Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Luxembourg (grand-duché de) (suite)

Le Luxembourg est la seule province à ne pas participer aux deux grands soulèvements qui secouent les Pays-Bas au xvie s. contre Philippe II (scission des provinces du Nord) et au xviiie s. contre Joseph II (révolution brabançonne). Vivant à l’écart des autres provinces, n’ayant pas, du fait de ses structures, une bourgeoisie importante, il ne se sent pas directement concerné. Sa passivité à ces deux occasions lui vaudra une réputation de fidélité au prince et atteste en tout cas son particularisme.

Le Luxembourg est dans les Pays-Bas à la fois la province la plus vaste et la plus pauvre. Sauf les plaines vallonnées, mais fertiles, du Sud (Bon Pays et pays Gaumais) et la vallée de la Moselle, le pays, dans sa majeure partie (Ardenne, Oesling, Eifel), est couvert de forêts, de bruyères et de landes. L’agriculture, enfoncée dans des procédés routiniers, est très extensive. La petite et moyenne propriété domine, généralement en faire-valoir direct avec un morcellement et parcellement très poussés (structures qui ne changent que depuis 1950). Une population clairsemée arrache péniblement à la terre ses subsistances, la moindre crise céréalière provoquant la disette et la famine. Dans le sud du pays, l’assolement triennal se pratique dès le Moyen Âge ; en Ardenne et dans l’Eifel, c’est plutôt une culture temporaire et la pratique de l’essartage qui se maintiennent jusqu’au xixe s. L’absence de bonnes voies de communication — il n’y a pour ainsi dire pas de voies navigables, car la Moselle ne fait qu’effleurer le pays — limite les échanges et impose une économie repliée sur elle-même. La présence de minerai d’alluvion et de riches forêts favorise la sidérurgie (attestée dès le début de la période de La Tène). En 1600, il y a une centaine de forges, la plupart dans la partie wallone. La production à la fin de l’Ancien Régime est de 14 000 t de fonte par année. La faiblesse du marché intérieur et le manque de capitaux expliquent l’absence d’usines de transformation dans le pays. Les capitalistes liégeois sont les principaux clients et bénéficiaires des demi-produits luxembourgeois.

Économiquement, le pays accuse toutes les caractéristiques du sous-développement (important mouvement d’émigration au xviiie s.) et reste à l’écart des grands courants commerciaux. Il est dépourvu de villes. En effet, sauf la capitale (8 500 hab. en 1789), les « bonnes villes », représentées aux états du pays, ne sont que des bourgs dont aucun ne dépasse les 2 000 habitants (les plus importants : Arlon, Echternach, Remich et Grevenmacher). Le pays reste également à l’écart des grands mouvements intellectuels et spirituels. La Réforme protestante touche les extrémités (pays Gaumais, influence de Sedan ; l’Eifel septentrional, influence de Cologne), mais ne peut pénétrer à l’intérieur. La Contre-Réforme catholique au xviie s. sera l’œuvre des Jésuites, installés à Luxembourg depuis 1594. Ils propagent notamment le culte de la Vierge, vénérée sous le vocable de Consolatrice des affligés : en 1666, elle est élue patronne de la ville et, en 1678, patronne du pays. Le culte mariai a durablement marqué le catholicisme luxembourgeois.

La situation religieuse se caractérise par l’absence d’un évêché luxembourgeois. Le pays relève en effet, pour l’essentiel, des évêques de Liège (Ardenne, Oesling) et de Trèves et, pour une moindre part, des évêques de Metz, Verdun, Reims et Cologne. Par le placet, le Conseil provincial contrôle l’action de ces évêques au Luxembourg.

Ce pays, où le premier imprimeur ne s’installe qu’en 1598, fournit cependant au xvie s. une pléiade d’humanistes remarquables qui trouveront toutefois la célébrité au dehors : Petrus Jacobi (1459-1509), humaniste de la première heure ; Jérôme Busleyden (ou Busleiden) [1460/70-1517], fondateur du collegium trilingue de Louvain ; Bartholomeus Latomus (v. 1485-1570), professeur d’éloquence latine au Collège de France ; Mameranus (v. 1500-1570), auteur prolifique, historiographe de Charles Quint. Enfin, dans les rangs des protestants, on trouve Johannes Sturm (1507-1589), recteur de l’académie de Strasbourg, et Johannes Philippi, dit Sleidanus (1506-1556), professeur à Strasbourg et historiographe de la Réforme en Allemagne. La vie intellectuelle à Luxembourg même sera stimulée par le collège des Jésuites. Alexandre Wiltheim S. J. (1604-1684) est un archéologue réputé, auteur du Luxemburgum romanum (édité en 1842). À signaler encore Peter Ernst von Mansfeld (1517-1604), gouverneur du duché, grand mécène et collectionneur d’antiquités, et J. Bertels (1544-1607), abbé d’Echternach et auteur de la première histoire du Luxembourg (Historia luxemburgensis, 1595).

Le Luxembourg possède ses institutions propres. Le Conseil du prince, apparu sous le règne d’Ermesinde (plus tard appelé Conseil provincial), est à la fois conseil de gouvernement et cour d’appel pour le pays. Les états de Luxembourg, organe représentatif (trois ordres : le clergé, la noblesse et les « bonnes villes »), apparaissent dans la seconde moitié du xive s., ils participent à l’exercice de l’autorité publique par le vote de l’impôt et ont le droit de faire des représentations au souverain.

Au niveau des Pays-Bas, il y a le gouvernement général à Bruxelles, qui reçoit son impulsion de Madrid, plus tard de Vienne ; comme organe représentatif, il y a les états généraux (qui ne sont plus convoqués depuis 1632), auxquels les représentants luxembourgeois refusent parfois de siéger.


L’ère des réformes

À partir de la seconde moitié du xviiie s., le Luxembourg entre dans l’ère des réformes sous l’impulsion du despotisme éclairé (Marie-Thérèse* et Joseph II*). Une importante enquête sur les revenus de tous les propriétaires sans exception (établissement du cadastre marie-thérésien, 1766-1771) instaure pratiquement l’égalité devant l’impôt vingt ans avant la Révolution de 1789.

Les troupes révolutionnaires s’emparent du Luxembourg en 1795. Le pays est démembré, la majeure partie forme le département des Forêts (1795-1814). La législation nouvelle introduit la centralisation (disparition des institutions d’ordre luxembourgeois) et la rationalisation de l’administration. Les nouvelles mesures gênent la population dans ses habitudes et la heurtent dans ses convictions religieuses. L’introduction de la conscription provoque dans les campagnes un soulèvement spontané (Klëppelkrich, guerre des Gourdins), écrasé avec facilité et sévérité (automne 1798). Avec l’arrêt de la persécution religieuse, les Luxembourgeois acceptent tant bien que mal le nouveau régime.