Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Machault d’Arnouville (Jean-Baptiste) (suite)

L’année 1757 marque le terme de sa carrière. Le pays est en crise, les impôts indirects sont insupportables au petit peuple, qui applaudit à l’action d’un Mandrin (1724-1755). Au lendemain de l’affaire des billets de confession, la politique royale est contestée. Le roi manque de mourir sous le couteau de Damiens (1715-1757). On croit un moment qu’un danger réel pèse sur la vie du monarque. Prudence ou trahison, Machault recommande à Mme de Pompadour de se retirer. Quand le roi est sauf, la favorite réclame le départ immédiat du secrétaire d’État. Machault n’a-t-il pas d’ailleurs voulu détruire la religion, comme on le murmure dans l’entourage des filles du roi ? Louis XV, troublé, finit par se séparer de « l’homme selon son cœur » le 1er février 1757. Le départ de Machault est la première défaite du roi dans la guerre de l’impôt menée contre les privilégiés.

Machault d’Arnouville manqua par deux fois sortir de sa retraite, Louis XVI pensa au début de son règne en faire son conseiller aux Affaires. Il n’en fit rien. Machault vécut à Rouen pendant la Révolution française, et c’est là qu’il fut arrêté. Transféré à Paris, il devait mourir dans sa prison.

J.-P. B.

Machiavel

En ital. Niccolo Machiavelli, historien, théoricien et homme politique, poète, nouvelliste et auteur dramatique (Florence 1469 - id. 1527).



La vie

« Je suis né pauvre et j’ai appris plutôt à peiner qu’à jouir », écrivait Machiavel en 1513 à son ami Francesco Vettori (1474-1539). On ignore au demeurant presque tout de son enfance et de son adolescence jusqu’au début, en 1498, de sa carrière politique. Sa profonde connaissance du latin atteste le sérieux de ses études, mais, s’il cultiva la musique, rien n’indique qu’il ait jamais appris le grec. Dans sa jeunesse, il fut surtout le témoin des principaux bouleversements politiques qui allaient livrer l’Italie à la domination étrangère, dont toute son œuvre ne cessera d’interroger les conséquences : en 1492, mort de Laurent de Médicis*, auquel succède son fils Pierre, tandis qu’Alexandre VI* Borgia accède au trône pontifical ; en 1494, descente de Charles VIII* en Italie et chute de Pierre de Médicis ; instauration, enfin, d’une république théocratique à Florence, laquelle survivra, dans ses institutions républicaines, à son fondateur Savonarole*, excommunié en 1497, puis pendu et brûlé en 1498, quelques jours à peine avant l’entrée de Machiavel dans sa charge de secrétaire de la seconde chancellerie, puis de la chancellerie des « Dieci di Libertà e Balia » (ou « Dieci della guerra »), dont dépendent les affaires militaires et la diplomatie.

D’autre part, le jeune Machiavel, grandi dans Florence, prit très tôt conscience à la fois de l’incontestable primat culturel et économique que détenait encore dans le monde sa ville natale et de la crise — aggravée par la violence des factions — qui commençait à la travailler.

Ses premiers écrits sont directement inspirés par son activité politique et diplomatique. Ses premières missions le conduisent à Piombino et Imola en 1499, année où il compose le Discorso fatto al magistrato dei Dieci sopra le cose di Pisa, et sa première ambassade en France date de 1500. Après diverses légations à Pistoia, à Cascina et à Sienne (1501), Machiavel est envoyé en 1502 à Urbino auprès de César Borgia*, dont les conquêtes — entreprises à partir de 1499 — et le génie politique seront longuement cités en exemple dans le Prince. La même année, Machiavel, qui a épousé entre-temps Marietta (fille de Luigi) Corsini, rédige le Ragguaglio delle cose fatte dalla repubblica fiorentina per quietare le parti di Pistoia et réussit à consolider sa position en obtenant que Piero Soderini (1452-1522) — dont il est le confident et le bras droit — soit élu gonfalonier à vie. En 1503, toujours auprès de César Borgia, il rend compte de la façon dont celui-ci s’est vengé du complot tramé contre lui à Senigallia : Descrizione del modo tenuto dal duca Valentino nello ammazzare Vitellozzo Vitelli, Oliverotto da Ferma, il signor Pagolo e il duca di Gravina Orsini ; de juin à août il écrit Del modo di trattare i popoli della Val di Chiana ribellati, puis, après la mort d’Alexandre VI (18 août) et de son successeur, Pie III (18 oct.), il assiste à Rome à l’élection pontificale de Giuliano della Rovere (Jules II [1503-1513]), qui met le point final à l’aventure politique de César Borgia.

Dès lors, son activité se partage entre des missions diplomatiques à l’étranger et la création, à Florence, d’une armée autonome et non mercenaire. Ses missions en France auprès de Louis XII en 1504, en 1510 et en 1511, et à la Diète de Constance (1507) auprès de l’empereur Maximilien Ier (1493-1519) lui inspirent d’une part le Ritratto di cose di Francia (1510) et d’autre part le Rapporto delle cose della Magna (1508), devenu en 1512 le Ritratto delle cose della Magna. Quant à ses préoccupations militaires, on en trouve déjà la trace dans l’ébauche d’un discours qu’il composa en 1503 pour Piero Soderini : Parole da dirle sopra la provisione del danaio. La défaite subie en 1505 par les troupes florentines sous les murs de Pise impose avec urgence la réalisation du projet, élaboré par Machiavel, d’une « Ordinanza fiorentina ». Machiavel s’emploie aussitôt à son recrutement. En 1506, il est nommé chancelier des neuf officiers de l’« Ordinanza », dont il expose vigoureusement la théorie dans le Discorso dell’ordinare lo stato di Firenze alle armi. La nouvelle armée permet aux Florentins d’entrer victorieusement dans Pise en 1509, mais le jeu des alliances et le retrait des troupes françaises après la bataille de Ravenne (1512) isolent Florence, où les Médicis chassent Piero Soderini et restaurent leur seigneurie avec l’aide des troupes espagnoles. Machiavel, qui avait tenté de s’y opposer en lançant l’appel Ai Palleschi, est destitué de toute magistrature et condamné à un an d’exil dans le territoire florentin. L’année suivante, accusé d’avoir participé à un complot contre les Médicis, il est arrêté, torturé et, malgré l’amnistie accordée par Jean de Médicis (Léon X [1513-1521]) lors de son élection au pontificat, il se retire dans sa petite propriété de Sant’ Andrea in Percussina, près de San Casciano, où il écrit le Prince (dont les deux Decennali en vers — 1504 et 1509 — anticipaient avec éloquence certains thèmes), correspond avec Soderini et Vettori, et amorce la rédaction des Discorsi sopra la prima deca di Tito Livio.