.

R. L.


L’histoire de Madrid


Les origines et le premier développement

Les découvertes archéologiques (haches de pierre, pointes de flèches solutréennes, céramiques, etc.) faites aux environs de Madrid témoignent de la présence de l’homme sur les rives du Manzanares dès le Paléolithique inférieur. Grâce aux conditions particulièrement favorables tant du sol que de la faune et du climat, le « Madrilène » de cette époque abandonne rapidement le nomadisme. Tout laisse à penser qu’au Moustérien la ville s’étend sur une superficie aussi vaste que celle de l’agglomération actuelle. L’influence romaine s’y fait fort peu sentir et, lors de la grandeur de Rome, l’on n’y compte qu’une centaine d’habitants, bergers et laboureurs. Au début de l’ère chrétienne, elle n’occupe que le sommet de deux collines.

Elle n’entre véritablement dans l’histoire qu’au moment de la domination musulmane (ixe s.), sous le nom de Madjrīt. Il ne s’agit que d’un petit village qui, au cours de la Reconquête entreprise aux Asturies par Pélage (718), est assiégé, puis quelque temps occupé (932) par le roi de León Ramire II. Du fait de sa position stratégique, les Arabes reconstruisent les murailles et consolident les fortifications. Le véritable conquérant de ce qui est alors une forteresse musulmane est Alphonse VI, roi de Castille et de León, qui s’en empare en 1083 avant de prendre Tolède (1085). Au xiie s., la ville est provisoirement aux mains des Almoravides*. Elle commence à grandir autour des remparts, et Alphonse VIII lui accorde ses premiers privilèges en 1202. Au Moyen Âge, le développement de la ville se poursuit. Alphonse X le Sage lui concède le « Fuero Real » (privilège royal) en 1262, et Alphonse XI l’inclut dans l’ordonnance d’Alcalá (1348).