Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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machinisme agricole (suite)

Évolution historique générale

La mécanisation de plus en plus poussée des activités humaines est une tendance générale longuement analysée par les socio-économistes. La mécanisation agricole n’est qu’un cas particulier.

Dans son sens le plus général, la mécanisation correspond à l’utilisation par l’homme d’un « objet » qu’il a inventé et fabriqué pour faciliter une ou plusieurs de ses actions bien définies et généralement répétitives. Les outils, les instruments, les machines animées par des moteurs de toutes natures, les automatismes sont englobés dans cette définition très large. Chacune de ces étapes jalonne en général l’évolution d’une technique, mais chaque jalon, s’il existe, poursuit sa carrière alors que les suivants sont déjà largement diffusés. L’agriculture, qui est l’une des plus anciennes activités humaines, n’échappe pas à cette règle. Il est aisé de définir des « générations » successives dans le domaine des productions végétales et animales destinées à l’alimentation ou à l’habillement des hommes.

L’outil simple domine toute la préhistoire et déborde largement sur toute la période historique : le pic, la faucille, la faux, la meule, le tamis, le fléau, etc., ont été longtemps les seuls auxiliaires de la force musculaire. Tant que la main-d’œuvre était presque gratuite et qu’une partie de l’humanité tenait l’autre en esclavage, pourquoi inventer des machines ?

L’instrument est déjà plus élaboré. Il peut faire appel à des sources d’énergie plus puissantes que l’homme. Il est apparu très tôt dans la période historique. Il est souvent lié à l’utilisation de la roue. Mais ce n’est guère qu’un outil de grande dimension. Citons comme exemples d’instruments agricoles : le chariot, la herse, l’araire, le traîneau de dépiquage des céréales, la moissonneuse gauloise (cette dernière machine, essentiellement constituée par un chariot muni d’un peigne qui arrachait les épis, est un exemple caractéristique d’une invention apparue trop tôt, avant qu’il y ait un besoin réel ; il fallut attendre le xixe s. pour voir l’idée reprise et réalisée concrètement).

Le mécanisme est plus complexe. Il fait appel à toutes les sortes d’énergie existantes à l’époque. Il effectue une série d’opérations élémentaires répétitives imitant ou non la main de l’homme aidée de son outil. Il se développe de façon notable à partir du xixe s. en agriculture. Il caractérise le début véritable de la mécanisation. Dans cette catégorie, on peut ranger, en précurseurs, les moulins (moulins à eau, connus des Romains, mais utilisés en France à partir du vie s. seulement ; moulins à vent, connus au xie s. en Europe), les semoirs mécaniques (iiie s. en Chine. xve s. en Europe), les machines à battre (xviiie s.), les machines à moissonner (premiers modèles v. 1800).

À partir du début du xixe s., l’évolution est si rapide qu’un livre ne suffirait pas pour décrire toutes les machines agricoles imaginées ; les principales d’entre elles sont présentées au musée des Techniques du Conservatoire national des arts et métiers, à Paris. Cette différence de vitesse d’évolution technique correspond encore à une évolution sociale : la disparition partielle de l’exploitation abusive du travail manuel de certains, à la suite de la Révolution.

La motorisation est une autre étape de l’évolution, mais sa nature est un peu différente : il s’agit, en effet, de l’utilisation de nouvelles sources d’énergie, beaucoup plus efficaces, pour entraîner les mécanismes et pour déplacer les instruments. Instruments et mécanismes étaient faits pour la traction animale ; à partir du début du xxe s., ils s’adaptent peu à peu à la traction mécanique. La vapeur d’abord (xixe s.), puis les moteurs à combustion interne apportent l’énergie nécessaire pour accroître l’efficacité des machines déjà connues et pour permettre la conception de nouvelles machines réalisant d’autres opérations culturales. Sur le plan de l’utilisation, deux courants d’évolution se font concurrence : dans l’un, on recherche la polyvalence des matériels de façon à accroître les durées d’utilisation, très souvent limitées par les contraintes biologiques et climatiques ; dans l’autre, on tend à la perfection technique par la spécialisation des matériels.

La machine automotrice hautement spécialisée apparaît dans tous les domaines où la technique est stabilisée. Les appareils de récolte, en particulier, sont très souvent automoteurs de nos jours ; mais certains matériels pour la protection des cultures, pour le semis, voire pour le travail du sol sont parfois automoteurs. Cette tendance est évidemment celle qui bouscule le plus nos structures agricoles actuelles, puisque l’utilisation de ces machines spécialisées à haut rendement implique économiquement de grandes surfaces.

L’étape suivante est l’automatisation* ou automation : une fois le programme défini, la machine se contrôle elle-même toute seule. En agriculture, les exemples d’automatisation sont déjà nombreux : portions de mécanismes (régulateurs, contrôle automatique de l’hydraulique), installations complètes (séchoirs, clôtures électriques), dispositifs d’autoguidage. L’agriculture automatisée n’est pas pour demain, mais la fin du siècle la verra peut-être détrôner l’agriculture motorisée actuelle.

Bien entendu, de même que l’usage de la pince ou du tournevis est parfaitement compatible avec l’utilisation d’un ordinateur, il est évident que, dans une même exploitation moderne, on trouve des outils, des instruments, des mécanismes, des moteurs animés ou inanimés et des dispositifs automatiques. On constate — dans le domaine de l’automatisation comme dans les étapes précédentes — un certain retard du progrès mécanique en agriculture, par rapport à l’industrie. La marge de progrès technique qui existe entre une araire et une moissonneuse-batteuse moderne est du même ordre que celle que l’on trouve entre cette dernière machine et un ordinateur ou une machine-transfert d’une chaîne de construction automobile.

Les contraintes spécifiques de l’agriculture expliquent en partie ce retard technique.