Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Lyon (suite)

L’art à Lyon

Le patrimoine artistique de Lyon est assez pauvre en regard de son importance économique et démographique. L’histoire des réalisations est souvent une « histoire en creux », celle des projets avortés ou des occasions manquées. « Ville de négoce » a-t-on coutume de dire en guise d’explication. Florence ne le fut-elle point ? L’énumération des œuvres ne peut, ici, dispenser d’une problématique. Plus qu’un hasard malheureux qui aurait écarté de Lyon les grands artistes, l’absence d’une grande noblesse et celle d’un parlement fournissent une réponse, mais aussi l’écartèlement entre le pouvoir communal et le pouvoir royal, puis l’écrasement du premier par le second, les destructions révolutionnaires, la centralisation contemporaine enfin, avec ses conséquences sociales et économiques.

Quant au Lyonnais, territoire exigu, ce n’est pas une véritable province artistique ; il n’a eu de réelle cohérence qu’aux temps féodaux. Ville d’Empire jusqu’en 1307, ville frontière jusqu’en 1601, Lyon accueillait des influences plus lointaines.

La ville est devenue l’un des principaux centres de l’archéologie gallo-romaine. Depuis cinquante ans, les fouilles ne cessent de livrer d’innombrables témoignages, regroupés en 1976 dans un important musée. En 1971, le chantier de Fourvière a trouvé un prolongement dans la découverte de vestiges paléochrétiens sur la colline Saint-Just.

L’art roman s’est manifesté à Lyon avec vitalité. Trois abbayes déjà fort anciennes furent rebâties : l’Île-Barbe, Saint-Pierre et Saint-Martin d’Ainay, cette dernière consacrée en 1107. Sa coupole sur trompes, son abside en cul-de-four suggèrent des rapprochements avec les édifices du Velay. Les églises des monts du Lyonnais et du Beaujolais ont des coupoles surmontées de la même tour-lanterne, et leurs absides sont également décorées d’arcatures, agrémentées à Ainay d’un décor antiquisant très raffiné. La seconde floraison romane, au milieu du xiie s., semble déterminée par l’exemple de Vienne*. L’ampleur des proportions, comparées à celles d’Ainay, le décor incrusté dans le mur — innovation venue d’Italie du Nord — se retrouvent dans le chœur de la cathédrale de Lyon, où des arcs trilobés rappellent des influences plus lointaines. Ce qui reste de roman dans l’église Saint-Paul se réfère encore aux origines viennoises. Les historiens de l’art médiéval ont raison de parler de « milieu rhodanien » plutôt que de « Lyonnais », marquant ainsi l’ouverture aux influences commandées par la géographie et par les dominations politiques et ecclésiastiques.

L’époque gothique est d’abord celle de l’achèvement de la cathédrale Saint-Jean, qui ne fut terminée qu’au xve s. L’élévation de la nef transpose en gothique l’ordonnance du chœur roman. Les baies du triforium peuvent, à elles seules, retracer l’histoire de la construction, évoluant d’un style roman antiquisant à un gothique fleuri. Les remarquables reliefs sculptés aux soubassements des portails de façade, d’inspiration nordique, ont été comparés à ceux du transept de la cathédrale de Rouen. Les verrières témoignent de l’existence d’ateliers encore mal connus, sensibles à l’exemple chartrain au xiie s., et d’une grande originalité iconographique. Deux églises symbolisent la croissance de la puissance bourgeoise et, avec elle, celle de la cité, qui, aux xiiie et xive s., s’étend sur la presqu’île entre Rhône et Saône : Saint-Nizier, de style flamboyant (le portail est plus tardif), et Saint-Bonaventure, seule église franciscaine subsistant en France, toutes deux abritant des confréries artisanales. Il ne reste presque rien de l’architecture civile d’alors depuis le remplacement de l’ancien pont de la Guillotière.

De la fameuse Renaissance lyonnaise, au contraire, subsistent une cinquantaine d’hôtels urbains qui se ramènent au même type : sur des parcelles étroites et profondes, les bâtiments de façade et ceux de derrière sont reliés par des loggias superposées au-dessus de la cour, l’escalier à vis étant logé dans une tour d’angle plus haute que l’ensemble. L’exemple de choix, dans ce « Vieux Lyon » entre pentes de Fourvière et Saône, est l’hôtel de Gadagne, devenu musée historique de Lyon. Mais on chercherait en vain un monument grandiose. Un seul projet d’envergure, celui d’une sorte de palais des foires, sans doute réclamé par les marchands étrangers, fut peut-être confié à Philibert Delorme* (auteur de la galerie de l’hôtel Bullioud) et encouragé par le roi ; mais celui-ci en laissait le financement aux Lyonnais, éprouvés par la conjoncture politique, et l’affaire en resta là. C’est dans les souvenirs des « Entrées » royales ou princières — récits ou dessins — et surtout dans l’art du livre, illustré par des créateurs comme le xylographe Bernard Salomon (connu de 1540 à 1561), que l’on perçoit l’esprit de la Renaissance.

L’époque classique, par contre, est fertile en monuments. En 1646 fut commencée la construction d’une « maison de ville » ; l’allure primitive en a été bien modifiée par les restaurations de J. H.-Mansart* et de Robert de Cotte*, après un incendie où disparut l’ambitieux décor intérieur dû à Thomas Blanchet (1614 ou 1617-1689). C’était l’entreprise d’une municipalité qui avait perdu tout pouvoir réel depuis Henri IV. La royauté elle-même la poussait à se donner meilleure apparence et intervint aussi dans la restauration du couvent voisin des Dames-de-Saint-Pierre. L’austère façade de celui-ci doit beaucoup à l’architecture romaine du début du siècle ; la décoration intérieure du rez-de-chaussée révèle l’existence à Lyon d’un courant baroque plus fort qu’on ne l’attendrait d’une ville de tonalité sévère. La topographie urbaine, elle, ne pouvait guère se réclamer de celle des villes baroques : aucune percée dans la presqu’île, dont une grande part était aux mains des communautés religieuses. De la fin du xviie s., qui a également laissé plusieurs églises intéressantes, date la réalisation lyonnaise la plus connue, la place Bellecour (place Royale). Faute d’argent, cette campagne d’embellissement ne put être achevée que soixante ans plus tard (1738).

La personnalité de Soufflot* domine l’activité architecturale du xviiie s. : héritier du baroque à l’église Saint-Bruno, qu’il décora dans sa jeunesse, il fut plus classique dans sa conception de la façade monumentale de l’hôtel-Dieu.